L'enjeu de ce document, dont le sous-titre est «Perspectives,
principes et critères», concerne le statut du pluralisme en
théologie et l'unité de celle-ci: il s'agit de fonder ces deux
caractères de la théologie dans l'articulation du rapport entre
Écriture et Tradition. La CTI avait déjà travaillé sur l'acte
théologique, avec une attention sur la liberté du théologien en son
lien avec le magistère (L'unité de la foi et le pluralisme
théologique, 1972; Magistère et théologie, 1975;
Théologie, christologie, anthropologie, 1981; De
l'interprétation des dogmes, 1989). De tels textes se sont
bien entendu penchés sur le rapport Écriture Tradition, mais
surtout dans la perspective du passage de l'exégèse à la dogmatique
dans la mesure où «l'interprétation théologique de l'Écriture doit
partir de Jésus-Christ qui en est le centre» (L'interprétation
des dogmes, C, I, 3). Ici, la CTI veut vérifier l'adage
d'Optatam Totius, «que l'Écriture soit comme l'âme de la
théologie», qu'il cite à plusieurs reprises (cf. aussi, en fin
d'ouvrage, le «guide de lecture» rédigé par le fr. Th.-S. Bonino,
op, secrétaire de la CTI).Le 1er chap. affirme la primauté de la
Parole de Dieu. Celle-ci a un contenu intelligible, et cette
intelligibilité infinie demande une foi «méditative» unie à la
rationalité. Dei Verbum en est le fil conducteur. Le 2e
chap. examine les conditions pour que la théologie demeure dans la
communion de l'Église. On passe du rapport foi raison à la relation
entre le fondement théologique dans l'Écriture et le dialogue avec
le monde. Le document examine alors la médiation que constitue la
Tradition, avec trois points: attention au sensus
fidelium, adhésion au magistère, communauté des théologiens.
Il s'agit, «avec l'aide de l'esprit Saint, de scruter, de discerner
et d'interpréter les multiples langages de notre temps et de les
juger à la lumière de la Parole divine, pour que la vérité révélée
puisse être sans cesse mieux perçue, mieux comprise et présentée
sous une forme plus adaptée» (n. 52 avec Gaudium et Spes
44). Dans le chap. 3 intitulé «rendre raison de la vérité de Dieu»,
la théologie est alors vue comme une entreprise humaine
rationnelle: elle a pour but de «traduire en un discours
scientifique la Parole de Dieu exprimée dans la Révélation» (n.
60). Ce chap. détermine comment la théologie vit la rencontre avec
la tradition philosophique. Ainsi, «la source et le point de départ
de la théologie est la Parole de Dieu révélée dans l'histoire, et
la théologie cherche à comprendre cette Parole. Cependant, la
Parole de Dieu est vérité (cf. Jn 17,17), et il s'ensuit que la
philosophie, « recherche humaine de la vérité », peut
aider à l'intelligence de la Parole de Dieu» (n. 72, renvoyant à
Jean-Paul II, Fides et ratio 73). La fin du document,
prenant acte de la postmodernité, justifie la nécessaire pluralité
de la théologie.Si la connexion entre la théologie biblique et les
autres spécialités théologiques n'est pas approfondie (on peut
renvoyer aux documents antérieurs de la CTI), le document réaffirme
cependant avec saint Thomas que «la théologie a pour sujet la
vérité de Dieu et elle réfléchit sur son sujet en fonction de la
foi et à la lumière de Dieu» (n. 83). Le document conclut en
installant la théologie dans la sphère de la Sagesse, ayant donc
besoin de la Parole de Dieu comme lieu de transformation, de
purification. La théologie n'est-elle pas doxologique?La CTI, en se
focalisant sur l'accueil de la pluralité en théologie, pointe ainsi
la difficulté à assurer encore aujourd'hui l'unité des disciplines
en fonction de l'articulation de la théologie à la philosophie. Il
reste que cette unité est fondée sur la Parole de Dieu, dont les
dimensions sont celles de l'amour divin (cf. Ep 3,14-19, péricope
analysée par Bonaventure, Breviloquium, Prologue, cité
dans le document, note 41 du n. 23). - A. Massie sj