Le Père Valadier publie son journal pour l'année 2004. À peu près
chaque jour a sa notation plus ou moins développée, mais toujours
sobre et précise. C'est un homme libre qui parle, qui ne cède pas
aux conformismes, fussent-ils ecclésiastiques. Une pensée vraie,
dans un style clair et classique. Un vrai régal! Rien n'échappe au
regard lucide et pénétrant de l'analyste. Ni la météo: «Depuis
l'aube, chute de neige et froid vif», ni les turbulences de la
politique: «l'affaire Juppé se poursuit et rebondit», ni les
événements de l'Église, de la politique, de la vie internationale
ou de la culture. Le jugement se montre souvent bienveillant: «le
document romain sur la « collaboration de l'homme et de la
femme »… ne mérite vraiment pas les indignations des
féministes et des sociologues patentés». Parfois il est sans pitié:
«longue, trop longue veillée pascale… goût typiquement clérical
pour la surcharge que l'on s'impose sous couvert de piété». Le Père
ne cède pas aux engouements médiatiques, il demeure impartial face
aux rivalités ridicules du «microcosme»: «Les deux hommes [MM.
Chirac et Sarkozy] se ressemblent comme des clones».
L'air du temps a entraîné «des points de vue discutables et non
justifiés» dans la dernière édition du Dictionnaire d'éthique et de
philosophie morale. Même les Pères de l'Église reçoivent leur
appréciation: «saint Irénée est incontestablement l'un des plus
brillants théologiens des origines du christianisme… Il n'a pas
comme Augustin cette obsession du péché qui marque et limite tant
d'approches de l'évêque d'Hippone». Plus d'une fois, l'A. s'exprime
sur les exigences d'«une vie chrétienne réellement évangélique»:
«c'est une religion de la liberté des enfants de Dieu, non une
religion des contraintes, fussent-elles monastiques». Se promener
dans ce Journal, s'y arrêter, revenir en arrière, avancer, flâner,
c'est donner à son existence de chrétien un air vif et vivifiant,
cet air du large qui, hélas, demeure chez nous tellement raréfié.
L'ouvrage se termine par une Chronologie due à Marine de la
Moissonière. - H. Jacobs sj