Comment notre monde a cessé d'être chrétien. Anatomie d'un effondrement

Guillaume Cuchet
Historia - reviewer : Bernard Joassart s.j.
La « déchristianisation » - pour faire bref - de la France (car c'est de celle-ci qu'il s'agit avant tout dans ce livre, même si on pourrait étendre l'analyse et les conclusions de l'A. à un pays comme la Belgique) taraude pasteurs comme fidèles. Sans remonter par trop haut dans le temps, La France, pays de mission ?(1943) avait été comme un premier cri d'alarme sur le sujet. Presque à la même époque, les travaux d'un Le Bras et surtout du chanoine Boulard ont tenté, essentiellement à partir de la pratique religieuse, de mettre en lumière les contours du phénomène. Leurs conclusions générales, affinées à plusieurs reprises, étaient que, en dépit des événements particulièrement marquants, dont la Révolution française et tout son héritage laïcisant, il y avait malgré tout une certaine stabilité dans l'appartenance au catholicisme. Et puis… À la différence des tenants du « c'est la faute à Mai 68 », G. Cuchet estime que c'est surtout avec la fin de Vatican ii que le plongeon, assez spectaculaire, s'est fait, étant entendu que leConcile ne fut pas la « cause » mais le « déclencheur » - la nuance est d'importance - de cet état de fait. Certes, une telle situation n'est pas imputable à un seul facteur. Beaucoup d'éléments, notamment l'abandon du sentiment d'obligation de la pratique dominicale ou la baisse de la natalité, de même qu'une certaine forme de relativisme (pour faire bref : « toutes les appartenances religieuses sont aussi valables les unes que les autres ») ont été déterminants. Mais l'A. va plus loin dans l'analyse du phénomène provoqué par Vatican ii : la diminution de l'importance accordée au sacrement de pénitence et la presque totale absence de tout enseignement sur les fins dernières, la vie ici sur terre ayant pris le pas sur toute considération d'un au-delà, ont été les vrais déclencheurs du phénomène.
Sans doute n'en finira-t-on pas de sitôt repérer tous les facteurs aux origines de la situation actuelle, d'autant que Vatican ii fait l'objet d'interprétations fort différentes. Par ailleurs, au terme de la lecture de cet ouvrage, je me demande s'il ne faudrait pas élargir le champ de vision à la société tout entière, à ses composantes essentielles et à l'attitude que l'on a à leur égard. Quand on considère la seule réalité de l'« État » - et dès lors le monde politique en général -, on n'est pas moins frappé par une désaffection tout aussi manifeste que celle qui existe vis-à-vis du christianisme. Et derrière cela se profile la question de l'« autorité » à l'égard de laquelle notre monde paraît absolument réfractaire. Certes, l'autorité de l'État et celle du religieux chrétien ne sont pas du même ordre. Mais l'homme d'aujourd'hui n'est-il pas, a priori, opposé à toute forme d'autorité, à toute réalité qui est « au-dessus » de lui ? Et dans le cadre du christianisme, même si l'adhésion personnelle est indispensable, il n'en reste pas moins vrai que cette adhésion repose sur l'acceptation d'une réalité - en l'occurrence la Révélation - qui le dépasse. Affaire à suivre donc… et ceci n'est pas simple formule humoristique ou une marque de désabusement ! - B. Joassart s.j.

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