«Il n'y a de philosophie que religieuse, parce qu'une
phénoménologie est toujours transie par une métaphysique, et que
celle-ci est motivée par la positivité de Dieu.» (p. 18) Telle est
la conviction d'Emmanuel Tourpe; telle est la constatation qu'avec
virtuosité il s'applique ici à vérifier chez von Baader, auquel il
consacre ce livre contenant des «articles publiés dans différents
organes» (p. 22), laissant toutefois de côté quatre autres
contributions consacrées elles aussi à Baader, mais dont le contenu
«prolonge» le présent volume.La «théosophie», dans sa conception
baaderienne, peut être identifiée à une métaphysique chrétienne,
même si celle-ci y trouve un appui symbolique, narratif et
expérientiel - Baader ayant d'ailleurs été un lecteur attentif et
convaincu de Boehme. «Sous le rideau épais des allégories et des
saillies imprécises se cache en réalité (dans ses écrits) la
parturition, ou plutôt la germination miraculeuse d'une des pensées
allemandes les plus prometteuses d'une époque pourtant très féconde
de la pensée.» (p. 49) - l'époque de l'idéalisme et du romantisme.
Baader se donne pour tâche de réintroduire l'esprit du
christianisme contemplatif et mystique de son temps. Il est «loué
par tous les romantiques, caché derrière les oeuvres de Schelling
comme de Hegel, inspirateur discret de la politique européenne,
prophète dans bien des domaines» (p. 79).Nous ne développerons pas
davantage le contenu de ce livre stimulant qui aborde ensuite, dans
la lecture de Baader, «l'attraction de l'éternel et la pesanteur de
l'histoire».Au terme de sa rencontre avec Baader, Emmanuel Tourpe
évoque des liens de sa pensée avec celle de penseurs chrétiens plus
récents: Bruaire, Beck, Balthasar, pour conclure: «c'est Baader qui
a le mieux synthétisé les différents aspects de l'amour dans
l'être, à savoir la donation et réflexion dans l'expression» (p.
273).Le lecteur désireux de prendre ainsi contact avec une pensée
peu connue n'y perdra pas son temps. - S. Decloux sj