Philosophe et franciscain, spécialiste de Lévinas, l'A. de cet
ouvrage a aussi publié une étude sur la folie (Bibliothèque de
l'École des hautes études, 1997; cf. NRT 123 [2001] 496) avant
d'aborder le cas du roi Saül. Il puise donc aussi dans le
vocabulaire de la psychanalyse pour éclairer la figure tragique du
premier roi d'Israël. Le vocabulaire et les techniques de l'exégèse
biblique sont par ailleurs moins souvent utilisés. En quelques
mots, l'A. défend aussi une lecture politique des textes du premier
livre de Samuel (p. 20). Ces récits démontrent, selon l'A., que
promouvoir une politique autonome par rapport aux valeurs sacrées
d'une société conduit à une impasse. Saül, qui tente cette voie,
est «contraint à la fuite en avant, à l'extrémisme militaire, aux
combats à outrance et suicidaires» et il est victime de
l'«arrogance d'une illusion de pouvoir s'imposer aux événements
comme à des volontés mauvaises, éradicables» (p. 18). L'ouvrage
comporte cinq chapitres de longueur inégale. Le premier parle de la
jalousie en général et du cas particulier de Saül. Le second,
beaucoup plus court, analyse les «angoisses de la loi» ou la
«rigidité paralysante de Saül» dans sa façon d'interpréter ses
devoirs de souverain. Le troisième examine les «cures» de la folie
de Saül: la cure musicale, la cure vocale ou discursive, la cure
séparatrice (Saül et David se séparent comme Abraham et Lot ou
Jacob et Ésaü) et la cure rectificative (la mise au point
théologique qui distingue plan humain et plan divin). Le quatrième
s'interroge sur ce qui a causé l'échec des différentes cures de la
jalousie démentielle de Saül. Le cinquième a pour objet la fin
tragique de Saül et de toute sa maison. Ce chapitre contient aussi
une analyse de la figure de Saül dans la littérature.
La lecture de l'ouvrage n'est pas simple et les partisans de la
«ligne claire» devront se faire à une pensée plutôt sinueuse. Pour
pouvoir lire avec profit cet ouvrage interdisciplinaire, il est
nécessaire de connaître non seulement la Bible, mais aussi la
tradition juive, l'histoire de la théologie et de l'exégèse, celle
de la littérature et de l'art, le vocabulaire propre de la
psychanalyse et ses modes de raisonnements par association et
allusion. C'est dire que la barre est située assez haut. - J.-L.
Ska, S.J.