Rethinking Religion in India. The colonial conctruction of Hinduism, éd. E. Bloch, M. Keppens et R. Hegde

Col.
Religiones - reviewer : Jacques Scheuer s.j.
Les quinze ou vingt dernières années ont vu se multiplier les remises en cause de la manière dont les Occidentaux (et leurs émules sur d'autres continents) ont abordé l'étude des autres civilisations. Non seulement les relations des missionnaires et des explorateurs, mais la production prétendument scientifique des «orientalistes», occultent les civilisations qu'elles sont censées nous faire connaître: à vrai dire, elles nous révèlent la psyché européenne et son expérience de l'Orient bien plus qu'elles ne nous introduisent à l'intelligence de ces autres mondes. En outre, loin d'illustrer un idéal d'étude objective et d'impartialité scientifique, l'entreprise orientaliste, dénoncée déjà par E.W. Said, n'a-t-elle pas servi d'instrument à l'entreprise coloniale?Dans le domaine du religieux en particulier, à en croire les partisans actuels d'une indispensable «déconstruction», nous avons assisté à la création artificielle d'une série de «-ismes» (hindouisme, bouddhisme, shintoïsme…) qui ne correspondent guère à la réalité du terrain. À propos du cas précis de l'Inde, cet ouvrage collectif permet à quelques-uns des principaux protagonistes dans ce débat «post-colonial» (D.N. Lorenzen, G.A. Oddie, R. King, T. Fitzgerald…) d'exposer leurs critiques plus ou moins radicales. En outre, S.N. Balagangadhara, professeur indien à l'université de Gand, ainsi que quelques-uns de ses collaborateurs et étudiants, faisant un pas de plus, récusent le fait même de considérer l'hindouisme comme une «religion»: cette catégorie, en effet, née dans le cadre du christianisme et de ses rapports avec le judaïsme puis avec l'islam, demeurerait chargée de théologie et serait inapplicable à l'hindouisme (ou plutôt à ce que ce dernier terme cherchait maladroitement à désigner). Curieusement, ce recueil de textes, bien qu'il ait pour point de départ un séminaire organisé à New Delhi, ne fait entendre que deux voix indiennes (celles, au demeurant, d'Indiens enseignant en Europe). Plusieurs des contributions contiennent des critiques éclairantes ainsi que des argumentations serrées et dignes d'intérêt. On pourra regretter cependant qu'elles portent le plus souvent sur des questions (certes légitimes et nécessaires) de méthode et d'épistémologie, laissant peu de place à l'examen de données historiques et socioculturelles concrètes: la «déconstruction» peut-elle être salutaire et convaincante sans proposer au moins quelques ébauches de «reconstruction»? - J. Scheuer sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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