Libres dans la faiblesse. Le discernement et son assise anthropologique chez saint François de Sales

Enguerrand de Lorgeril
Théologie - Recenseur : Charles Scrive f.m.j.

À l’occasion du 400e anniversaire de la mort de saint François de Sales, Enguerrand de Lorgeril, prêtre de la Communauté Saint-Martin, nous décrit avec clarté et simplicité la voie salésienne du discernement. Ce travail repose sur l’analyse de 2100 lettres, ainsi que sur l’Introduction à la vie dévote, le Traité de l’Amour de Dieu, les Constitutions de la Visitation.

Une première partie s’attache à étudier les assises anthropologiques du discernement chez l’évêque de Genève. En analysant successivement dans les écrits le vocabulaire anthropologique, les intuitions traditionnelles et les possibilités concrètes de discernement, l’A. met en évidence la logique de la pratique salésienne. Dans l’accompagnement de la faiblesse humaine, les obstacles sont tout d’abord identifiés et pris au sérieux de façon mesurée. Viennent ensuite le travail de la grâce et l’encouragement des pratiques corporelles ou intérieures, jusqu’à ce que la liberté soit progressivement recouvrée.

Une seconde partie analyse plus en détail les critères de discernement salésien. Une lecture comparée des traditions ignatienne et salésienne permet à l’A. d’indiquer une continuité ignatienne dans la pratique salésienne tout en précisant l’émergence d’un discernement profondément nouveau. « Chez François de Sales, on ne trouve pas de mention de cette pratique d’agere contra et le combat spirituel ne se décrit pas en termes de violence » mais plutôt en termes de « mise en conformité progressive qui part d’un désir fort et doux » (p. 248). François de Sales intègre l’expérience de l’infirmité et de l’épreuve qui éclairent ses discernements, même dans des situations de bonne santé physique, psychique ou spirituelle. Il en fait une occasion de renversement intérieur de sorte qu’à « la fine pointe de l’âme », la liberté d’esprit est interpellée ; cette perspective théologale éclaire la liberté morale et permet d’entrevoir chez l’accompagné des lieux de progression et de gradualité dans l’amour. Sur ce chemin de progression et de résignation prudente, l’attitude du père spirituel est précisée ; il devra parler avec franchise, avancer des avis nets sans pour autant contraindre. Il devra garder la patience pour laisser les sujets se déterminer et adhérer à leur propre choix. « Consentir et croître demeurent toujours possible, et le découragement de la personne est souvent le principal adversaire contre lequel il faut lutter pour rendre plus féconde sa marche évangélique dans un esprit de liberté bien compris » (p. 355). En conclusion, cet ouvrage permet d’éclairer la voie salésienne d’anthropologie totale au service du discernement. L’intégration des infirmités, l’intériorisation de la charité élargissent le seul critère de victoire acquise sur le péché pour évaluer la progression de la liberté des personnes. Cet apport est d’une réelle utilité pour la théologie morale et pour la pratique de l’accompagnement spirituel. — C. Scrive f.m.j

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