«Il n'existe guère… d'études de la question du bonheur qui lui soit
comparable. Sans doute Aristote a-t-il fourni les bases du traité
du bonheur dans son Éthique à Nicomaque... Mais Thomas a
dépassé son maître en complétant sa doctrine par d'autres
traditions: l'enseignement de l'Écriture d'abord, concentré dans
les béatitudes évangéliques…, le commentaire de ces béatitudes par
saint Augustin qui exprime l'expérience chrétienne et intègre la
réflexion de Cicéron. Mentionnons encore l'apport important de
Boëce et de Denys l'Aréopagite, puis le patient travail de la
scolastique depuis Pierre Lombard» (p. 5). Les notes explicatives
de S.P. ont comme premier mérite de citer, traduire et commenter
ces innombrables références, brèves ou allusives, de saint Thomas.
Ces notes articulent aussi avec précision les questions, articles
et réponses de ce traité, trop monumental pour ne pas avoir été
négligé par les moralistes. L'oeuvre de S. P. (qui avait déjà dans
les années soixante renouvelé le commentaire du traité des actes
humains, Ia-IIae q. 6-18, dans la même collection) aura
été de reconduire la théologie morale à son premier et dernier mot,
la béatitude. Les «renseignements techniques» démontrent son
importance dans les oeuvres de saint Thomas comme dans l'histoire
de la théologie morale. Elle fait comprendre la trop ancienne
réduction de la béatitude à l'utile ou à l'agréable par oubli de la
finalité, la protestation kantienne contre cet «eudémonisme», les
impasses des «téléologismes» ou «proportionnalismes ». Elle
rappelle la haute exigence naturellement inscrite dans l'agir
humain: «le bonheur dès à présent», donc voir Dieu. La traduction
respecte strictement la rigueur technique de l'Aquinate. Quelques
lignes du texte latin manquent p. 97. Les notes bibliographiques,
les tables analytiques et celle des auteurs cités font de l'ouvrage
un instrument agréable autant qu'une référence obligée. - A.
Chapelle, S.J.