Peut-on tenter une généalogie du processus? Nietzsche parlait du christianisme comme d'«un platonisme pour le peuple». Ce qui est clair aujourd'hui, c'est que la déchristianisation de l'Europe est loin d'apporter au monde la bonne nouvelle d'un paisible «désenchantement» affranchi des accablements du religieux. La furie d'Eros que Platon avait tenté de circonscrire, revient à la charge.
Mais ne nous trompons pas! Ce n'est pas la pilule, le préservatif ou la société de consommation qui tuent Dieu. Eros est un dieu. Avec l'expérience de ses deux guerres, avec Auschwitz, l'Europe s'est trouvée confrontée à la barbarie humaine. Avec les charniers du Rwanda, avec les massacres en Algérie, l'Europe est renvoyée à une folie où se célèbrent, avec la bénédiction de ses «penseurs» (comme Lénine, Sade et Barth…), les noces sanglantes de Dieu et d'Eros. C'est bien pourquoi, il convient d'interroger l'enthousiasme de la foi. «Le radicalisme théologique de Barth et le radicalisme politico-social de Lénine en appellent, tous deux, à une foi qui prouve sa puissance dans la dé-liaison».
Ainsi donc, A.G. repose avec pertinence toute la question de l'intention de toute religion: la prétention à produire l'homme nouveau. Le message ne manque pas de pathos. Comment parler de ces choses de manière «aseptisée»? Le lecteur garde toutefois l'impression que sur la «troisième mort de Dieu», la première aurait encore bien des choses à dire… - H. Thomas, O.S.B.