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L'Église catholique et les croyants des autres religions. De l'élaboration de Nostra Aetate à nos jours

Jacques Scheuer s.j.
Durant les étapes de préparation de Vatican II, les relations entre l'Église catholique et les religions ne sont pas à l'ordre du jour. Cependant, le projet d'une déclaration sur la «question juive» entraîne, de fil en aiguille, l'examen de l'attitude des chrétiens à l'égard des autres communautés de croyants, non sans lien avec le débat sur la liberté en matière de religion. Au terme d'un parcours riche en rebondissements, la Déclaration Nostra Aetate apparaît, dans sa brièveté, comme un des textes les plus novateurs du Concile. Après un exposé des lignes de force de ce document, on examine sa fécondité et ses prolongements jusqu'à nos jours, tant dans les initiatives de dialogue et les enseignements de Paul VI et de Jean-Paul II que dans le bouillonnement des recherches actuelles sur la portée des religions dans l'histoire du salut.

Ainsi que les deux mots latins qui lui servent de titre peuvent le suggérer, la déclaration Nostra Aetate est probablement l’un des documents du concile Vatican II qui se caractérisent davantage par la nouveauté de leur vision. En la soumettant aux débats de l’assemblée conciliaire en novembre 1964, le cardinal Bea ne craignait pas d’affirmer : « C’est la première fois dans l’histoire de l’Église qu’un concile expose si solennellement des principes » à propos du rapport aux autres religions. Constatation surprenante, si on veut bien se rappeler que, dans la période qui suivit l’annonce inattendue de la convocation d’un concile œcuménique à l’initiative du pape Jean XXIII (25 janvier 1959), les premières esquisses préparatoires n’envisageaient pas de document consacré aux relations de l’Église catholique avec les autres religions, leurs messages et leurs communautés.

Un surprenant manque d’intérêt

Le contexte cependant aurait pu — ou aurait dû — mettre cette question à l’agenda. De nouveaux équilibres étaient en train de se chercher au plan mondial. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, encore toute proche, de grandes nations du Proche-Orient et de l’Asie avaient conquis leur indépendance. Au tournant des années soixante, la grande majorité des pays africains secouent le joug colonial de l’Europe. Même si beaucoup de ces nouvelles nations ne pèsent pas lourd dans la balance économique ou militaire, leur entrée massive dans l’Organisation des Nations Unies annonce une ère nouvelle. De l’Atlantique Nord à ce que l’on commence à appeler le « Tiers Monde », la planète bascule. Quelques années plus tôt, la création de l’UNESCO (1945) permettait que commence à se concrétiser le rêve ou l’utopie d’un « œcumène » au sein duquel toutes les cultures se reconnaîtraient mutuellement sur un pied d’égalité : égales en dignité et en droits, à défaut d’être égales par les ressources ou l’influence planétaire. Entre colonisateurs et colonisés, entre le Nord et le Sud, les clivages — voire une sorte d’apartheid planétaire — n’allaient certes pas disparaître comme par enchantement, mais ils commençaient à être battus en brèche. Dans le même temps, les échanges économiques et les flux de communication accélérèrent ce que nous appelons aujourd’hui mondialisation ou globalisation.

Parallèlement, dans le monde chrétien, les territoires ou pays « de mission » cédaient rapidement la place aux « Jeunes Églises ». Jeunes, elles l’étaient le plus souvent par la démographie. Il est également vrai que, pour beaucoup d’entre elles, l’histoire de l’évangélisation ne couvrait que quelques générations. L’Occident « chrétien » oubliait un peu vite, cependant, que quelques-unes, de l’Éthiopie à l’Inde du Sud, étaient aussi anciennes — sinon plus anciennes — que bien des communautés de l’Europe.

S’agissant du devenir des nations et des échanges entre les cultures, la religion n’est jamais bien loin. On est d’autant plus surpris de constater que, durant les premières phases de la préparation du concile, la question des relations entre l’Église catholique et les religions ne semble guère à l’ordre du jour. Elle est absente des programmes de travail qui commencent à s’ébaucher à Rome. Elle est plus que discrète dans les avis et suggestions que les épiscopats, les universités catholiques, les facultés de théologie font parvenir durant la phase antépréparatoire1. S’agit-il d’un manque d’intérêt, d’une absence de préoccupation ?

La chose pourrait s’expliquer — sinon se justifier — dans le cas de l’Europe, de l’Amérique du Nord et même de l’Amérique Latine, continents dans lesquels les autres religions ne jouent guère de rôle au milieu du xx e siècle. Le silence des évêques et des missionnaires dans le monde islamique traduirait-il un souci de discrétion, voire la crainte de réactions hostiles ? dans le cas de bien des territoires d’Afrique et d’Asie, où les religions conservaient une influence décisive et même font preuve de vitalité nouvelle et d’élan réformateur, le silence étonnait davantage encore. Les défis de la sécularisation et les débats avec l’athéisme et le marxisme obnubilaient-ils les regards ? Faut-il y voir plutôt la conviction que la mission de demain demeurerait la mission de toujours ? Ou l’impression qu’un concile doit se cantonner à la vie « interne » de l’Église ? Ou encore que ce concile annoncé comme « pastoral » n’a pas à soulever des questions d’ordre doctrinal concernant l’histoire du salut et la théologie des religions ?

La « question juive »

Une seule exception à ce silence presque général : les relations avec le peuple juif et le judaïsme. À l’initiative, une fois encore, de Jean XXIII, qui avait reçu en audience l’historien juif Jules Isaac, un groupe de travail se met en place afin de préparer la rédaction d’un document qui apporterait des clarifications en ces matières délicates. Le vieil antisémitisme qui avait au long des siècles gangrené le monde chrétien, ses résurgences et son exaspération à l’époque contemporaine, l’extermination du peuple planifiée et perpétrée par les nazis, la création enfin de l’État d’Israël : cela ne pouvait plus être passé sous silence. Le temps semblait venu de déclarer de manière plus solennelle ce que, depuis la fin du conflit mondial, des chrétiens de différentes Églises, en conversation avec des Juifs, avaient ébauché. Émanant de milieux juifs comme de milieux chrétiens, de nombreuses démarches soulignent bientôt l’urgence mais aussi le caractère sensible de ce dossier.

Rappelons en outre que, parallèlement au projet de document sur la question juive, le besoin se fait sentir d’emblée d’une déclaration sur la liberté en matière de religion. Le cardinal Bea et le Secrétariat pour l’Unité se voient chargés de préparer l’un et l’autre.

Sur la question juive, un schéma de sept pages est rédigé dès 1961. L’année suivante, cependant, il est retiré, « du fait de conditions politiques défavorables ». Des rumeurs en provenance du monde arabe trahissent la crainte d’une déclaration de nature politique et qui cautionnerait le sionisme : reconnaissance de l’État d’Israël, au détriment de la cause palestinienne. Les communautés chrétiennes du Proche-Orient partagent jusqu’à un certain point ces préoccupations, d’autant qu’elles craignent, comme minorités, de se voir exposées à des réactions négatives. Une bonne part de la difficulté provient de ce que, tant dans le monde juif que dans le monde islamique, bien que de manière différente, la distinction du politique et du religieux est loin d’être acquise2.

Un texte bref — guère plus d’une page — est présenté lors de la deuxième session (novembre 1963) comme chapitre 4 d’un décret sur l’œcuménisme (un projet sur la liberté religieuse constituant le chapitre 5). Entre la question œcuménique et la question juive, quelques lignes de transition sont consacrées aux autres religions :

Après avoir traité des principes de l’œcuménisme catholique, nous ne voulons pas passer sous silence le fait que ces mêmes principes, compte tenu de la diversité de conditions, doivent être appliqués quand il s’agit de la manière de dialoguer et de coopérer avec les hommes non chrétiens, qui cependant honorent dieu, ou du moins, animés de bonne volonté, s’appliquent à observer, selon leur conscience, la loi morale inscrite dans la nature de l’homme.

Des évêques du Proche-Orient se font bientôt entendre. Un concile a pour mission de s’occuper des catholiques, non des autres chrétiens, moins encore des religions autres. En outre, toute déclaration conciliaire sur le peuple juif ne manquera pas d’être interprétée au plan politique, avec des conséquences néfastes pour les communautés chrétiennes de la région. Et, s’il fallait aborder la question des religions, pourquoi traiter du judaïsme — voire de l’islam — de préférence à d’autres ? Quelques évêques d’autres régions du monde (Japon, Afrique…) commencent à manifester le souhait que l’on parle aussi des autres religions.

L’élaboration de Nostra Aetate : un parcours du combattant

Il apparaît ainsi que la future déclaration Nostra Aetate fut loin d’appartenir aux projets initiaux des commissions préparatoires ni même aux préoccupations des Pères conciliaires durant les premières phases de leur travail. Sa pertinence ne s’imposa que très progressivement3. On peut même avoir l’impression que les évêques de Vatican II — concile où les Églises d’Afrique et d’Asie étaient cependant représentées pour la première fois de manière significative — sont entrés dans cette problématique pour ainsi dire à reculons : si on parlait du judaïsme, il fallait aussi évoquer l’islam ; si on traitait de l’islam, pourquoi ne pas parler, comment ne pas parler des autres religions du monde ?

Les perspectives se modifièrent lentement. Entre les sessions, les longs mois d’interruption étaient mis à profit, notamment par les commissions chargées de rédiger ou de retravailler les projets de textes qui seraient soumis à la discussion des membres du concile. Ces périodes d’intervalle permettaient aussi à chacun de prendre le recul nécessaire, après les semaines d’intense activité en assemblée plénière : des thèmes transversaux aidaient à progresser dans la réflexion et introduisaient davantage d’unité, alors que les premiers « schémas », rédigés par des commissions distinctes, risquaient d’avancer le long de voies parallèles, sans grande interaction. Ainsi par exemple, la compréhension de l’Église comme « peuple de dieu » allait-elle vivifier la réflexion à propos de plusieurs documents conciliaires.

L’intervalle entre les deuxième et troisième sessions fut en outre le théâtre d’événements significatifs. En janvier 1964, Paul VI se rendit en pèlerinage à Jérusalem et en Terre Sainte. Le voyage revêtait d’abord une dimension œcuménique, notamment à l’égard des Églises d’Orient. Mais il concernait aussi les relations avec le monde juif ainsi qu’avec le monde de l’islam. Le pape se présentait en pèlerin de la paix, désireux de prier sur les lieux saints. Du côté jordanien comme du côté israélien, sa visite prit soin d’éviter toute interférence entre démarche spirituelle et enjeux politiques ou diplomatiques. Quelques mois plus tard, à la Pentecôte, Paul VI instituait le « Secrétariat pour [les relations avec] les non-chrétiens » qui, dans le paysage de la Curie romaine, prendrait place aux côtés du Secrétariat pour l’Unité des chrétiens (créé en janvier 1960).

Au mois d’août, le pape publiait l’encyclique ecclesiam suam (es), le thème du dialogue y reçoit des développements où l’on peut sans doute reconnaître l’influence de la pensée de Jean Guitton4. Les croyants des autres religions n’y sont pas oubliés. Après un premier cercle, qui englobe toute l’humanité, « se dessine un autre cercle immense, lui aussi, mais moins éloigné de nous : c’est avant tout celui des hommes qui adorent le dieu unique et souverain ». Le texte évoque « les fils, dignes de notre affectueux respect, du peuple hébreu », puis les musulmans, enfin « les fidèles des grandes religions afro-asiatiques » (es 60) : on retrouvera à peu près cette énumération dans Nostra Aetate. L’encyclique se démarque soigneusement de toute interprétation relativiste :

(…) au contraire, par devoir de loyauté, nous devons manifester notre conviction que la vraie religion est unique et que c’est la religion chrétienne, et nourrir l’espoir de la voir reconnue comme telle par tous ceux qui cherchent et adorent dieu.

(es 60)

Pour autant, la clarté des distinctions et la loyauté dans les convictions de foi n’empêchent pas le respect et le dialogue :

Nous ne voulons pas refuser de reconnaître avec respect les valeurs spirituelles et morales des différentes confessions religieuses non chrétiennes ; nous voulons avec elles promouvoir et défendre les idéaux que nous pouvons avoir en commun dans le domaine de la liberté religieuse, de la fraternité humaine, de la saine culture, de la bienfaisance sociale et de l’ordre civil : (…) un dialogue de notre part est possible et nous ne manquerons pas de l’offrir.

(es 60)

Ici encore, la perspective est proche de celle qui inspirera la rédaction finale de la déclaration conciliaire.

Crises et maturation

Lors de la troisième session, à l’automne 1964, la question de la liberté religieuse ainsi que celle des relations avec les Juifs et les membres des autres religions, n’apparaissent plus comme deux chapitres du décret en préparation sur l’œcuménisme, mais constituent deux « déclarations » situées en annexes à ce document. Le texte relatif aux Juifs ne contient plus de mention explicite de la question du déicide. D’autre part, quelques lignes sont consacrées au cas de l’islam :

Nous embrassons aussi [dans cette charité] en premier lieu les musulmans qui adorent le dieu unique personnel et rémunérateur et qui par leur sens religieux et par de nombreux échanges de l’ordre de la culture humaine sont proches de nous.

Dans les débats en assemblée, les patriarches orientaux renouvellent leur opposition : il s’agit là d’une déclaration inopportune, qu’il serait sage de retirer. D’autres critiques manifestent une opposition farouche. Des interventions indirectes et peu claires de Paul VI paraissent un temps compromettre le projet même de documents sur les Juifs ainsi que sur la liberté religieuse. Aux débats sur le fond se mêleront plus d’une fois des incertitudes ou des incohérences en matière de procédure5. Par ailleurs, d’autres évêques souhaitent que l’on développe quelque peu le bref passage relatif à l’islam : il conviendrait, par exemple, de faire mention de la vénération des musulmans pour Jésus et Marie. D’autres encore demandent que l’on aborde aussi les autres traditions religieuses, notamment celles de l’Afrique et de l’Asie.

Le projet de texte continue à voyager : une nouvelle version, en novembre 1964, est présentée comme annexe à la Constitution sur l’Église Lumen Gentium, ce qui est une manière de souligner sa portée théologique tout en donnant moins de prise à des lectures politiques. Le texte articulé en cinq paragraphes est désormais fort proche du texte définitif. À propos des relations avec le peuple juif, les thèses du déicide et de la nation maudite sont à nouveau réfutées. Le projet fera certes encore l’objet de nombreuses propositions d’amendements, mais lors de votes indicatifs, il recueille une large majorité. Au dehors, il soulève toutefois de nouvelles vagues d’hostilité et suscite des pressions diplomatiques en provenance du monde islamique, en particulier arabe. Par toutes sortes de canaux, l’Église catholique s’emploiera à informer et justifier, faisant à nouveau valoir que l’intention de la déclaration est religieuse et non politique.

À l’issue de la troisième session, Paul VI se rend en Inde à l’occasion du congrès eucharistique de Bombay. Cette fois encore, le pape, évitant d’apparaître soit comme un touriste soit comme un missionnaire, se présente comme un pèlerin, dans une démarche de recherche de dieu « dans les cœurs des hommes » et de coopération pour « édifier l’avenir commun de l’humanité ». Ses gestes et déclarations ne contribuent pas peu à faire passer dans la conscience catholique et dans l’opinion mondiale les nouvelles manières d’aborder en chrétien la pluralité des religions.

Lors de la quatrième et dernière session du concile, à l’automne 1965, au terme d’un parcours particulièrement mouvementé, le texte est proposé au vote définitif comme un document indépendant. Une minorité significative (12% environ des membres de l’assemblée conciliaire) continue à exprimer des désaccords. Il ne s’agit pas cependant d’un front uni. Pour autant qu’il soit possible de les identifier, les réticences ou les résistances se présentent en ordre dispersé : pour les uns, le texte va trop loin ; pour d’autres, il reste trop timide ; certains désaccords portent sur le chapitre consacré à la question juive, d’autres sur la section qui traite de l’islam ; d’autres encore déplorent qu’il ne soit pas fait mention explicite, dans le cas de l’Afrique notamment, de l’« animisme »…

Le parcours parfois tumultueux dont les principales péripéties viennent d’être rapportées6 permet de mesurer le chemin parcouru en quelques années de travaux préparatoires puis de débats. Au point de départ, nous l’avons vu, la question de la pluralité religieuse au sein de laquelle la foi chrétienne est appelée à se vivre aujourd’hui n’apparaissait pratiquement pas. En outre, à supposer que cette question s’impose progressivement à l’attention, l’immense majorité des évêques mais aussi des théologiens n’était guère préparée à la traiter de façon positive et constructive. Quelques coups de sonde dans des manuels de théologie du milieu du xx e siècle — pour ne rien dire des siècles précédents… — feraient ressortir, par contraste, la nouveauté assez radicale de Nostra Aetate.

Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’une nouvelle mentalité et une nouvelle théologie soient apparues soudain, comme par un coup de baguette magique. Il convient de rendre justice au travail de précurseurs : des missionnaires que la rencontre, sur le terrain, de croyants d’autres communautés avait ouverts à l’appréciation et au respect, voire à l’admiration ; des orientalistes dont le patient travail de documentation, de traduction et d’analyse avait mis à la disposition d’un public cultivé les trésors spirituels d’autres civilisations ; quelques théologiens enfin, qui s’étaient efforcés de proposer une compréhension moins restrictive ou moins étroite de l’histoire du salut. Bon nombre de ces précurseurs avaient sans doute eu l’impression de prêcher dans le désert ; plusieurs s’étaient heurtés à l’incompréhension, avaient été soupçonnés de naïveté ou accusés de trahison. Quelques-uns cependant avaient ouvert des brèches dans les murailles de l’ignorance ou du préjugé.

La petite voix de Nostra Aetate dans le concert de Vatican II

Bien que le texte tienne en quatre ou cinq petites pages, on ne proposera pas ici un commentaire suivi de Nostra Aetate. Chacune de ses sections pourrait faire l’objet d’explications et d’appréciations de la part de spécialistes de tel ou tel domaine religieux7. On se contentera de situer brièvement cette Déclaration dans l’ensemble de la production conciliaire de Vatican II, d’en rappeler le plan ou la structure, et d’attirer l’attention sur quelques points significatifs, qu’il s’agisse d’avancées décisives ou au contraire de formulations dont le caractère vague appellerait les débats, controverses et recherches toujours en cours, cinquante ans après le concile.

Simple « déclaration », le document n’a certes pas le poids ni la majesté des grandes « constitutions » sur la révélation, l’Église, la Liturgie, ou l’Église dans le monde… Il importe par ailleurs de prêter attention à son objet précis. Il ne s’agit pas d’une dissertation du magistère catholique sur les religions du monde : un concile n’a pas à faire œuvre d’anthropologue ou d’historien des religions. La déclaration porte moins sur les religions considérées en elles-mêmes (et de quel point de vue ?) que sur les « relations de l’Église avec les religions ». Cette Église est bien entendu l’Église catholique, ce qui ne doit pas faire oublier que d’autres Églises chrétiennes, notamment dans le cadre du Conseil Œcuménique des Églises, entreprenaient, dans les années soixante, un travail de réflexion assez comparable.

Quant aux religions, elles sont désignées, pour reprendre encore les mots du titre, comme « non chrétiennes » : formulation négative qui peut avoir quelque chose de déplaisant (il est désagréable de se voir définir par ce que l’on n’est pas) mais aussi raccourci commode, raccourci qui par ailleurs rappelle le point de vue particulier de celui qui s’exprime de la sorte (après tout, le christianisme appartient, par exemple, au nombre des « religions non hindoues »). Notons enfin que le mot « relations » (au pluriel) traduit le latin « habitudo » (au singulier) : manière d’être par rapport à, attitude, comportement… Il ne s’agira pas d’une prise de position purement théorique ou doctrinale, mais d’une manière plus globale de se situer et d’entrer en rapport. Nous verrons comment.

Les quatre ou cinq pages de ce petit texte ne doivent ni ne peuvent bien entendu se lire comme un document isolé et qui contiendrait à lui seul tous les repères de son interprétation. D’une certaine manière, chacun des textes du concile apporte un éclairage qui permet de comprendre et d’interpréter tous les autres8. S’agissant des « relations de l’Église », il est clair que Lumen Gentium, tout d’abord, ainsi que Gaudium et spes, sont particulièrement pertinents : cette Église n’est-elle pas « en quelque sorte le sacrement de l’union intime avec dieu et de l’unité de tout le genre humain » (LG 1), de cette humanité dont il va bientôt être question ? Ensuite, Nostra Aetate est inséparable de Dignitatis humanae, le document à côté duquel il a navigué tout au long de la traversée des débats conciliaires : comment parler de rencontre, de dialogue et même de coopération avec d’autres religions si on n’a pas d’abord reconnu sans détour et sans réserve — on sait que ce ne fut pas facile — le principe de la liberté en matière de religion ?

Le rapport au cercle large des religions reçoit également un éclairage des enseignements sur l’œcuménisme : Unitatis Redintegratio propose des principes et des attitudes qui s’appliquent également, bien que de manière différente, aux relations avec les croyants d’autres religions. Enfin, Nostra Aetate ne peut se lire sans être mis en relation avec le document qui lui fait en quelque sorte pendant, Ad Gentes, sur la responsabilité et le devoir missionnaires de la communauté chrétienne : l’histoire des cinquante dernières années illustre, on le verra, la nécessité de penser ensemble, dans leur tension et leur complémentarité, évangélisation et dialogue. Le concile n’a pas voulu promouvoir l’un contre l’autre, ni l’un sans l’autre.

Les lignes de force de Nostra Aetate

Venons-en à présent à l’architecture de notre texte. Simple et claire, elle se présente en cinq parties. On signale le titre de chacune, même si ces intitulés ne font pas partie du texte officiel.

1 Préambule

Le travail qui aboutit à la rédaction de la déclaration eut pour point de départ, nous l’avons vu, la question essentielle et cependant particulière des relations avec le peuple juif. Introduit assez tard, vers la fin de la troisième session, ce préambule permet de prendre un peu de recul et d’ouvrir une perspective plus large. Il présente en outre l’avantage de relier la déclaration à des thèmes qui se retrouvent dans d’autres documents conciliaires, notamment les relations toujours plus denses entre les peuples et la responsabilité des chrétiens de contribuer à l’unité et la charité. C’est que la communauté humaine tout entière partage en dieu une seule origine et une même fin, « dans la cité sainte, que la gloire de dieu illuminera et où tous les peuples marcheront à sa lumière ». Quant aux religions, elles sont, dans leur diversité, autant de réponses « aux énigmes cachées de la condition humaine » : l’origine et la finalité de l’existence, le bien et le mal, le sens de la souffrance, le chemin du bonheur, la mort et l’au-delà… Les formulations sont larges et ouvertes. Cette perspective universelle se retrouvera en conclusion.

2 Les diverses religions non chrétiennes

Passons du général au particulier : comment cette quête humaine s’est-elle déclinée concrètement dans l’histoire et les cultures ? La déclaration passe rapidement en revue quelques (types de) religions. Ce qui semble originel (« depuis les temps les plus reculés ») et largement partagé (« dans les différents peuples »), c’est « une certaine sensibilité à cette force cachée (arcana virtus) qui est présente au cours des choses et aux événements de la vie humaine », allant parfois jusqu’à la reconnaissance d’une divinité suprême et même d’un Père. Des termes techniques tels qu’animisme, par exemple, sont évités : avec le recul, il faut se réjouir que la perspective large qui se déploie dans ce texte n’ait pas été liée à telle ou telle école en histoire des religions.

On assiste ensuite à l’émergence, à partir de ce socle, de traditions religieuses plus différenciées. Des « notions plus affinées » et un « langage plus élaboré » caractérisent des « religions liées au progrès de la culture » : on pourra déplorer ici une perspective d’évolution ou de progrès, voire de hiérarchie des cultures, bien caractéristique d’une période intellectuelle (xix e et xx e siècles) en train de s’achever…

Quelques lignes sont alors consacrées à l’hindouisme d’une part, au bouddhisme de l’autre. Dans leur concision, elles s’attachent à reconnaître la diversité des courants et des écoles. Elles évoquent aussi quelques thèmes majeurs. Dans l’hindouisme : sens du mystère, fécondité des mythes, quête de délivrance… du côté du bouddhisme : insuffisance radicale de notre monde changeant, chemin de libération, effort propre ou « secours venu d’en haut (superior) »… Et il y a bien sûr d’« autres religions de par le monde », qui s’efforcent de répondre à « l’inquiétude du cœur humain ». Il est remarquable que le terme « religion » désigne ici des ensembles diversifiés et reconnus dans la richesse de leurs dimensions concrètes. Trop souvent par le passé, les théologiens tendaient à voir dans les religions des ensembles de doctrines, des faisceaux de vérités à admettre (trop rarement) ou d’erreurs et d’hérésies à dénoncer (le plus souvent). Or, les religions sont ici brièvement définies comme « des voies, c’est-à-dire des doctrines, des règles de vie et des rites sacrés » : les sciences humaines sont passées par là et il est heureux qu’elles convergent en quelque sorte avec la notion de révélation (parole/événements) ainsi qu’avec la perspective pastorale et concrète qui sont celles du concile.

Les dernières lignes du deuxième paragraphe esquissent la vision de foi et les grands axes théologiques qui serviront aux chrétiens (catholiques) de fondement et d’orientations dans leurs relations avec les religions. Tout d’abord, l’Église « ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions ». Formule négative, qui suggère cependant une attitude bien plus positive que par le passé… Faut-il comprendre cependant que c’est l’Église qui détermine ce qui sera ainsi reconnu comme vrai et saint ? Et selon quels critères ? Vient ensuite une formulation positive et qui constitue en quelque sorte le cœur doctrinal du document : l’Église « considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu’elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes ». Il semble bien qu’une lecture proprement christologique soit ici suggérée, au cœur de Nostra Aetate. Aucun relativisme, aucune démission (« dé-mission ») dans cette conviction et dans cette attitude de respect. La communauté chrétienne demeure « tenue d’annoncer sans cesse le Christ qui est “la voie, la vérité et la vie” » : c’est bien en lui que dieu s’est réconcilié toutes choses, en lui que tous « doivent trouver la plénitude de la vie religieuse ». Il y a ici comme l’esquisse d’une théologie de l’accomplissement.

La Déclaration cependant ne cherche pas à se faire plus précise. Il n’est pas étonnant dès lors que les diverses « théologies des religions » (ou de la pluralité des religions) qui se déploieront dans les décennies qui suivent se distribueront sur un assez large éventail, tout en se réclamant de Vatican II. Il est permis de penser que des formulations plus précises n’auraient pas permis de recueillir une assez large majorité à l’issue des débats conciliaires. Par-delà le souci de favoriser un large consensus, il est vraisemblable aussi que l’élaboration proprement doctrinale n’était pas encore mûre : il était donc sage de laisser le temps au temps.

Conclusion pratique : les disciples et témoins du Christ sont invités à s’engager « avec prudence et charité » dans le dialogue (colloquia) et la collaboration avec d’autres croyants afin de « reconnaître, préserver et faire progresser les valeurs spirituelles, morales et socio-culturelles » qu’ils rencontreront chez eux. La perspective est éminemment positive. Elle tranche aussi — faut-il le dire ? — avec presque tout ce qui s’était dit au cours des générations précédentes.

3 La religion musulmane

C’est dans ce paysage profondément renouvelé que prennent place les déclarations spécifiques touchant l’islam puis le judaïsme. Il nous faut ici être plus bref ou renvoyer à d’autres études9. À l’égard de l’islam reconnu comme foi monothéiste, ou plutôt des musulmans qui la professent et en vivent, Nostra Aetate proclame son estime avant d’énumérer toute une série de points sur lesquels chrétiens et musulmans peuvent se sentir proches (cf. LG 16). Mention est faite de la « soumission » d’Abraham, de la vénération de Jésus comme prophète, de l’honneur rendu à Marie. Un lecteur musulman sera d’autant plus étonné de ne pas voir mentionnés le nom de Mohammed et moins encore sa qualité de prophète au service de la révélation coranique : se refusant à franchir ce pas, les pères du concile ont préféré se retrancher dans le silence.

Sans ignorer les dissensions et inimitiés des siècles passés (et trop souvent du temps présent), le concile exhorte chrétiens et musulmans à « oublier le passé et s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle » ainsi qu’à promouvoir ensemble « la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté ».

4 La religion juive

Point de départ de la genèse du document, ce paragraphe est aussi — et de loin — le plus long10. Dès la première phrase il est clair que l’Église et les chrétiens s’inscrivent ici dans une relation beaucoup plus étroite que ce n’est le cas à propos d’autres religions et communautés. Cette relation appartient à l’identité du chrétien, à l’être même de l’Église du Christ. C’est en effet en « scrutant le mystère de l’Église » que le concile « rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lignée d’Abraham ». On pourrait certes se demander si la relation que les chrétiens se découvrent et entretiennent avec les autres religions et leurs fidèles ne fait pas également partie de la définition du chrétien et du mystère de l’Église. Il est clair cependant que Nostra Aetate ne l’affirme pas ; il est clair également qu’une telle affirmation ne pourrait méconnaître ou déforcer le caractère unique (mais pas nécessairement exclusif) de cette relation avec le peuple de la première alliance.

D’une part, en effet, l’Église reconnaît que « les prémices de sa foi et de son élection se trouvent… dans les patriarches, Moïse et les prophètes » ; Abraham, déjà cité à propos de l’islam, est à nouveau mentionné ; plus encore, il est rappelé que le Christ, « selon la chair », est de cette race « à qui appartiennent… les alliances et les promesses… » (Rm 9,4-5 ; cf. encore LG 16). D’autre part, même si de nombreux Juifs n’acceptèrent pas l’Évangile et parfois s’opposèrent à sa diffusion, même si certaines de leurs autorités « poussèrent à la mort du Christ », ce qui s’est passé ne peut être imputé à tout le peuple de ce temps-là, moins encore à tout le peuple de nos jours. Bien plutôt, les Juifs « restent encore, à cause de leurs pères, très chers à dieu, dont les dons et l’appel sont sans repentance » (cf. Rm 11,28-29). On le voit, après bien des tergiversations, le terme « déicide » a disparu ; le sens n’est pas modifié pour autant, et la formulation finalement retenue est positive.

En conséquence, rien n’autorise la prédication et la catéchèse chrétiennes à parler de réprobation divine ou de malédiction frappant tout un peuple. Il n’y a pas de place non plus pour la haine, la persécution ou toute forme d’antisémitisme, « quels que soient leur époque et leurs auteurs » : on laisse entendre que des chrétiens aussi ont pu s’en rendre coupables. Du reste, quelles qu’aient été les circonstances de la mort du Christ, on rappelle qu’il s’y est soumis volontairement pour notre salut. Il faut donc annoncer la croix du Christ comme « signe de l’amour universel de dieu ».

5 La fraternité universelle exclut toute discrimination

La conclusion de la déclaration rejoint l’ampleur universelle de son préambule. Si dieu est notre Père à tous, nous avons à nous conduire en frères à l’égard de tous. On ne saurait dissocier la relation (habitudo) à dieu et la relation aux frères humains. Ainsi se trouve sapé le fondement de toute théorie ou pratique de discrimination, qu’elle soit basée sur la religion ou tout autre critère. Voilà les chrétiens exhortés en finale à « une belle conduite (conversatio) au milieu des nations » (1 P 2,12).

Une réception fort diversifiée

Il n’est pas possible d’esquisser ici une histoire de la réception de Nostra Aetate. Dans un pays-continent comme l’Inde, où les chrétiens ne constituent qu’une petite minorité dans un océan de traditions religieuses, ce texte — avec les événements qui l’ont permis et accompagné — ouvrit soudain de larges perspectives et libéra de formidables énergies. Il intervenait à une époque où beaucoup de catholiques en particulier aspiraient à une meilleure intégration à la vie de la nation nouvellement indépendante et à une véritable inculturation (on parlait alors d’« indianisation ») qui, par-delà les coutumes sociales, rejoindrait les aspirations spirituelles qui s’étaient exprimées depuis tant de siècles et s’exprimaient toujours à travers l’hindouisme, le bouddhisme, l’islam et d’autres traditions. De la liturgie à la vie spirituelle et à la théologie, bien des secteurs de la vie chrétienne furent vivifiés et transformés par cette aspiration à rencontrer les autres croyants et découvrir leur patrimoine, dans le respect, l’écoute et le dialogue.

Ce vaste mouvement, il est vrai, toucha surtout une partie du clergé ainsi que de nombreux séminaristes et bien des communautés religieuses. Beaucoup de laïcs catholiques, en revanche, avaient été peu préparés à prendre ce grand tournant. Des générations de catéchètes et de pasteurs les avaient mis en garde contre la tentation de retomber dans l’idolâtrie ou la superstition. Le message de Vatican II, en les prenant soudain à contre-pied, provoqua pas mal de perplexité et d’hésitation, voire de résistance. En outre, beaucoup s’aperçurent progressivement qu’une première vague de dialogue et d’inculturation s’était orientée vers des formes anciennes ou classiques de religion et de culture hindoues, des formes plutôt élitistes définies par les brahmanes qui, depuis des temps immémoriaux, jouaient le double rôle de célébrants des rites et de transmetteurs des traditions, normes et enseignements. Or, de très nombreux chrétiens, issus de couches modestes de la population et même de castes « intouchables » ou de communautés aborigènes, ne se reconnaissaient pas dans ce type de culture et de spiritualité. Bien plus, celles-ci traduisaient à leurs yeux l’emprise de classes sociales qui les avaient exploités ou méprisés depuis des siècles. Dans ce contexte, le dialogue interreligieux et l’inculturation tentent à présent de se frayer de nouvelles voies.

Ce n’est là qu’un exemple rapide11. Dans chaque région du monde, dans chaque environnement plurireligieux, la rencontre et le dialogue, les pratiques spirituelles et la réflexion théologique prennent des formes différentes. Au-delà de la diversité des cultures et des religions, l’histoire des communautés chrétiennes pèse aussi de tout son poids : Églises anciennes ou convertis de fraîche date, situation minoritaire ou largement dominante… Ici, des poignées de chrétiens au milieu de nations qui s’identifient à l’islam ou au bouddhisme, là-bas, des foules de baptisés reprenant conscience de tout un bagage symbolique et rituel hérité des croyances traditionnelles : le regard sur les religions ne sera pas le même12.

Initiatives de Paul VI et de Jean-Paul II

Sans méconnaître que les choses se jouent en définitive sur le terrain, dans une grande diversité de situations régionales et même locales, il faudra se contenter d’évoquer ici, au plan de l’Église universelle, quelques événements significatifs de la mise en œuvre, depuis un demi-siècle, des perspectives ouvertes par Nostra Aetate.

On se rappellera que Paul VI, en la fête de Pentecôte 1964, avait institué un « Secrétariat pour les non-chrétiens ». Rebaptisé en 1987 « Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux », cet organisme, qui ne disposa jamais que d’une modeste équipe, joua un rôle moteur dans la promotion des relations interreligieuses13. Il publia en plusieurs langues des brochures et des livres afin d’aider les chrétiens et leurs pasteurs à mieux connaître et apprécier différentes religions (hindouisme, bouddhisme, religions africaines, islam) ; il proposa également des orientations théologiques et pastorales sur le dialogue interreligieux. Sous le titre Pro dialogo, un bulletin périodique diffusait les principaux documents du magistère romain, rendait compte de rencontres et de colloques interreligieux de par le monde, signalait des publications nouvelles, proposait en outre des études de fond. Cette documentation permit notamment aux commissions nationales ou diocésaines ainsi qu’à d’autres groupes de dialogue interreligieux de par le monde d’approfondir leur réflexion et de tirer parti d’expériences diverses. À Rome même, le Secrétariat (ou le Conseil) déploie sa propre activité de rencontres et de dialogue, notamment par l’hospitalité et l’appui qu’il accorde à des pèlerins et des représentants d’autres traditions religieuses.

À la suite de Paul VI, le pape Jean-Paul II s’exprima très fréquemment au sujet du dialogue, notamment à l’occasion de ses voyages et visites en de nombreux pays et de ses rencontres avec des autorités d’autres communautés religieuses14. Quelques-unes de ses initiatives marquèrent fortement et durablement les relations interreligieuses. Qu’il suffise d’évoquer sa visite à la synagogue de Rome (13 avril 1986), son discours à la jeunesse marocaine dans le stade de Casablanca (19 août 1985), ou encore l’inoubliable rencontre du 27 octobre 1986 à Assise : des représentants d’Églises chrétiennes ainsi que de nombreuses religions étaient conviés dans la cité de François pour une journée de pèlerinage, de jeûne et de prière en faveur de la paix. Par le biais de la télévision notamment, l’événement eut un retentissement mondial et les images en demeurent gravées à ce jour dans bien des esprits. Par là se trouvait aussi posée la question de la prière interreligieuse : est-il possible, est-il souhaitable de prier ensemble ? Sans doute faudra-t-il du temps avant qu’un consensus se dégage à ce sujet15.

Un bouillonnement de recherches théologiques

Un des fruits de la promulgation des textes de Vatican II, de Nostra Aetate en particulier, fut la multiplication spectaculaire de recherches théologiques touchant la place des religions dans l’histoire du salut et les fondements du dialogue interreligieux. De tels questionnements se seraient imposés de toute manière à la conscience chrétienne. Nous avons noté le rôle de quelques précurseurs et rappelé que d’autres Églises chrétiennes s’engageaient à cette époque dans des réflexions comparables. Mais, pour le théologien catholique plus précisément, Nostra Aetate (complétée par quelques autres textes du concile) représentait désormais une référence incontournable et offrait un socle faisant autorité, tout en laissant bien des questions ouvertes et tout en se prêtant à une certaine diversité d’interprétations. En quelques années, la « théologie (chrétienne) des religions » devint un secteur bouillonnant de recherches et de publications en même temps qu’un champ de controverses et de débats parfois passionnés.

Quelle place ou quelle fonction reconnaître à la pluralité des religions dans l’histoire du salut ? depuis des siècles, le théologien s’interrogeait sur la possibilité du salut pour le non-chrétien, le non-baptisé, et sur les voies d’accès à ce salut ; on estimait en général que le salut de dieu pouvait rejoindre le non-chrétien, considéré comme individu, malgré son appartenance religieuse ou du moins, abstraction faite de cette appartenance. La question se déplace à présent : on assiste, ainsi que cela fut souvent répété, à un « changement de paradigme ». La perspective devient plus anthropologique et concrète : située dans l’espace et le temps, dans une culture et dans les traditions d’une communauté, la personne humaine grandit avec les ressources que lui offre cet environnement, non seulement au plan des croyances mais encore des rites, des symboles, des formes d’organisation sociale et communautaire. Ne faut-il pas se demander, dès lors, si et de quelle manière dieu se fait connaître, se communique et sanctifie les personnes et les groupes humains à travers le tissu concret du corps et de l’histoire, des cultures et des religions ? Les religions, en ce sens, et sans méconnaître la gratuité du salut librement offert par dieu, peuvent-elles être considérées comme des instruments, voire des médiations ou des voies du salut, c’est-à-dire de la révélation et de la sanctification offertes tout au long de l’histoire par Celui qui « veut que tous les hommes soient sauvés » (1 Tm 2,4) ?

Parmi les théologiens catholiques et au-delà de leur cercle, les tentatives de réponse à ces questions se distribuèrent, on le sait, selon un très large éventail. Pour la commodité, on a souvent distingué, en ces matières, des positions exclusivistes, inclusivistes et pluralistes… tout en dénonçant fréquemment le caractère simplificateur de telles catégories. Les positions des théologiens catholiques sont le plus souvent demeurées proches du centre de cet éventail, prenant la forme de diverses nuances d’inclusivisme. Des théologies exclusivistes demeurent influentes dans plusieurs Églises chrétiennes, notamment de tradition evangelical ; dans le monde catholique, on n’oubliera pas que Nostra Aetate et la question des religions ainsi que le dossier voisin de la liberté religieuse ont représenté l’une des motivations principales d’un refus qui se cristallisa autour de Mgr Marcel Lefebvre. Vers l’autre extrémité de l’éventail, quelques théologiens estimèrent qu’il devenait inévitable de « franchir le Rubicon » : sans plus revendiquer pour la foi chrétienne ou pour la personne et l’œuvre du Christ une primauté quelconque, il convenait désormais de voir le christianisme, parmi les multiples religions, comme un des chemins de conversion et de réalisation spirituelle au long desquels les hommes peuvent rencontrer dieu, l’Absolu ou encore le réel. Le « relativisme » de telles positions a, ces dernières années, été fréquemment dénoncé par le magistère catholique, qui en a souligné l’incompatibilité avec Nostra Aetate et Vatican II.

Quelques documents marquants

Il ne saurait être question d’entrer ici dans l’épaisseur ou dans le vif de ces débats16. Signalons plutôt trois documents marquants dans lesquels, à l’initiative des autorités romaines, des équipes de théologiens se sont efforcées, dans le sillage de Nostra Aetate, de recueillir les expériences des dernières décennies et de faire progresser la réflexion théologique et pastorale. Dans les années qui suivirent Vatican II, quelques-uns, enthousiasmés par les nouvelles perspectives qui se dégageaient, se mirent à proclamer que le dialogue est désormais le nouveau nom de la mission. Cela ne correspondait certes pas aux enseignements d’un concile qui avait promulgué en parallèle Nostra Aetate et Ad Gentes. Mais la question des rapports précis entre évangélisation et dialogue, au plan de la doctrine comme à celui des pratiques, méritait d’être creusée.

C’est l’objectif d’un document préparé par le Secrétariat pour les non-chrétiens : « L’attitude de l’Église catholique devant les croyants des autres religions. Réflexions et orientations concernant le dialogue et la mission » (1984). Partant de la constatation que le concile Vatican II et Nostra Aetate en particulier ont « marqué une étape nouvelle » (1), le document reconnaît également qu’« un approfondissement ultérieur de la part des théologiens est souhaitable et nécessaire » (6). Le dialogue interreligieux apparaît comme un élément ou une dimension de la « réalité unitaire mais complexe et articulée » qu’est la mission (13). Le dialogue n’est ni mode passagère ni calcul opportuniste : bien plus profondément, « l’Église est ouverte au dialogue par fidélité à l’homme » (20-21). Engagé « à cause de la foi », le dialogue découle d’une « vie de communion et d’échanges dans le mystère trinitaire » (22). En recueillant dans les traditions religieuses de l’humanité « les semences du Verbe », l’Église travaille à l’accomplissement du royaume (25-26).

Différentes formes ou voies de dialogue sont ensuite énumérées, selon un schéma qui fera école, même en dehors de la sphère catholique : dialogue dans la vie quotidienne ; dans les œuvres et la collaboration ; dialogue d’experts et de théologiens afin de comparer et d’enrichir les patrimoines religieux ; dialogue de l’expérience spirituelle (28-35). Le document s’attache enfin à préciser les rapports entre dialogue et mission, sans esquiver la question souvent délicate de la conversion17 (37). Pour nous qui vivons « dans le temps de la patience de dieu », le dialogue est une « source d’espérance » ainsi qu’un « facteur de communion dans une transformation réciproque » (43-44).

Cette mise au point équilibrée aurait pu suffire. Dans certains contextes cependant, les termes « évangélisation » et « mission » recevaient des interprétations toujours plus larges : coopération au développement, engagement pour la justice, la libération ou les droits humains… L’annonce explicite de l’évangile risquait d’en pâtir. En outre, défenseurs institutionnels de l’évangélisation ou avocats du dialogue, chacun demeurait tenté de tirer à soi la couverture. On mit donc en chantier un nouveau document dont la rédaction fut confiée conjointement à la Congrégation pour l’évangélisation des peuples et au Conseil pour le dialogue. Long, minutieux, parfois laborieux, le travail aboutit cependant à un document riche, équilibré et nuancé : « dialogue et annonce : réflexions et orientations concernant le dialogue interreligieux et l’annonce de l’Évangile de Jésus-Christ » (1991). Dans la ligne d’ecclesiam suam, il est rappelé que « la raison fondamentale de l’engagement de l’Église dans le dialogue n’est pas simplement de nature anthropologique : elle est aussi théologique ». L’Église « se doit donc d’entrer dans un dialogue de salut avec tous » (38). Les rapports entre annonce et dialogue sont précisés :

Le dialogue interreligieux et l’annonce, sans être sur le même plan, sont tous les deux des éléments authentiques de la mission évangélisatrice de l’Église. Tous les deux sont légitimes et nécessaires. Ils sont intimement liés mais non interchangeables : le vrai dialogue interreligieux suppose de la part du chrétien le désir de faire connaître et aimer toujours mieux Jésus-Christ et l’annonce de Jésus-Christ doit se faire dans l’esprit évangélique de dialogue.

(77)

Revenant à présent sur le terrain de débats théologiques plus techniques, signalons les réflexions publiées par la Commission théologique internationale sous le titre « Le christianisme et les religions » (1997). Après un panorama des positions actuelles en théologie des religions (status quaestionis, 4-26), ce texte précis et argumenté aborde la question — toujours ouverte — de la valeur salvifique des religions, de « la fonction qu’elles peuvent avoir dans le dessein de dieu » (surtout 81-88).

D’autre part, publiée en 2000 par la Congrégation pour la doctrine de la foi, approuvée et confirmée par le pape Jean-Paul II, Dominus Iesus, « déclaration sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Église », fut ressentie par beaucoup comme un signal d’arrêt, voire comme un recul, tant dans le domaine des relations œcuméniques que dans celui des relations interreligieuses. Le document vise à corriger ou prévenir ce qu’il considère comme un danger insidieux : « la mentalité indifférentiste imprégnée d’un relativisme religieux qui porte à considérer que “toutes les religions se valent” » (22 ; voir aussi 4 et 5). La théologie des religions se développe dans le champ de l’ecclésiologie et plus encore de la christologie : c’est dire qu’elle touche inévitablement à des questions névralgiques pour la foi et la pensée chrétiennes. Dans le monde catholique et plus largement dans le monde chrétien, il est clair qu’un consensus n’a pas encore été atteint sur ces questions. Le sera-t-il jamais ? On peut espérer toutefois que la réflexion continuera à s’approfondir et que des convergences se dessineront progressivement sur l’essentiel.

Un dialogue à sens unique ?

Fécondité de Nostra Aetate et histoire de sa réception : dans l’exploration rapide qui précède, seul le versant catholique a été pris en compte. Il est vrai que, depuis un bon demi-siècle, les catholiques et plus généralement les chrétiens ont parfois paru monopoliser l’initiative dans les relations interreligieuses. D’autre part, le « dialogue » prôné par eux a été plus d’une fois dénoncé, dans d’autres univers religieux, comme une manœuvre un peu trop habile ou comme le nouveau cheval de Troie de la mission conquérante. À ces impressions rapides, il faut apporter quelques correctifs.

La structure hiérarchique de l’Église catholique accorde davantage de visibilité à ses déclarations et à son action. En outre — et cela est plus décisif — dans plusieurs univers de l’Inde et de l’Extrême-Orient, sans oublier l’Afrique, l’identité ou l’appartenance religieuse ainsi que les relations à d’autres croyants ne se définissent pas de la même manière que dans les mondes monothéistes de l’Occident et du Proche-Orient. Enfin, que ce soit dans le droit fil de convictions anciennes et traditionnelles ou plutôt en réponse (d’émulation et de convergence, ou de réaction et de concurrence) à des conceptions du dialogue interreligieux inspirées de Nostra Aetate, il ne manque pas d’initiatives prises — souvent au plan local ou régional, il est vrai — par des communautés ou des institutions autres que chrétiennes. Depuis longtemps déjà, les réunions et célébrations interreligieuses ne sont pas rares en Inde, même si les relations entre les chrétiens et certains milieux hindous se sont tendues ces dernières années. Au lendemain de la rencontre d’Assise, le modèle en a été rapidement adopté par des organisations bouddhistes japonaises. D’autres exemples, souvent peu connus en Europe, pourraient être mentionnés.

Dans un registre différent, un groupe de rabbins et d’universitaires Juifs américains fit paraître en septembre 2000 une déclaration (Dabru emet, « Parlons vrai ») dans laquelle, prenant acte des « changements spectaculaires » dans les attitudes et la pensée chrétiennes, ils proposent des pistes de réflexion en vue de relations sur des bases nouvelles18. Plus récemment (octobre 2007), 138 autorités religieuses et intellectuels musulmans adressèrent un appel aux responsables des Églises chrétiennes : « Une parole commune entre vous et nous » (formule reprise du Coran 3, 64)19.

Près d’un demi-siècle après le concile, tant au plan de la recherche théologique qu’à celui des relations de dialogue, le chantier demeure ouvert.

Notes de bas de page

  • 1 Cf. G. Alberigo (dir.), Histoire du Concile Vatican II (1959-1965), 5 t., Paris, Cerf, 1997-2005. Les consilia et vota y sont analysés par É. Fouilloux (t. I, p. 107-170).

  • 2 Sur ces événements et leur contexte politique, voir : M. Attridge, « The Struggle for Nostra Aetate. The “Quaestione Ebraica” from 1960-1962 : Issues and Influences », dans G. Routhier (dir.), La théologie catholique entre intransigeance et renouveau. La réception des mouvements préconciliaires à Vatican II, coll. Bibliothèque de la Revue d’histoire ecclésiastique 95, Louvain-la-Neuve - Leuven, 2011, p. 213-230. Cf., par ailleurs, dans le présent numéro, l’article de T.-M. Andrevon, « Les Juifs et la préparation du texte conciliaire Nostra Aetate », p. 218-238.

  • 3 Sur les phases de l’élaboration de Nostra Aetate voir notamment : G. M.-M. Cottier, « L’historique de la Déclaration », dans A.-M. Henry (dir.), Les Relations de l’Église avec les religions non chrétiennes. Déclaration « Nostra Aetate », coll. Unam sanctam 61, Paris, Cerf, 1966, p. 37-78 et p. 285-305.

  • 4 Voir J. O’Malley, L’événement Vatican II, Bruxelles, Lessius, 2012, p. 279. — Sur la terminologie latine et la sémantique du « dialogue » : A.M. Nolan, A Privileged Moment : “Dialogue” in the Language of the Second Vatican Council 1962-1965, Bern, Peter Lang, 2006 (voir NRT 130 [2008] 478).

  • 5 Cf. J. O’Malley, L’événement Vatican II… (cité supra n. 4), p. 299-309, en particulier p. 306-309 ; voir aussi p. 330-333.

  • 6 O’Malley parle de « controverses âpres », de « cheminement particulièrement rude », de « parcours du combattant » (ibid., p. 18).

  • 7 Voir par exemple les diverses contributions à l’ouvrage dirigé par A.-M. Henry (cité supra n. 3). R.A. Siebenrock, après un rappel historique, propose un commentaire dans Herders Theologischer Kommentar zum Zweiten Vatikanischen Konzil, t. 3, Freiburg, Herder, 2005, p. 591-693.

  • 8 Sur ce qu’il appelle « l’intertextualité » des seize documents de Vatican II, voir J. O’Malley, L’événement Vatican II… (cité supra n. 4), p. 422-423.

  • 9 Les commentaires de R. Caspar, « La religion musulmane », dans A.-M. Henry (dir.), Les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes (cité supra n. 3), demeurent fort éclairants. La revue annuelle Islamochristiana 32 (2006) propose un ensemble d’études sur « Nostra Aetate 3 : Quarante ans plus tard ».

  • 10 Parmi bien d’autres, deux publications récentes : E.T. Groppe, « Revisiting Vatican II’s Theology of the People of God after Forty-five Years of Catholic-Jewish Dialogue », Theological Studies 72 (2011), p. 586-619 ; M. Moyaert et D. Pollefeyt (dir.), Never Revoked : “Nostra Aetate” as Ongoing Challenge for Jewish-Christian Dialogue, coll. Louvain Theological and Pastoral Monographs 40, Leuven, Peeters, 2010.

  • 11 Les relations interreligieuses et le dialogue dans leurs dimensions spirituelles, théologiques et pastorales ont fait l’objet d’innombrables publications en Inde. À titre d’exemple : J. Kuttianimattathil, Practice and Theology of Interreligious Dialogue. A Critical Study of the Indian Christian Attempts Since Vatican II, Bangalore, Kristu Jyoti College, 1995.

  • 12 Pour un panorama rapide (doublé d’une abondante bibliographie) de la réception de Vatican II en Asie, voir : P.C. Phan, « Reception of Vatican II in Asia : Historical and Theological Analysis », Gregorianum 83 (2002), p. 269-285 (sur Nostra Aetate, surtout p. 278-279 ; sur l’inculturation dans ce contexte, p. 273-278). Voir aussi : J. Scheuer, « The Dialogue with the Traditions of India and the Far East », Gregorianum 87/4 (2006), p. 797-809 (numéro consacré à Nostra Aetate).

  • 13 On n’oubliera pas toutefois que ce qui concerne les relations avec le monde juif demeure la responsabilité d’une commission au sein du Secrétariat pour l’Unité des chrétiens.

  • 14 Les enseignements, allocutions et messages de Paul VI et de Jean-Paul II occupent la plus grande part du volumineux recueil édité par F. Gioia, Le dialogue interreligieux dans l’enseignement officiel catholique (1963-2005), Solesmes, 2006, 1700 p. (1e éd., 1998, 995 p.).

  • 15 Les participants étaient conviés à « venir ensemble pour prier », non pas à « venir pour prier ensemble ». Cette prudence ou cette réserve peut, à un premier niveau, traduire un souci de courtoisie et de diplomatie : n’exclure personne, n’exercer aucune pression, ne pas heurter une partie de telle ou telle communauté ; elle peut aussi se justifier voire s’imposer pour des raisons de foi et de doctrine, du point de vue spécifique du chrétien ou de tout autre croyant.

  • 16 La littérature est déjà immense. À titre d’exemple, le lecteur trouvera quelques dossiers fort documentés ainsi que des analyses ou des essais de typologie dans : J. Dupuis, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, coll. Cogitatio fidei 200, Paris, Cerf, 1997 ; M. Aebischer-Crettol, Vers un œcuménisme interreligieux : Jalons pour une théologie chrétienne du pluralisme religieux, coll. Cogitatio fidei 221, Paris, Cerf, 2001, 3e partie, p. 301-629 ; P.F. Knitter, Introducing Theologies of Religions, Maryknoll, Orbis, 2002.

  • 17 Dans bien des régions, l’impression subsiste que des conversions ou adhésions à certaines communautés chrétiennes résultent d’un prosélytisme agressif plutôt que d’une évangélisation respectueuse. Ce problème continue à envenimer les relations. Le Conseil œcuménique des Églises, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et l’Alliance évangélique mondiale viennent de publier conjointement : « Témoignage chrétien dans un monde multireligieux : Recommandations pour un code de conduite » (voir par ex. Doc. cath. 2479 [2011], p. 1074-1077).

  • 18 Traduction française dans J. Dujardin, L’Église catholique et le peuple juif. Un autre regard, Paris, Calmann-Lévy, 2003, p. 480-483.

  • 19 Texte français : Doc. cath. 2394 (2008), p. 70-81.

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