Les marchands ou les missionnaires européens du xvii^e siècle appelaient « talapoins » les moines bouddhistes du Siam, pays aujourd’hui connu sous le nom de Thaïlande. Bien que de nombreuses études aient été consacrées aux tentatives d’évangélisation de l’Asie du Sud-Est, la figure de Louis Laneau, prêtre de la Société des Missions étrangères de Paris, demeurait jusqu’ici dans la pénombre. Envoyé vers l’Asie lointaine à l’âge de 24 ans, Laneau est une figure toute en contrastes. De tempérament discret, effacé, peu apte au gouvernement, il sera bientôt évêque et un temps responsable des missions de tout l’Extrême-Orient. Pour apprendre la langue et comprendre la culture du Siam, il n’hésite pas à faire des séjours prolongés chez des moines bouddhistes ; il en tirera un dialogue, certes apologétique, mais remarquablement informé pour l’époque : Rencontre avec un sage bouddhiste (voir NRT 122, p. 322, 2000).

Son zèle apostolique et sa profonde spiritualité se heurtent cependant bientôt à une série d’obstacles : la résistance culturelle et spirituelle d’une société profondément bouddhiste, le petit nombre de missionnaires, les rivalités entre ordres religieux et entre nationalités, l’éternel conflit entre les partisans du Padroado portugais et ceux qui suivent les directives de la Congrégation romaine pour la Propagation de la foi. À cela s’ajoutent les entreprises commerciales et coloniales de la France et d’autres puissances européennes ainsi que les manœuvres inspirées par les ambitions ou les inimitiés personnelles. Illustrée de nombreuses citations tirées des correspondances, mémoires et rapports rédigés par divers protagonistes (mais exclusivement en langue française), cette biographie prête une égale attention à l’écheveau complexe des événements historiques et à l’itinéraire intérieur du vicaire apostolique. La carrière de Laneau s’y déroule comme une « tragédie en trois actes » : le jeune missionnaire plein de zèle, le vicaire apostolique submergé par les tourbillons de la politique, le maître spirituel auréolé d’un halo de sainteté. — J. Scheuer s.j.