L'articulation entre ontologie et centralisme politique d'Héraclite à Aristote. I. L'aube de l'Un; II. Le cercle accompli

R. Denuit
Filosofía - reviewer : Hubert Jacobs
L'A. s'en explique: son sujet n'est ni la centralité, ni la circularité, ni, non plus, la centralisation. Il s'agit du centralisme, qui est le système produisant la centralisation. Quelle est donc cette totalité qui a pour caractéristique d'engendrer la centralisation? C'est l'ontologie, entendue comme discours sur l'être en tant qu'être. Car il y a une articulation, une réciprocité entre centralisation et ontologie. L'A. affirme par là que le discours sur l'être en tant que tel aurait une solidarité, un effet sur le système qui produit la centralisation, de même que, de façon symétrique et permanente, pareil système commanderait le discours sur l'être. Le statut de pareille articulation serait à chercher dans ce que Derrida appelle la «différance», dans une archéologie commune à la métaphysique et à la «politique». On pressent ce rapport originaire. Peut-on le démontrer? On aurait, pour ce faire, avantage à confronter la position centrale de l'Être Un dans la philosophie grecque, et celle de Zeus dans la mythologie qui précède. Le mythe n'est-il pas en continuité avec le logos? La symbolique du centre est d'ailleurs fondamentale dans nombre de mythologies, et sa résurgence est indéniable dans les philosophies (politiques).
On comprendra dès lors mieux que l'institution (nom nouveau pour la création du politique) n'opère qu'en référence au centre et pour lui, de même que la philosophie sacralise la topologie du centre. Bref, pour l'A., il s'agit d'observer le rapport entre le sacré et la religion, le centre des politiques et le fondement de la philosophie. Le Centre est un autre nom de l'Être, fondant tout ce qui se pense en métaphysique et s'organise en politique. C'est avec Héraclite et Parménide que commence la structuration ontologique, portant déjà en elle les principes de la cité idéale. On voit la perspective dans laquelle l'A. relit Héraclite (avec M. Conche) et Parménide (avec L. Couloubaritsis). Sont mis en lumière les axes de leur pensée. C'est alors seulement, selon ces axes, que Platon est abordé car c'est à partir de l'identité de l'Être que la politique devient pensable, organisant l'État en un tout cohérent. La pensée platonicienne transcrit l'hénologie en théorie politique: la chose politique est toujours chose ontologique. Le premier volume achève avec Platon l'aube de l'un. Le second parcourt avec Platon et Aristote le cercle accompli. Chez Platon, l'hénologie et le pouvoir politique autocentré vont de pair. Aristote, tout en critiquant le maître, n'en combat pas les idées-mères. La politique est, pour lui, dans la pratique, la science architectonique suprême, comme la métaphysique dans le domaine spéculatif. Elles sont comme les deux branches d'une même sagesse, qui éprouve l'Un-Être comme Centre commun, transposant la pensée ontologique dans la structuration centro-circulaire du politique. La philosophie aristotélicienne engendre ainsi ce qui deviendra la conception européenne de l'État. L'A. nous donne donc, en ces deux volumes denses et compacts, une perspective relativement neuve. Il montre comment l'ontologie des penseurs grecs, à travers leur succession, fonde et structure la Cité comme réplique de l'ordre de l'Être. Un schéma fondamental commun s'y est déployé. Philippe de Macédoine, puis surtout Alexandre le Grand, lui donneront une portée effective et universelle, en attendant l'Empire romain et la chrétienté médiévale. - H. Jacobs sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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