Ce volume, apparenté aux trois volumes de L'articulation du sens,
rassemble douze contributions données par Jean Ladrière († fin nov.
2007) à l'occasion de diverses rencontres savantes de par le monde
(de Moscou à Rome en passant par Nagasaki et Toronto sans négliger
Louvain) de 1984 à 2000. En cet éventail, nous avons pourtant un
volume où les textes s'organisent avec une cohérence et une
complémentarité qui suscitera l'admiration et permettra de saisir
ce qui secrètement l'anime: ne serait-ce pas l'espérance? Le destin
de la raison (occidentale) qui réfléchit sa propre «eschatologie»
est-il sans liens et sans incidences avec l'eschatologie que la foi
chrétienne annonce comme le «Royaume de Dieu»? Ce serait désespérer
du «sens» autant qu'avouer la faiblesse de la foi. Aussi, Ladrière,
dans les dernières lignes de son Avant-propos, écrit-il
magnifiquement: «De l'espérance vécue dans l'effort de la raison à
l'espérance reçue dans la foi, il y a toute la distance qui sépare,
selon les termes de Pascal, « l'ordre de l'esprit » de
« l'ordre de la charité ». La différence des
« ordres », cependant, n'enlève rien à la signification
de la présence du fait chrétien « dans l'univers de la
rationalité »» (14). La première partie va donc approcher
l'essence de l'«univers de la rationalité» comme contexte
historico-culturel à travers trois approches: l'humanisme
contemporain, la vie du sens, la perspective eschatologique en
philosophie. Ce dernier chapitre est décisif. Il établit le bien
fondé de l'usage du terme d'eschatologie en philosophie «moyennant
une transposition sémantique appropriée» (12), et conduit la double
question de la signification du fait chrétien dans cet univers et
la signification, pour la foi chrétienne, de l'historicité de la
raison elle-même. Cette réflexion éclaire deux dimensions
contemporaines de cette rationalité (la science et la technique) et
un type d'institution où foi chrétienne et exercice de la
rationalité ont pour devoir de se rencontrer (l'université
catholique).
La dernière partie de l'ouvrage proposera trois exercices de «la
foi cherchant la raison»: le statut du langage liturgique, de la
mystique et du thème de l'universalité du salut. Il s'agit de
reconnaître la possible congruence proposée par L. entre «l'horizon
illimité» des diverses entreprises rationnelles et l'historicité
propre de l'annonce chrétienne d'une Fin à partir de laquelle il
est proposé de penser notre «destinée» et celle de la raison. - J.
Burton sj