Le présent traité, daté de 205 environ par l'éditeur, appartient en
tout cas à la période catholique de Tertullien. Son adversaire,
Hermogène, sans doute un chrétien gnosticisant et certainement un
peintre, ne nous est guère connu que par l'Africain, qui n'hésite
pas à le mettre au même rang que Marcion, Valentin et Apellès (13).
C'est l'occasion pour Tertullien de ruiner la conception
démiurgique du monde et de formuler, pour la première fois en
langue latine, le dogme de la création ex nihilo (15). Comprise
comme indissociable de l'Incarnation et de la Résurrection, la
création ex nihilo constitue, avec ces deux autres points, le
triple fondement de la foi chrétienne (23). La polémique contre
l'idée d'une matière coéternelle repose sur trois vues
essentielles: l'argumentation d'Hermogène est fautive (en raison de
son dualisme implicite); elle est inefficace (Dieu n'est pas mis en
cause dans l'origine du mal); elle est fondée sur une démonstration
scripturaire erronée (de Gn 1,1-2).
Théophile d'Antioche, Irénée de Lyon et maintenant Tertullien
entendent l'acte créateur comme le passage du néant absolu à
l'émergence des corps: Dieu n'est plus un démiurge traitant une
matière informe et préexistante, il est un pur Créateur (31).
«C'est la liberté, et non la nécessité, qui sied à Dieu» (Contre
Hermogène 16, 2).
Comme il est d'usage dans cette illustre collection, l'introduction
substantielle (11-60) est suivie d'une bibliographie pointue
(64-72), puis du texte avec sa traduction (79-203). Un commentaire
très fouillé s'y ajoute (207-434) avant un appendice plaisant
(«Tertullien et la peinture», 435-451) et les quatre indices. Un
ouvrage ardu, dont on mesure par ces quelques notations
l'importance dogmatique. - N. Hausman, S.C.M.