Isabelle de La Garanderie, a consecrated virgin from the diocese of Nanterre, in charge of the accompaniment of neophytes, offers us an original and stimulating reflection on the sacrament of reconciliation. Forgotten by many, rediscovered with a certain enthusiasm, especially by young people, on the occasion of large gatherings, vigils of mercy or days of forgiveness, this particularly precious gift of grace is also sometimes neglected in the itineraries proposed to catechumens.
I. Payen de la Garanderie, La Réconciliation. Chemin d’initiation et de croissance ecclésiales, coll. Cahiers de la NRT, Paris, CLD, 2019, 13x19, 148 p., 15,00 €. 978-2-85443-603-7
Isabelle de La Garanderie, vierge consacrée du diocèse de Nanterre, chargée en particulier de l’accompagnement des néophytes, nous propose une réflexion originale et stimulante sur le sacrement de réconciliation. Délaissé par beaucoup, retrouvé avec un certain enthousiasme, notamment par les jeunes, à l’occasion des grands rassemblements, des veillées de miséricorde ou des journées du pardon, ce don de grâce particulièrement précieux est également négligé parfois dans les parcours proposés aux catéchumènes. On se désole à juste titre du défaut de persévérance de certains néophytes dans la pratique chrétienne, on insiste à bon droit sur leur intégration concrète dans les communautés paroissiales par leur participation à telle ou telle activité, mais on en reste souvent à une analyse superficielle de leurs difficultés à entrer vraiment dans une vie chrétienne durable.
Saint Augustin lui-même évoque, dans le livre x des Confessions, sa mauvaise surprise de demeurer marqué par le péché après sa conversion et son baptême. Pour beaucoup de néophytes, le « baptême-blues » n’est pas une simple retombée d’enthousiasme superficiel mais une interrogation profonde et parfois déstabilisante sur ce qui a vraiment changé en eux par les sacrements d’initiation reçus. Ils ont alors à franchir un seuil en découvrant que la vie chrétienne dans laquelle ils viennent d’entrer s’inscrit dans le temps, ouvre un chemin de perpétuelle conversion qui ne s’achèvera que dans la gloire éternelle mais sera providentiellement accompagné par ce surcroît de la grâce baptismale que constitue le « baptême laborieux », le sacrement de réconciliation.
Ainsi, la difficulté des néophytes à persévérer dans la vie chrétienne ne proviendrait pas seulement ni d’abord du manque de chaleur des communautés paroissiales mais plutôt d’un déficit de profondeur et de richesse de ce qui leur a été transmis. Trois « confessions » structurent la vie chrétienne et sont, en réalité, indissociables l’une de l’autre : la confession de la foi, la confession de la louange et la confession des péchés. Amputée de l’une de ses dimensions, appropriées d’ailleurs à chacun des trois sacrements de l’initiation, la foi court le risque de se scléroser voire de se nécroser. Il y a à éveiller les néophytes à la circumincession de ces « confessions » pour que la dynamique inaugurée par les sacrements de l’initiation puisse se déployer dans leur être profond et tout au long de leur vie.
L’éveil à la grâce spécifique du sacrement de réconciliation fait partie de la catéchèse mystagogique qui, depuis l’Antiquité chrétienne, complète la catéchèse baptismale. On réduit parfois la mystagogie à un enseignement qui s’appuierait sur la liturgie et en éluciderait les signes. Certes, la liturgie constitue un point de départ particulièrement précieux et fécond pour la mystagogie mais celle-ci ne s’y réduit pas. La mystagogie met en lumière à partir des dons sacramentels déjà reçus le surcroît de grâce à recevoir. Ce qui justifie une attention pastorale et ecclésiale spécifique aux néophytes est bien sûr leur intégration fraternelle dans la communauté chrétienne mais surtout cette dimension mystagogique de nécessaire approfondissement de ce qui a commencé d’être donné et reçu. L’éveil au sacrement de réconciliation, constitutif de la dynamique durable de la croissance chrétienne, constitue donc un élément particulièrement emblématique de la nécessaire attention spécifique aux néophytes.
La situation mystagogique de l’initiation au sacrement de réconciliation n’est pas instructive seulement pour les néophytes : elle peut éclairer et stimuler l’ensemble des baptisés. Trop souvent, ils réduisent le sacrement de réconciliation à un rendez-vous plus ou moins punitif avec leur conscience morale alors qu’il s’agit d’abord et avant tout d’une occasion bienfaisante et salutaire de renouveau et d’approfondissement de leur vie proprement théologale. C’est donc replongée dans la grâce baptismale reçue que la grâce du sacrement de réconciliation peut être pleinement désirée et accueillie. De même que certains parlent de néo-catéchuménat pour inviter les baptisés de longue date à un véritable parcours de conversion, on pourrait proposer un chemin de néo-néophytat pour que tous redécouvrent comment le sacrement de réconciliation en particulier s’inscrit de manière nécessaire dans le déploiement toujours à approfondir de l’initiation chrétienne.
Isabelle de La Garanderie ouvre des pistes suggestives pour que néophytes et néo-néophytes puissent goûter le sacrement de réconciliation, en donnant notamment une vraie place à la Parole de Dieu dans la préparation et la célébration sacramentelle du pardon. Les recommandations du rituel dans ce domaine restent parfois, pour ne pas dire souvent, lettre morte. Peut-être que les confesseurs seraient stimulés dans leur écoute des pénitents par la recherche toujours plus attentive du passage des Écritures à proposer en réponse à telle ou telle difficulté exposée, non pas comme un remède immédiat mais comme un lieu de grâce pour éprouver les lumières toujours singulières et agissantes du Seigneur. La question toujours ouverte d’un guide adapté pour un « examen de conscience » vraiment fructueux peut trouver une réponse dans la lectio divina personnelle et communautaire dont Isabelle de La Garanderie donne des exemples moins limitatifs que programmatiques.
La question posée par l’initiation des néophytes au sacrement de réconciliation ne constitue donc pas un problème de technique pastorale mais une porte d’entrée dans la profondeur de la vie théologale. Le pardon sans cesse offert par le Seigneur n’est pas un rapide coup d’éponge pour oublier un manquement passager mais l’entrée toujours à approfondir dans le pardon, l’au-delà du don, le surcroît du don que nous n’aurons jamais fini, même dans la vie éternelle, de découvrir avec émerveillement. Tous les baptisés sont appelés à en vivre intensément pour qu’au-delà de l’engagement de quelques accompagnateurs dédiés, les néophytes puissent en faire la découverte durable. La véritable question posée par la persévérance des néophytes est celle de la profondeur et de la vérité de notre foi, de la profondeur et de la vérité de notre expérience de la miséricorde de Dieu, son œuvre de recréation qui ne cesse de nous disposer au Royaume qui vient.