« Église, que dis-tu de toi-même ? », demandaient les pères du Concile Vatican ii. La réponse n’est donc pas dans ce monumental instrument de travail qui répond plutôt à la question : que disent les sciences humaines et sociales de l’Église aujourd’hui ? Fruit d’un travail en séminaires de recherches pendant de longues années ce dictionnaire critique réunit, sous la direction de F. Gabriel, D. Iogna-Prat (CNRS) et A. Rauwel (EHESS), près de 80 chercheurs, dont une dizaine font aussi profession de théologiens ou exégètes, d’origine protestante, catholique ou orthodoxe.

On n’y trouvera pas les rubriques habituelles qui présentent l’histoire des doctrines ou l’ecclésiologie elle-même, mais une multitude d’entrées présentées comme autant de synthèses, à partir de points de vue critiques et non-confessionnels, mais toujours subjectifs (il suffit pour s’en convaincre de parcourir l’entrée « prosélytisme » de Pierre Antoine Fabre, p. 891-905, qui s’attarde aux missions – jésuites surtout – et aboutit inévitablement à M. de Certeau), vastes présentations qui ouvrent un certain nombre de perspectives dans tous les domaines, où les définitions théologiques apparaissent malgré tout dans quelques affirmations incontestablement massives, qui demanderaient nuances et contrepoints.

P. ex. à l’entrée « charité », les auteurs opposent celle-ci, antique et médiévale, à la solidarité, moderne, mais relèvent cependant qu’un « Chrysostome a élaboré, à sa manière, une pensée de ce que nous appelons aujourd’hui les communs, et qui refait surface dans le discours ecclésiastique à la faveur de la vogue des idées écologistes » (p. 139), omettant que ledit discours sur ce thème fait partie du lexique de l’enseignement social de l’Église depuis Jean-Paul ii, bien avant la crise écologique et en raison de la confrontation avec les idéologies athées. Autre ex., à l’entrée « Maternité », l’introduction d’une réflexion sur les évolutions systémiques de la relation de la Vierge Marie avec l’Église permet aux auteurs de s’engager sur les pistes d’« un rapprochement de femme à femme, Marie-prêtre ouvrant la voie à la femme-prêtre » (p. 681) et de conclure par l’émergence de la « maternité de Dieu » (p. 684).

On l’a compris, un des grands avantages de ce dictionnaire est de ne pas se limiter au langage convenu, de faire feu de tout buis ecclésiastique pour que la critique soit réellement crisis. À l’heure de la transversalité à laquelle sont invités les praticiens de la théologie (constitution Veritatis gaudium 4b), on pourra donc passer d’entrées en figures, d’index thématique à celui des noms pour découvrir ce visage de ce qu’Henri de Lubac appelait « l’Église sociologique » : « Comme le Verbe, en s’incarnant, s’est soumis par toute une part de lui-même à l’examen de l’histoire la plus profane en ses méthodes, son Église est pareillement offerte aux analyses de la sociologie. Seulement, non contente d’analyser, celle-ci se fait volontiers critique. Rien, là encore, que de légitime en principe. (…) L’humain lui-même, en tant qu’il est essentiel à la structure et à la vie de l’Église telle que Jésus-Christ l’a voulue, est divin par sa fondation » (Méditation sur l’Église, p. 86). On trouvera toujours de quoi profiter de ce regard extérieur en se laissant toucher au long de ces pages par l’abondant usage du « mot qui tue » (p. 1180), qui est d’ailleurs le dernier de ce dictionnaire à l’entrée « violence ». Mais le théologien sait que la mort n’est pas le dernier mot de tout. — A. Ms.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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