L’Église fait l’Eucharistie, l’Eucharistie aussi fait l’Église. Un paradoxe en sacramentaire

Laurent de Villeroché
Teología - reviewer : Markus Kneer

Ce livre suit la piste d’une « re-théologisation » de la théologie des sacrements qui a été proposée par le Card. Marc Ouellet comme un développement critique de l’approche symbolique contemporaine de la sacramentaire (prôné p. ex. par Karl Rahner, Edward Schillebeeckx et Louis-Marie Chauvet). Il s’agit de prendre le « chemin du symbole » et sa prise en compte du sujet (moderne) au sérieux, mais aussi de mieux l’enraciner « dans l’action du Christ dans l’histoire, en et par son Église » (p. 20). À l’égard de cette tâche, l’A. montre de façon convaincante pourquoi la pensée d’un autre grand théologien du xxe siècle peut être très utile pour promouvoir un tel développement. Il s’agit de la pensée d’Henri de Lubac, à laquelle on doit la redécouverte des aspects sociaux des sacrements. Cette pensée culmine dans la célèbre formule du jésuite qui sert aussi de titre au livre : « L’Église fait l’Eucharistie, l’Eucharistie aussi fait l’Église. » Le premier chapitre démontre que l’adage est devenu une formule pour absolument tout (un « passe-partout », p. 44) et fait le travail très précieux de le mettre dans le contexte de l’œuvre lubacienne, soulignant sa doctrine du Mystère dans ses dimensions historique et sociale. La logique théologique du Mystère se trouve dans la figure de style du « paradoxe » à laquelle le deuxième chapitre est consacré – et qui est, en même temps, la désignation de ce qui est au cœur du réel (p. 104. Voir sur ce thème aussi le livre important de D. Arenz, Paradoxalität als Sakramentalität. Kirche nach der fundamentalen Theologie Henri de Lubacs, Innsbruck, Tyrolia, 2016). Les troisième, quatrième et cinquième chapitres abordent la réception de l’adage lubacien au concile Vatican ii et après (une réception souvent sélective) jusqu’à la « vision globale » (à partir de 2000) qui met en avant l’interaction des deux « faire » de la formule dans « une relation circulaire suggestive » (exhortation apostolique Sacramentum caritatis de 2007). Au lieu d’un schéma qui sépare plutôt l’institution (l’Église) du mystique (les sacrements) le chap. 6 suit le père de Lubac dans son approche mystéro-paradoxale qui voit l’Église croître dans le temps par les sacrements et les sacrements se révéler efficaces grâce à la dimension sociale de l’Église. Le dernier chapitre s’occupe encore une fois du paradoxe : établi comme une figure de pensée authentique de la théologie catholique, il est maintenant visé dans ses capacités mystagogiques pour servir au consentement au Mystère.

Ce livre dense et intelligent montre d’une manière exceptionnelle comment la pensée d’Henri de Lubac peut aider pour approfondir la réflexion théologique sur les sacrements et l’Église dans ce temps de crise de la théologie. Il montre aussi que la théologie peut être une science indépendante qui a ses méthodes de conceptualisation à elle. L’A. nous rappelle que l’Église et les sacrements ne sont pas seulement des objets pour les sciences humaines, mais aussi, et avant tout, pour une réflexion théologique elle-même. — M. Kneer

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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