La « déchristianisation » - pour faire bref - de la
France (car c'est de celle-ci qu'il s'agit avant tout dans ce
livre, même si on pourrait étendre l'analyse et les conclusions de
l'A. à un pays comme la Belgique) taraude pasteurs comme fidèles.
Sans remonter par trop haut dans le temps, La France, pays
de mission ?(1943) avait été comme un premier cri
d'alarme sur le sujet. Presque à la même époque, les travaux d'un
Le Bras et surtout du chanoine Boulard ont tenté, essentiellement à
partir de la pratique religieuse, de mettre en lumière les contours
du phénomène. Leurs conclusions générales, affinées à plusieurs
reprises, étaient que, en dépit des événements particulièrement
marquants, dont la Révolution française et tout son héritage
laïcisant, il y avait malgré tout une certaine stabilité dans
l'appartenance au catholicisme. Et puis… À la différence des
tenants du « c'est la faute à Mai 68 », G. Cuchet estime
que c'est surtout avec la fin de Vatican ii que le
plongeon, assez spectaculaire, s'est fait, étant entendu que
leConcile ne fut pas la « cause » mais le
« déclencheur » - la nuance est d'importance - de cet
état de fait. Certes, une telle situation n'est pas imputable à un
seul facteur. Beaucoup d'éléments, notamment l'abandon du sentiment
d'obligation de la pratique dominicale ou la baisse de la natalité,
de même qu'une certaine forme de relativisme (pour faire
bref : « toutes les appartenances religieuses sont aussi
valables les unes que les autres ») ont été déterminants. Mais
l'A. va plus loin dans l'analyse du phénomène provoqué par
Vatican ii : la diminution de l'importance accordée au
sacrement de pénitence et la presque totale absence de tout
enseignement sur les fins dernières, la vie ici sur terre ayant
pris le pas sur toute considération d'un au-delà, ont été les vrais
déclencheurs du phénomène.
Sans doute n'en finira-t-on pas de sitôt repérer tous les facteurs
aux origines de la situation actuelle, d'autant que
Vatican ii fait l'objet d'interprétations fort
différentes. Par ailleurs, au terme de la lecture de cet ouvrage,
je me demande s'il ne faudrait pas élargir le champ de vision à la
société tout entière, à ses composantes essentielles et à
l'attitude que l'on a à leur égard. Quand on considère la seule
réalité de l'« État » - et dès lors le monde politique en
général -, on n'est pas moins frappé par une désaffection tout
aussi manifeste que celle qui existe vis-à-vis du christianisme. Et
derrière cela se profile la question de l'« autorité » à
l'égard de laquelle notre monde paraît absolument réfractaire.
Certes, l'autorité de l'État et celle du religieux chrétien ne sont
pas du même ordre. Mais l'homme d'aujourd'hui n'est-il
pas, a priori, opposé à toute forme d'autorité, à
toute réalité qui est « au-dessus » de lui ? Et dans
le cadre du christianisme, même si l'adhésion personnelle est
indispensable, il n'en reste pas moins vrai que cette adhésion
repose sur l'acceptation d'une réalité - en l'occurrence la
Révélation - qui le dépasse. Affaire à suivre donc… et ceci n'est
pas simple formule humoristique ou une marque de
désabusement ! - B. Joassart s.j.