Ce bel et vigoureux ouvrage défend philosophiquement l'Église
devant des accusations de contrarier les ambitions de la raison et
le progrès scientifique (p. 56) ou d'être «pourvoyeuse d'illusions»
(p. 126). Philosophe et enseignant, l'A. montre la crédibilité de
l'Église, disant pourquoi elle n'est plus guère écoutée: le sujet
pensant se met au centre, la volonté supplante la raison, l'orgueil
moderne refuse de dépendre d'une instance supérieure. Le rejet
moderne de la verticalité religieuse (chap. 1) fait voir qu'à
l'instar des religions civiles antiques (p. 17) la Cité se divinise
(p. 28) et met en place des substituts du vrai Dieu - le sport, le
cinéma, la nation (p. 23) ou encore la raison, l'homme universel
(p. 78). Les religions sont appréciées (chap. 2) lorsque, comme
selon John Hick, «elles détournent de l'égocentrisme, le vrai
péché» (p. 40-41). Discréditée dès qu'elle veut faire grandir
(chap. 3), l'Église s'immisce, dit-on, dans une sphère qui n'est
pas la sienne. Or la nature divine de l'Église (chap. 4) et la
rationalité de son message (chap. 5) fondent «la convenance de
l'Église» (chap. 6 et 7), qui défend les valeurs incontournables de
la vie en société (p. 174).
D'inspiration thomiste, l'ouvrage réhabilite la connaissance comme
capable d'accueillir le sens, de dire le réel et de nommer Dieu. Il
montre l'intérêt pour le politique de rester à l'écoute de l'Église
comme d'une instance qui peut contribuer au bien commun, n'étant
idéalement mue en définitive que par un principe qui échappe à
toute pression humaine (chap. 7). Dans sa claire ouverture
apologétique, l'ouvrage semble en quelque sorte surtout apte à
conforter les catholiques dans la légitimité de l'enseignement
ecclésial; mais il pourra stimuler la réflexion de tous, en ne
craignant pas le choc des idées. - Th. Monfils sj