La dramatique trinitaire de l'amour. Pour une introduction trinitaire de Hans Urs von Balthasar et Adrienne von Speyr

Antoine Birot
Théologie - Recenseur : Emmanuel Tourpe
L'impression laissée par ce petit volume du P. Antoine Birot est déroutante et, pour tout dire, indélébile. Choc tout d'abord de se voir introduit à la pensée balthasarienne par l'une des portes les plus difficiles qui soient: à savoir celle du lien dramatique que noue la Croix entre l'histoire du monde et la vie trinitaire, au point extrême où se jouerait la «mise en dépôt» de sa propre divinité par le Fils dans les mains du Père. Stimulus ensuite de voir associées à un point rarement atteint la doctrine formelle du théologien suisse et les percées mystiques de von Speyr. Mais le lecteur peut entrer en confiance dans l'ouvrage absolument remarquable (nous mesurons nos termes) d'A. Birot, tant les secousses qu'il va y ressentir ne constituent que des répliques finalement de l'onde provoquée par la théologie balthasarienne à l'origine. Les coups conceptuels que donne l'A. naissent d'une fréquentation exceptionnelle des textes, y compris des inédits allemands, de sorte qu'il provoque nos lectures souvent très amatrices et superficielles du couple Balthasar-Speyr à une remise en cause et à une révision complète des schémas interprétatifs devenus classiques dans la vulgate balthasarienne. Clair, pédagogique même, mais difficile, cet opuscule hors-norme a aussi une densité théologique qui le dispute à la profondeur mystique. Il est d'une rare concentration trinitaire et sotériologique, au point que parfois certains pourraient manquer d'air, de sorte qu'on le déconseillera aux débutants pour le recommander plutôt à de solides lecteurs. Le livre que l'on cite n'appartient donc pas au flux banal de la Forschung balthasarienne: il sort clairement du lot, par sa concision, sa précision, son aimantation en direction du centre de la pensée balthasarienne. Peut-être d'ailleurs son principal défaut tient-il à son adhérence, absolument non-critique, à une doctrine balthasarienne enfin vue dans sa centralité et son caractère décisif - mais non pas dans ses limites ni dans le contour relatif de sa mission. On appréciera le rafraichissant élargissement que propose cependant l'A. de sa problématique aux textes de Marcel Van, dont il relit l'expérience intérieure à la lumière de la Dramatique balthasar-speyrienne (p. 163ss.).Le chapitre sur le petit Van clôture d'ailleurs une passionnante deuxième partie de l'ouvrage, qui vise à dégager des «applications» concrètes des découvertes opérées dans la première: sur la plan par exemple de la confession ou de la polarité des sexes. Mais l'essentiel du volume réside bien dans la partie initiale, dont le titre un peu facile de « Mystère » ne dit rien de la richesse foisonnante ni de la hauteur de vue. Des quatre chapitres, assez inégaux en termes de performance théologique, on retiendra surtout le second consacré au «Mystère pascal, expression de l'amour trinitaire» (p. 73ss.) et le plus innovant, à savoir le quatrième chapitre dédié au «Drame divin côté Père» (p. 89ss.). Ce texte est d'une exceptionnelle teneur, tant il révèle dans l'oeuvre balthasarienne des aspects restés souvent cachés. En particulier Birot montre quasi de l'intérieur comment la théologie balthasarienne est capable de dépasser le débat classique entre immutabilité et devenir divin à partir des relations trinitaires elles-mêmes qui seraient pendant la mission du Fils «dans une forme très particulière» qui permet le « pour nous » de sa mort. C'est le lien intime de la Croix et de la Trinité qui est ici mis en valeur de manière abyssale. L'ensemble est d'une remarquable cohérence et permet de dépasser de trop faciles lectures de Balthasar, qui ne prennent pas en compte le point de vue intérieur à la vie divine - ou ne voient pas le tranchant de la position du théologien suisse tel qu'il est affuté par la radicalité théologale de von Speyr. Pour autant, les nombreux schémas et configurations catégoriales qui sont esquissées dans ce livre au titre de clarifications doivent être prises cum grano salis, comme des éléments propédeutiques, et non des déterminations conceptuelles (au risque sinon de susciter une scolastique balthasarienne). On recommandera fortement cet ouvrage puissant et central. - E. Tourpe

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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