Victor De Buck (1817-1876) fut avant tout bollandiste, et sans
aucun doute l'un des meilleurs de sa génération. Cependant, il ne
limita pas son activité à la seule hagiographie : il fut un
observateur attentif de son temps. Il en alla de même dans le chef
de ses confrères jésuites français Charles Daniel (1818-1893),
co-fondateur des Études avec Jean Gagarine
- qui le sollicita comme collaborateur -, Ambroise
Matignon (1824-1913) et Pierre Toulement (1826-1889), tous trois
étant fortement engagés dans la vie de la revue. La correspondance
échangée entre De Buck et ses confrères de l'Hexagone aborde
quantité de sujets. Notons plus spécialement : la vie
ecclésiale belge et française où se développait un anticléricalisme
assez hostile à l'Église, surtout en France ; le contexte
politique de ces deux pays et de l'Europe tout entière, fortement
marqué par le libéralisme triomphant et les nationalismes de plus
en plus exacerbés ; la question de ce qu'on appellerait de nos
jours l'« oecuménisme », De Buck étant notamment très
intéressé par la réconciliation, avec le catholicisme, de la Haute
Église d'Angleterre, dont il apparaît qu'il aurait volontiers
reconnu la validité des ordinations ; le concile
Vatican i où De Buck et Matignon furent appelés comme
théologiens et durant lequel ils discutèrent souvent de la question
de l'infaillibilité pontificale (ils n'étaient sans doute pas
opposés quant au contenu de celle-ci - encore que dans des
limites relativement strictes -, mais plutôt quant à
l'opportunité de la définir) ; les événements de la Commune
durant laquelle plusieurs jésuites français, dont le célèbre Pierre
Olivaint, moururent martyrs, ce qui provoqua un grand émoi au sein
de la Compagnie ; enfin, l'histoire même de la revue, souvent
jugée trop libérale par les autorités romaines, dont le siège fut
finalement transféré de Paris à Lyon et qui fut confiée à des
ultramontains nettement plus convaincus. - N. Plumat