Vers une écologie intégrale. Théologie pour des vies épanouies

Martin Kopp
Théologie - Recenseur : Xavier de Bénazé

Les écothéologiens francophones sont relativement peu nombreux. Le premier livre de Martin Kopp, Vers une écologie intégrale. Théologie pour des vies épanouies, est donc bienvenu. Notons d’entrée de jeu que ce titre dit un élément important de ce champ de recherche : sa dimension œcuménique. Si l’A. est luthérien, il n’hésite pas à reprendre jusque dans son titre l’expression « écologie intégrale » popularisée (mais non forgée) par le pape François. Bien sûr, l’A. y insère une approche qui lui est propre et qu’il développe surtout dans le 3e chap. en dialogue avec l’écoféminisme et le post-colonialisme.

Le livre se structure en trois parties clairement distinctes. Le 1er chap. dresse le portrait de l’époque dans laquelle nous entrons. Voire de l’ère, au sens géologique du terme, qui s’ouvre devant nous : l’Anthropocène. Ce constat fondé en sciences dures rassure sur le sérieux du théologien qui va prendre la parole dans ce contexte émergent.

Vient alors le 2e chap. proprement théologique et qui tâche de répondre aux multiples questions que l’Anthropocène pose à l’humain et donc à Dieu, à Dieu et donc à l’humain. Ce chapitre est le plus long. Il est une bonne introduction générale aux différents débats et approches de l’écothéologie aujourd’hui. Comme une introduction relativement brève, il risque parfois des raccourcis, des « sauts de marche » dans le raisonnement pour arriver plus vite aux conclusions. Le lecteur ou la lectrice qui découvre l’écothéologie aura donc sans doute parfois besoin d’aller puiser directement aux nombreuses sources citées par l’A. Mais il est certain qu’une telle introduction concise et large manquait au monde francophone. Merci à M. Kopp de s’être lancé dans l’exercice. On notera avec intérêt l’approche résolument trinitaire de ce chap. 2 au cœur du livre. Au sein de cette dynamique trinitaire, l’entrée par la christologie et non par la figure du Père Créateur est particulièrement intéressante. Martin Kopp la justifie en affirmant que la christologie est « le cœur du christianisme » (p. 50) – reprenant une théologienne féministe américaine, Sallie Mc Fague, tout un symbole en soi. Ce choix qui sort des sentiers battus est heureux puisque le public visé est chrétien, disciple du Christ, et parfois, quelles que soient les Églises, réticent à entrer réellement dans une « conversion » écologique en profondeur. Mais il dit aussi que le souhait exprimé par Martin Kopp de parler largement au-delà des cercles chrétiens est sans doute réel, mais difficilement envisageable quand on plonge dans la densité chrétienne du chap. 2 qui occupe la majeure partie du livre.

Pour clore son propos et développer une réelle approche « intégrale », l’écothéologien français développe alors un chap. 3 en dialogue successif avec le mouvement écoféministe et le mouvement post-colonialiste. Autrement dit, le terme « intégral » est ici utilisé au sens de l’intersectionnalité des luttes chère à une partie des mouvements militants de par le monde, essentiellement sous influence des débats états-uniens. Si ce type d’exploration intéressera sans doute le lectorat averti, pour un public néophyte il sera soit une occasion de découvrir certains sujets, soit un risque de se perdre un peu après un chap. 2 posant de bonnes bases. Martin Kopp reconnaît ainsi lui-même p. ex. que « l’écoféminisme rassemble de fait sous son nom des options si diverses et antagonistes qu’il désespère tout essai d’introduction bien arrangée » (p. 161). On lira donc ce chap. 3 avec un certain recul, acceptant de se laisser déplacer, mais aussi en se sentant libre de juger que les tours de « rond-point » proposés au sein de courants de pensée très divers et éclatés peuvent parfois paraître difficiles à justifier. Mais surtout on regrettera que l’A. mentionne « trois racines majeures [de la crise écologique et sociale de l’Anthropocène] : la racine croissanciste et cupide, la racine patriarcale et sexiste et la racine coloniale-capitaliste et raciste » (p. 159) tout en décidant de ne parler que des deux dernières sans vraiment justifier l’exclusion de la première. Ce choix est d’autant plus regrettable que l’A. a précisément réalisé sa thèse sur la décroissance comme chrétien, en dialogue avec la pensée de Serge Latouche, et qu’il apparaît régulièrement que le niveau de richesse monétaire (d’un pays, d’un groupe ou d’un individu) est souvent le paramètre le plus fiable pour deviner son impact écologique et social.

Les chrétiens et chrétiennes francophones liront donc avec intérêt cet ouvrage comme une introduction à l’écothéologie, autrement dit à un essai de dire Dieu dans la nouvelle ère qui s’ouvre devant nous. Quant aux théologiens et théologiennes d’autres champs de recherche, ils y trouveront de quoi nourrir leurs propres recherches et questionner leurs travaux, tout en gardant à l’esprit que le développement « intégral » ou « intersectionnel » final reste sans doute plus sujet à dialogue et controverses. — X. de Bénazé s.j.

newsletter


la revue


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80