La prestigieuse et douloureuse figure de l'Abbé Bremond, mort en
1933, à 68 ans, suscite l'intérêt des chercheurs. Après d'autres,
M. Aumont se penche sur l'incomparable auteur de L'Histoire
littéraire du sentiment religieux en France. Elle le fait dans
la perspective ignatienne qui, progressivement, est devenue la
sienne. Durant de longs mois, elle a étudié l'oeuvre bremondienne
pour éclairer peu à peu le «cas Henri Bremond». Elle a été captivée
par le grand oeuvre auquel elle a donné son accord de fond. Mais
arrivée aux pages que Bremond consacre à la spiritualité
ignatienne, elle a été stupéfiée de ses attaques contre
l'ascétisme, le volontarisme, le moralisme d'Ignace et de certains
de ses disciples. Pourquoi pareille incompréhension à l'égard d'un
Ordre où il avait vécu jusqu'en 1904, date à laquelle il en fut
exclu? Pourquoi cette contradiction entre les pages qu'il avait
consacrées aux «fruits mystiques» et ces critiques contre les
moyens qui permettent de ne pas y faire obstacle? L'A. se remit
alors à l'étude de L'Histoire littéraire pour y voir plus
clair. Cette relecture la conduisit de plus en plus à l'homme
Bremond. Avec délicatesse et profondeur elle tente de comprendre la
souffrance, le désarroi et même l'errance désespérante, durant deux
ou trois ans, de celui qui avait vécu 22 années d'activités dans la
Compagnie. Elle découvrit comment, après son exclusion, Bremond
avait pris la direction d'une autre forme de destinée et de mission
qui en fit l'auteur de cet ouvrage unique et un membre de
l'Académie française. Mais M. Aumont, avec une grande empathie, a
perçu les retrouvailles d'Ignace par Bremond au fil de la lecture
que fit celui-ci du Récit du pèlerin. Elle aura réalisé
alors combien Bremond, à ce moment, a revécu ce qu'il avait au
départ accepté, mais qu'il retrouvait dans une splendeur
renouvelée. - H. Jacobs sj