Bible oblige. Essai de théologie biblique
Benoît BourgineSagrada Escritura - reviewer : François Odinet
« Le premier âge de la critique a conduit à une disjonction entre exégèse et dogmatique ; un large courant de l’exégèse actuelle donne des motifs d’appeler à une coopération renforcée entre les deux disciplines » (p. 265). Cette brève citation résume la dynamique de l’ouvrage ; Benoît Bourgine appelle à une « théologie biblique » qui soit une forme de conversation entre exégètes et dogmaticiens.
La première partie pose le problème de la théologie biblique. Après un bref chap. historique, sont examinées les questions majeures que pose la théologie biblique : rapport à l’histoire, enjeu crucial de l’unité – celle de la Bible comme celle de la théologie. Enfin, l’A. présente des modèles herméneutiques, en particulier celui de Gadamer qui joue un rôle fondamental, les autres modèles (notamment celui de Ricœur) étant situés par l’A. comme des ajustements du premier.
La seconde partie se propose d’articuler effectivement une « théologie biblique », fondée sur une conviction : la règle d’interprétation de la Bible doit correspondre à la manière dont celle-ci est écrite. L’A. montre que l’intention théologique n’est pas hétérogène au travail des rédacteurs, en s’appuyant précisément sur des travaux exégétiques des dernières décennies ; il s’interroge sur la portée de la canonisation des Écritures, sur ce que signifie le fait que Dieu puisse parler à travers elles – et sur la place du lecteur ainsi supposée. Dès lors, illustrant une conception de la dogmatique comme lecture de l’Écriture à partir de la foi chrétienne d’aujourd’hui, elle-même nourrie de la tradition qui commente ladite Écriture, l’A. inscrit la dogmatique dans « une relance incessante du mouvement de signifiance de la Parole » (p. 257).
L’ouvrage ne se réfère pas, sauf à titre d’allusion, à l’exégèse patristique et médiévale, dans laquelle commentaire de l’Écriture et élaboration théologique ne sont pas séparés. On le comprend puisque l’A. fait face aux questions de la critique biblique, telles qu’elles se posent, en introduisant précisément des disjonctions, à partir de l’époque moderne. Si l’on trouvera bien des raisons de s’intéresser à cette synthèse suggestive et charpentée, relevons-en deux en particulier. D’une part, l’A. coordonne la recherche théologique de la vérité à l’herméneutique scripturaire, alors qu’elle était mise en question à partir de la critique historique. D’autre part, il accomplit ce parcours en s’appliquant à lui-même ce qu’il prescrit : l’A. fonde son propos dans les travaux exégétiques (notamment vétérotestamentaires), pour aborder les enjeux dogmatiques à partir des questions actuelles, tout en tenant compte de la tradition herméneutique et critique. — F. Odinet