L'ouvrage est la trad. italienne d'un livre paru en 2009 chez
Oxford Univ. Press. Son A. est une historienne, spécialiste du
judaïsme de l'époque grecque et romaine, émérite de l'université de
Reading. Invitée à donner en 1995-1996 les Grinfield
Lectures sur le thème « La Septante comme création
sociale et culturelle », elle approfondit sa recherche pour aboutir
au présent vol. La Bible grecque (l'appellation « LXX » est une
création chrétienne), énonce-t-elle dès son introd., est « la
première grande trad. de la culture occidentale… Sans elle,
l'histoire de l'Europe aurait été complètement différente - il n'y
aurait eu aucune diaspora juive occidentale et aucun
christianisme » (p. 17). La thèse développée tout au long du
livre est que cette trad. est une expression de la résistance
culturelle de la diaspora juive, « une manière de résorber deux
tensions puissantes, la poussée de l'acculturation et l'angoisse de
la disparition culturelle » (p. 121). L'approche originale
fait se rencontrer deux champs de recherche florissants mais trop
souvent séparés, les études sur le judaïsme hellénistique et sur la
Bible grecque. Il s'agit donc d'une étude socio-culturelle et non
pas purement exégétique sur la LXX, afin d'en retrouver la
signification originelle, le rôle joué dans la vie de la société et
des individus et, par suite, d'en manifester l'importance. Le
parcours en 9 chap. se déroule en 3 temps. Tout d'abord, l'A.
se concentre sur l'origine de cette trad. en relisant
la Lettre d'Aristéedans le contexte de l'Alexandrie
des Ptolémées. Elle conclut que ce document n'est pas une pure
légende mais un « récit mythique » à interpréter, où se mêlent
mémoire et fiction. Ensuite vient une analyse de la langue de la
LXX souvent considérée comme maladroite et en apparente
contradiction avec les prétentions culturelles d'Alexandrie à
laquelle les juifs semblaient être partie prenante. Par le choix
d'une langue où il est possible d'entendre l'hébreu, les
traducteurs ont nettement décidé de ne pas faire de la LXX une
oeuvre conformiste mais d'y exprimer plutôt le paradoxe des
diverses communautés de la diaspora à cheval sur deux mondes et
critiques à l'égard des pouvoirs païens en place. Quant aux
derniers chap., ils s'intéressent au devenir de la LXX, à la
manière dont elle a influencé non seulement les juifs de la
diaspora mais aussi, éventuellement, la culture gréco-romaine. Le
chap. final conclut cet ample parcours de près de 500 ans en
se penchant sur le milieu du II e s. qui,
pour les juifs du bassin méditerranéen, fut une période de
contraste, de contradiction et de désastre. Elle révise la théorie
selon laquelle les juifs auraient « abandonné » la LXX au profit
d'autres traductions grecques parce que celle-ci était devenue la
« propriété » des chrétiens. En bref, se pencher sur la LXX, c'est
s'intéresser à ses auteurs et à ses premiers usagers, à toute la
diaspora occidentale. La Bible grecque en ressort valorisée pour
elle-même, et non pas uniquement en tant que « viaduc » entre l'AT
et le NT. - S. Dehorter