L'existence de M.-S. B. - comme d'ailleurs celle de sa
congrégation, la Société du Sacré-Coeur qu'elle dirigea pendant
près de six décennies et dont l'esprit était plus que proche de
celui des Jésuites - fut loin d'être un long fleuve tranquille.
Ayant reçu une éducation finalement assez soignée notamment du
point de vue intellectuel, elle a 10 ans lorsqu'éclate la
Révolution Française. S'il est toujours délicat de vouloir
attribuer à un événement l'épithète de «tournant», il est
indéniable que cette révolution fut le théâtre de profonds
bouleversements, le catholicisme ayant dû, bon gré mal gré,
s'adapter aux circonstances, et les conséquences du nouvel ordre se
firent longtemps sentir. C'est l'un des premiers mérites de cet
ouvrage: la vie de M.-S.B. est fort bien replacée dans le contexte
général. Ce contexte était d'autant plus important à rappeler que
la place de la femme dans la société fut fortement modifiée par la
législation révolutionnaire, qui eut entre autres répercussions que
la direction d'une congrégation religieuse féminine était tout
autre chose qu'une sinécure. Autre qualité à souligner: il n'y a
nulle idéalisation abusive de l'héroïne de l'ouvrage; on est loin
d'une hagiographie béate qui gomme les traits de tempérament, les
faiblesses, les erreurs, etc. du personnage, fût-elle une sainte;
bien au contraire: on est convié à rencontrer une personne dans
toute la complexité de son humanité.
Si riche que soit l'ouvrage, je ne puis toutefois m'empêcher
d'émettre deux réserves. L'A., qui cite abondamment ses sources -
et c'est tant mieux -, s'étend parfois très longuement sur
certaines situations, et la quantité des détails est telle qu'elle
risque de ci de là d'égarer le lecteur; d'autre part, la touche
«féministe» fort prononcée aura peut-être aussi pour effet d'agacer
de temps à autre. - B.J.