«Barbarie ou Culture». L'éthique de l'affectivité dans la phénoménologie de Michel Henry

Frédéric Seyler
Filosofía - reviewer : Antoine Vidalin
Sept ans après la disparition de Michel Henry, il devient possible de recevoir et d'étudier l'ensemble de son oeuvre avec recul. C'est ce que nous propose Frédéric Seyler dans son travail de thèse sur l'éthique de l'affectivité dans la phénoménologie de Michel Henry. Cette recherche considère la totalité du corpus henryien (en particulier les derniers ouvrages sur le christianisme) comme étant le fruit d'une démarche strictement phénoménologique. On saluera ce choix qui s'éloigne des débats franco-français sur le statut 'théologique' des derniers livres et qui propose une vision unifiée de l'oeuvre. Qui plus est, en traitant la question de l'éthique constamment abordée par Michel Henry mais jamais traitée pour elle-même, F. Seyler touche à l'un des enjeux fondamentaux de l'oeuvre: celui de l'action.L'A. commence par repérer dans l'opposition Barbarie/Culture les critères axiologiques d'une 'normativité critique' opérant tout au long de l'oeuvre. Ces critères n'étant toutefois pas extérieurs à la vie, mais produits par elle, l'éthique se révèle dès lors non comme un discours axiologique séparé, mais comme une éthique originelle qui n'est autre que l'affectivité elle-même, éthique que prescrit la vie en son immanence radicale et qui, ultimement, se laisse comprendre comme entrée dans la 'seconde naissance', c'est-à-dire comme filiation dans la vie absolue. Les fondements d'une telle éthique sont développés dans la première partie selon trois aspects essentiels: la reconnaissance de l'immanence de la vie comme la réalité véritable (le savoir de la vie), l'action comme praxis immanente portée dans l'automouvement de la vie, la communauté comprise comme intersubjectivité affective des vivants dans la vie. Pourtant, si seule la praxis est à même de réintroduire chacun dans la seconde naissance, quel statut donner à l'éthique de l'affectivité explicitée par la phénoménologie de la vie? Telle est la question qui commande la seconde partie. L'A. y répond en développant le concept de quasi-performativité appliqué au discours de la phénoménologie de la vie capable, par la contre-réduction qu'elle opère au savoir de la vie (réduction qui est une praxis rendue possible par la vie elle-même), de désigner une parole autre qu'elle-même, la parole de la vie, et d'y reconduire son lecteur. On lira avec intérêt l'application de ce principe au problème plus général d'une 'traduction inversée' par laquelle pourrait se faire le passage des représentations et médiations du monde à la parole de la vie qui en constitue la réalité. En établissant la possibilité d'une éthique de l'affectivité au sens de la phénoménologie de la vie - éthique qui soit elle-même pratique - l'A. a donc pleinement répondu aux questions qu'il s'était posées. Peut-être pouvons-nous seulement regretter une trop grande discrétion par rapport à la troisième partie de l'avant-dernier ouvrage de Michel Henry Incarnation, dans lequel le concept d''in-carnation' permet une ressaisie de l'éthique de l'affectivité, non plus seulement en termes d'oubli de la vie et de seconde naissance, mais selon ceux du péché et du salut. - A. Vidalin

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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