Depuis une dizaine d'années, Nicola Green, une artiste britannique
basée à Londres, a discrètement accompagné de nombreuses rencontres
interreligieuses de par le monde : Jérusalem, Assise, Rome, Le
Caire, Doha, Washington, Bangalore… À vrai dire, plutôt que de
rencontres quotidiennes entre « simples » croyants, il
s'agit de réunions au sommet ou d'échanges de visites entre
représentants des différentes traditions spirituelles : le
Grand Mufti d'Égypte, l'archevêque de Canterbury, le Dalaï Lama… Si
le regard de la photographe et dessinatrice est particulièrement
attentif au langage corporel, aux codes vestimentaires et aux
traditions culturelles et religieuses qu'ils véhiculent, ses
croquis et son travail original sur le matériau photographique
mettent en valeur un contraste : chaque personnalité
individuelle exprime et tout à la fois s'efface au profit de la
communauté et de la tradition qu'elle représente. Cette tension
transparaît de manière saisissante dans une série de portraits bien
identifiables mais dont le visage a été pour ainsi dire gommé
(selon une technique qui peut évoquer la discrétion qui est de
règle dans certaines écoles de peinture islamique) afin de
manifester cette fonction de représentation.
Dans une douzaine de brefs chap., des théologiens, des artistes et
des personnes engagées dans le dialogue entre traditions explorent
les enjeux des rencontres interreligieuses. Relevons en particulier
des réflexions sur l'importance de reconnaître les différences
irréductibles, sur la place d'une lecture en commun des Écritures
animée par un esprit de prière, sur le rôle de témoin et
d'élaboration créative assumé par une femme artiste dans un univers
presque exclusivement masculin, sur la fécondité tant artistique
que spirituelle d'un décloisonnement de traditions toujours tentées
par le repli sur soi. - J. Scheuer s.j.