L'A., professeur de théologie à Strasbourg, relève les
interrogations que suscite la métaphore d'un Dieu qui parle. Il la
soumet à trois critères: cohérence (compatibilité mutuelle entre
différents énoncés); réception dans la communauté concernée;
critère praxéologique (adéquation entre un énoncé et la pratique
qu'il induit). Dieu parle par la création? Mais son
message manque de lisibilité: Vatican II ignore pratiquement la
création extérieure à l'homme; le mouvement écologique ne doit rien
à des initiatives catholiques. Dieu parle par ses témoins?
Mais saint Bernard approuve chaudement la croisade militaire.
Dieu parle dans l'histoire? Mais il reste à concilier la
divine Providence et la Shoah. Dieu parle par la Bible?
Mais le canon juif est différent du nôtre, et il subsiste des
divergences doctrinales entre les Églises chrétiennes. Dieu
parle en son Fils? Mais c'est un Fils qui se tait souvent, et
dont nous ne possédons pas les paroles originelles. Dieu parle
dans l'Église? Mais il existe des discordances dans l'énorme
masse d'énoncés produits par le magistère, et un divorce certain
entre l'enseignement hiérarchique et le comportement de nombre de
fidèles. Conclusion: la parole et l'agir de Dieu ne sont pas
immédiatement perceptibles; nous sommes incapables de concevoir une
parole divine indépendamment de sa réfraction humaine. L'A. nous
invite à abandonner l'idée d'un Dieu bavard et interventionniste,
et à considérer son silence, non comme le signe de notre surdité
spirituelle, mais comme le chiffre de sa radicale altérité. Dieu
crée l'homme comme la mer fait les continents, en se retirant
(Hölderlin); son silence suscite, au souffle de son Esprit, la
créativité de l'homme en parole et en action. Clair, dense,
agréable à lire. Une coquille: Bellarmin n'est pas espagnol. - P.
Detienne, S.J.