Le jésuite français Patrick C. Goujon nous livre avec pudeur et délicatesse son témoignage d’homme, de religieux et prêtre. Ce récit de libération peut en effet ouvrir une voie à beaucoup d’autres.

Victime pendant plusieurs années d’abus par un prêtre alors qu’il était enfant, l’A. décrit l’épreuve du mutisme dans lequel il s’était enfermé jusqu’à ce que, bien plus tard, son corps se mette à crier. Si la médecine pouvait lui offrir un certain soulagement, les inflammations restaient sans cause perceptible. C’est la prière d’un psaume récité à Rome lors de la visite des fouilles qui conduira l’A. vers « un mystère plus grand que la tombe de saint Pierre » : le « mal me revint en mémoire d’un coup. Mais, rapatriés dans mon histoire, mon corps et mon esprit ne faisaient plus qu’un. » Il fallait « conduire l’enfant à la parole, le laisser sortir de ce qui ne parle pas (infans), l’autoriser à appeler au secours » (p. 24). Cette prise de conscience conduira d’abord vers une forme de déconstruction de l’identité en vue d’une deuxième naissance. L’A. nous entraîne ainsi dans l’expérience de la pâque du Seigneur dans nos vies. Cet accès à la Parole pour libérer la parole empruntera aussi la voix canonique et judiciaire. Il était important que les faits soient reconnus objectivement. Le jésuite exprime sa « joie de dire vrai », mais aussi sa colère face à des attitudes de négation des abus. La reconnaissance et l’objectivation sont en effet des étapes importantes pour la prise de conscience douloureuse des faits et pour apprendre à assumer les séquelles de l’agression. Le travail de vérité reste nécessaire en vue d’un rétablissement stigmatisé. Merci à l’A. pour ce témoignage qui éclaire le vécu des victimes et ceux qui les accompagnent. — M.-L.C.