Lorsque Jean Bolland (1596-1665), bientôt rejoint par Godefroid
Henschen (1601-1681) et Daniel Papebroch (1628-1714), entreprend
dans les années 1630 la collection des Acta Sanctorum, il est amené
à rechercher le plus grand nombre de manuscrits contenant les
textes hagiographiques qu'il compte éditer, ainsi que le maximum
d'informations concernant l'histoire et le culte de chaque saint.
Cette quête sera à l'origine d'une abondante correspondance que, au
fil des siècles, Bolland puis ses successeurs entretiendront avec
des érudits de l'Europe entière. Parmi ces derniers, on rencontre
notamment le jésuite franc-comtois Pierre-François Chifflet
(1592-1682), lui aussi fort intéressé par l'hagiographie, en
particulier celle de sa région d'origine: pendant des décennies,
Chifflet enverra à Bolland une quantité impressionnante de
transcriptions de textes hagiographiques découverts dans des
bibliothèques de monastères, de couvents, d'églises, etc., les
accompagnant très souvent de notes à caractère scientifique.
Charles Du Cange (1610-1688) compta également parmi ces savants qui
aidèrent les premiers Bollandistes. Ce spécialiste de la basse
latinité et de la basse grécité utilisera d'ailleurs abondamment
les Acta Sanctorum pour préparer les glossaires qu'il consacrera à
ces deux domaines. Ami de Baluze, et appelé à collaborer avec
celui-ci pour le classement des manuscrits grecs de la bibliothèque
de Colbert, Du Cange transmettra à Papebroch notamment le relevé
des manuscrits hagiographiques grecs conservés dans cette même
bibliothèque.
Les 42 lettres échangées entre les premiers Bollandistes et
Chifflet, et les 22 échangées entre ceux-là et Du Cange, éditées
dans ce volume et accompagnées d'une abondante annotation,
témoignent de l'intérêt mutuel de ces chercheurs pour leurs travaux
respectifs. Plus encore, on perçoit leur souci d'une critique
rigoureuse, en même temps que le développement, au fil du temps, de
relations d'une très grande cordialité. Leur amitié ne se démentira
pas lors de moments plus difficiles. Ainsi, lorsque les Carmes s'en
prendront à Papebroch qui avait osé mettre en doute les origines
éliaques du Carmel, des hommes tels que les deux Français,
n'hésiteront pas à défendre les hagiographes d'Anvers, sans pour
autant sacrifier les exigences de la vérité. - N. Plumat