Défendue l'année du jubilé (2000), cette thèse de doctorat dirigée
par A. Schenker (Fribourg, Suisse) a déjà fait l'objet d'une brève
présentation dans la collection «Connaître la Bible» des éditions
Lumen Vitae (voir NRT 124 [2002] 461-462). L'analyse de Lv 25,
menée par l'auteur, membre de l'institut Notre-Dame de Vie
(Vénasque, France), est maintenant disponible dans toute son
amplitude. En seize chapitres, aucun aspect essentiel de ce texte
fondateur de la doctrine sociale de l'Église n'est laissé dans
l'ombre: état de la recherche, proposition de traduction,
commentaire verset par verset, examen serré du vocabulaire
spécifique à cette législation, question du calendrier des années
sabbatiques et jubilaires (a-t-on à faire à deux années
différentes?), rapport à l'histoire (utopie ou réalité?), datation,
comparaison avec les autres lois sur l'esclave (Ex 21 et Dt 15) ou
avec les autres décrets du monde antique (la sisachthie à Athènes,
le misharum et l'andurarum à Babylone et en Assyrie), tout est
examiné avec minutie. Certaines solutions proposées sont classiques
concernant, par exemple, la datation (l'époque perse) ou la
chronologie relative des «codes» juridiques (antériorité de Ex 21
et Dt 15 sur Lv 25). D'autres, par contre, sont subtiles et
originales: ainsi l'année jubilaire (50e année: v. 10-11) ne
représenterait pas une année de jachère supplémentaire et
différente d'une année sabbatique, mais désignerait la 7e année
sabbatique elle-même (7x7 = 49: v. 8), comptabilisée à partir de la
première année sans semailles de la présence en Canaan (v. 2; cf.
Jos 5,10-12). Ces mises au point sont utiles et souvent
éclairantes. Mais le vér
itable intérêt de la thèse me semble ailleurs. En proposant une
étude qui s'inspire des principes du close reading et en ne
recourant pas facilement à l'excuse d'une histoire rédactionnelle
complexe pour justifier, généralement sans les expliquer, les
énigmes du texte, Lefebvre parvient à honorer à la fois la
cohérence de cette législation et sa dimension théologique. Le
point de vue historique s'inverse alors et ce qui a longtemps été
considéré comme une théologisation tardive et secondaire des
préceptes - à savoir les clauses de motivation telles que «Je suis
YHWH votre Dieu qui vous ai fait sortir du pays d'Égypte» (v. 38;
voir aussi v. 23.42.55) - pourrait bien apparaître au contraire
comme la source d'inspiration du droit. Mémorial de la création, de
la rédemption et du don du pays, Lv 25 ne révèle du coup plus
aucune tension entre sa loi et sa parénèse, mais s'affiche plutôt
comme une application juridique réaliste et volontariste, au niveau
familial, des principes qui doivent régir la relation entre Dieu,
son peuple et sa terre. La célébration du jubilé est déjà loin
derrière nous, mais on ne perdra pas son temps à redécouvrir, grâce
à ce beau travail, l'actualité, la force et la valeur inépuisable
de cet enseignement biblique. - D. Luciani.