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Girard lit Isaïe, le bouquin émissaire ...

Dominique Janthial
René Girard est un fin lecteur de l’Écriture où il trouve la source première de son inspiration. Bien qu’il eût identifié le « Livre de la Consolation d’Israël, [comme] le plus grandiose peut-être de tous les livres prophétiques », Girard ne put malheureusement surmonter le scandale de la division d’Isaïe en trois entités distinctes pour découvrir dans une lecture unifiée du livre une confirmation magistrale de sa thèse.

Au journaliste Michel Tréguer qui lui demande s’il est prophète, René Girard répond : « Absolument pas. Je ne suis qu’une espèce d’exégète »1. Effectivement, Girard est de cette « espèce » d’exégètes — qu’on aimerait plus répandue — qui éclairent le sens des textes bibliques au lieu de l’obscurcir. Cependant, possédant peu de grec, et encore moins d’hébreu, Girard est pour une part dépendant des exégètes professionnels, au moins sur le plan linguistique. Cela ne l’empêche pas de pratiquer l’interprétation des textes avec une audace hors du commun, renouant avec l’exégèse allégorique de l’Ancien Testament qu’il appelle, par référence à E. Auerbach, « interprétation figurale »2. Il justifie cette approche à partir de la théorie mimétique par l’identité du phénomène anthropologique, révélé, par exemple, entre le cycle de Joseph (Gn 37-50) et la Passion du Christ. « Les exégètes médiévaux ne pouvaient pas savoir à quel point ils avaient raison de voir dans les grandes figures de l’Ancien Testament des préfigurations et des annonces du Christ lui-même. Ils ne pouvaient pas justifier une intuition qui, par la suite, a été rejetée comme pur radotage par la recherche rationaliste et moderne, alors qu’en réalité, si incomplète soit-elle, elle va très au-delà de tout ce que la critique moderne nous a jamais proposé. »3

Malgré cette audace exégétique et la liberté dont Girard fait preuve dans toute son œuvre par rapport au consensus scientifique du moment, notre auteur a été entravé dans son interprétation d’Isaïe par le diktat qui, depuis Duhm et ses épigones, a dépecé le livre en trois. Bien qu’il considère le « Livre de la Consolation d’Israël [comme] le plus grandiose peut-être de tous les livres prophétiques »4, il ne lui consacre que quelques pages dans toute son œuvre … alors qu’il va produire une étude exégétique complète sur le livre de Job5.

Après avoir examiné de quelle manière Girard lit Isaïe, nous aimerions montrer brièvement combien la lecture du livre dans son unité peut apporter une confirmation magistrale à la thèse girardienne. Nous terminerons en évoquant la réalité du « texte émissaire » du livre d’Isaïe.

I Des choses cachées

Si René Girard dit de lui-même qu’il est une « espèce d’exégète », ses lecteurs ne purent s’en apercevoir que tardivement, avec la parution, en 1978, alors qu’il avait 55 ans, de son livre Des choses cachées depuis la fondation du monde. Les raisons n’en sont pas complètement éclairées, malgré plusieurs entretiens à teneur autobiographique publiés depuis une quinzaine d’années : s’agissait-il, en occultant l’origine évangélique de la théorie mimétique, de faciliter son accueil par le milieu scientifique et ainsi d’en préserver la force apologétique contre le relativisme ? C’est ce qu’il semble indiquer en avouant que la rédaction de Des choses cachées … fut commencée dès 1971, avant même la publication de La violence et le sacré6. Ce premier essai aurait donc constitué un exposé dont le texte judéo-chrétien aurait été expulsé à dessein pour en assurer la recevabilité dans le sérail des anthropologues. Mais il se peut aussi que la conscience qu’eut Girard de l’ancrage de sa théorie dans la Révélation soit elle-même tardive : « Dans La violence et le sacré, où j’aborde la théorie mimétique au chapitre VI, je la regarde encore comme mon invention propre »7.

En fait, les onze années qui séparent la publication de Mensonge romantique et vérité romanesque de celle de La violence et le sacré s’expliquent surtout par le passage que fit Girard, en autodidacte, de la littérature à l’anthropologie8. Si bien que lorsqu’il lit et interprète la Bible au point d’y découvrir sa principale source d’inspiration, il le fait en critique littéraire et en anthropologue. En ce qui concerne les informations extérieures au texte (auteur, datation, délimitation des péricopes), Girard reste, pour une large part, dépendant des conclusions exégétiques de l’époque9. Il aborde pourtant l’Écriture avec une confiance dont les raisons sont données en prélude à la partie consacrée au texte judéo-chrétien dans Des choses … : « [Dans ce texte], il n’y a rien de dissimulé. Il n’y a aucune dimension cachée que l’interprète devrait péniblement retrouver. Tout est parfaitement transparent »10.

Il commence par relever les ressemblances entre les récits bibliques et la mythologie mondiale. Il s’attache ensuite à définir ce qu’il y a de singulier « dans le traitement biblique » des mythes. Parcourant alors l’histoire de Caïn, puis celle de Joseph, survolant l’Exode, il conclut à propos des deux premiers livres du Pentateuque : « Si nous n’avions que ces textes-là, nous ne pourrions pas affirmer la singularité radicale de la Bible face aux mythologies de la planète entière »11.

C’est donc chez les prophètes, et singulièrement dans « les quatre Chants du Serviteur de Yahvé intercalés dans la seconde partie d’Isaïe », que Girard repère la quintessence de l’originalité biblique révélant « ces choses cachées depuis la fondation du monde », c’est-à-dire le meurtre originel d’une victime innocente. L’émergence du prophétisme est une réponse à une « vaste crise de la société hébraïque … un épuisement du système sacrificiel, une dissolution conflictuelle de l’ordre traditionnel … Le Serviteur apparaît dans le contexte de [cette] crise pour [la] résoudre »12. Par une série de trois citations, toutes tirées du IVe chant (Is 52,13-53,12), Girard relève les différents traits qui font du Serviteur l’exemple type de la victime émissaire : stigmates sacrificiels (v. 2-3), substitution (v. 6), dimension à la fois spontanée et légale de sa mise à mort (v. 8-9). La singularité du texte biblique ressort, selon lui, du fait que l’innocence de la victime est affirmée par le v. 4, même si c’est de manière indirecte. Il y aurait cependant une imperfection (attribuable à « la conception de la divinité dans l’Ancien Testament ») dans cette révélation du mécanisme fondateur : l’ambiguïté du rôle de Dieu, tantôt innocenté de la violence, tantôt présenté comme le principal auteur de la persécution : « Yahvé s’est plu à l’écraser par la souffrance » (v. 10a)13.

Cette limite présumée du texte prophétique, pourtant « le plus grandiose », permet à Girard de passer sans plus tarder aux textes évangéliques qui « achèvent ce que l’Ancien Testament laisse inachevé ». Mais la prétendue « ambiguïté » divine n’est pas le seul élément qui manquerait à la révélation du mécanisme fondateur dans l’analyse que nous livre Girard à ce stade. Il place aussi l’étape de la crise mimétique hors du texte, dans cette « vaste crise de la société hébraïque » que l’on peine toutefois à situer dans la chronologie biblique14. De manière surprenante, après 122 pages, Girard conclut la partie concernant « l’écriture judéo-chrétienne » par une longue citation du « Deutéro-Isaïe » (40,3-8) « dans l’anglais de la King James Version » !

II Un grand arc de cercle dans le Second Isaïe

Excepté l’une ou l’autre citation indirecte du livre d’Isaïe dans Le Bouc émissaire15, il faudra attendre 1999, soit vingt ans, pour que notre auteur revienne au livre du prophète dans Je vois Satan tomber comme l’éclair. Le passage d’Is 40, curieusement mis à l’honneur dans Des choses … va, cette fois, être invoqué comme description intra-textuelle de la crise mimétique : « Que toute vallée soit comblée, toute montagne et toute colline abaissées, que tout précipice se transforme en plaine et tout escarpement en vallée » (Is 40,4). Girard écarte l’interprétation des « exégètes modernes » qui voient dans cet aplatissement universel « une allusion à la construction d’une route pour Cyrus ». Car, écrit-il, le texte fait de cet aplatissement une affaire « si grandiose, qu’en limiter la portée à la construction même d’une très grande route pour le plus grand des monarques paraît un peu mesquin, un peu étriqué ». Le nivellement que décrit le chapitre 40 est une représentation imagée de l’indifférenciation croissante qui constitue au sein d’un groupe social la première étape d’une crise mimétique. « De même que les roches se transforment en sable, le peuple se transforme en une masse amorphe incapable d’entendre la voix qui crie dans le désert, toujours prête en revanche à rogner les hauteurs et à ensabler les profondeurs, pour rester à la surface de toutes choses, pour rejeter la grandeur et la vérité ».

Pour inquiétante qu’elle puisse être, cette étape d’indifférenciation est néanmoins une bonne nouvelle car elle représente le prélude à une révélation décisive : « Alors la gloire de YHWH se révèlera et toute chair verra que c’est YHWH qui a parlé » (Is 40,5). Cette révélation, dit Girard, se fait à l’occasion du « meurtre collectif qui met fin à la crise, le meurtre du Serviteur souffrant »16. L’anthropologue prône dès lors une lecture synchronique du texte : « Pour bien comprendre le Second Isaïe, il faut tracer un grand arc de cercle qui jaillit de l’aplatissement initial, de l’indifférenciation violente, pour retomber, dans les chapitres 52 et 53, dans le récit de la mort violente du Serviteur. Cet arc de cercle relie, en somme, la description de la crise mimétique à la conséquence majeure de cette crise, le lynchage du Serviteur souffrant »17.

Nous ne nous attarderons pas sur cette interprétation du début du chapitre 40 qui nous paraît difficilement tenable. Qu’il nous suffise d’évoquer un texte similaire du livre de Baruch où l’aplanissement est présenté comme l’œuvre de YHWH lui-même : « Car Dieu a ordonné que toute haute montagne soit abaissée, ainsi que les dunes sans fin ; il a fait combler les ravins pour que la terre soit aplanie et qu’Israël puisse avancer d’un pas assuré, dans la gloire de Dieu » (Ba 5,7). En fait, Girard produit cette interprétation poussé par la nécessité de repérer l’étape de la crise mimétique à l’intérieur du « Deutéro-Isaïe » (Is 40-55) ! En dépit de son audace coutumière, il n’a pas osé franchir la frontière établie par les vénérables exégètes entre les chapitres 39 et 40, tant il est vraisemblable qu’ils devaient l’impressionner davantage que les ethnologues et anthropologues auxquels il n’a cessé de se confronter durant toute sa carrière.

III Des yeux pour ne pas voir

Une des allusions à Isaïe, parmi les très rares qui subsistent dans Le Bouc émissaire, suggère que, d’une certaine manière, Girard a vu sans voir. C’est à propos de l’usage que Jésus fait des paraboles : « À vous le mystère du Royaume de Dieu a été donné ; mais à ceux-là qui sont dehors tout arrive en paraboles, afin qu’ils aient beau voir et n’aperçoivent pas, qu’ils aient beau entendre et ne comprennent pas de peur qu’ils ne se convertissent » (Mc 4,11-12). La mise en italiques de la citation est faite par l’auteur lui-même pour indiquer qu’il s’agit d’Is 6,9-1018. Mais l’investigation s’arrête là. Ceci est d’autant plus surprenant que, dans le même ouvrage, il souligne la nature inconsciente de l’emballement mimétique qui se prolonge dans la méconnaissance de l’origine violente du consensus social : « Sans cette inconscience, qui ne fait qu’une avec leur croyance sincère en la culpabilité de leur victime, les persécuteurs ne se laisseraient pas enfermer dans la représentation persécutrice. Il y a là une prison dont ils ne voient pas les murs, une servitude d’autant plus totale qu’elle se prend pour liberté, un aveuglement qui se croit perspicacité »19.

La méconnaissance est en fait un concept central dans la théorie mimétique. « L’idée de René Girard est qu’aucune culture n’aurait pu surgir ni durer sans méconnaissance, c’est-à-dire sans une interprétation partielle, mais partiale de ses fondements … René Girard … révèle un savoir qui est à notre disposition depuis longtemps, qui constitue le fil directeur de notre histoire mais dont nous avons été empêchés de disposer par une sorte de cécité particulière (‘ils ont des yeux pour ne pas voir’) : la méconnaissance »20.

La méconnaissance est donc un phénomène collectif davantage qu’individuel (au contraire de « l’inconscient » freudien). Dans le processus du bouc émissaire, la « méconnaissance permet à chacun de garder l’illusion que la victime est réellement coupable et, par là même, mérite d’être punie », puis elle se prolonge dans les rites et les mythes qui fondent l’ordre social21. Or la compréhension de ce mécanisme permet de jeter une nouvelle lumière sur un aspect demeuré largement obscur dans la vocation prophétique telle que le livre d’Isaïe la décrit en son sixième chapitre. Cette lumière se répand ensuite de proche en proche sur l’ensemble du livre.

IV La vision dans le Temple et la constitution d’un témoignage (Is 6-8)

1 « Ha‘am hazzeh »

Partons de ces versets qui décrivent ce qu’il est convenu d’appeler la mission d’endurcissement du prophète : « Et il (YHWH) dit : va et tu diras à ce peuple : “Écoutez de toute votre écoute et ne discernez pas et voyez de toute votre vue et ne connaissez pas ! Engraisse le cœur de ce peuple, alourdis ses oreilles et ses yeux, aveugle-le de peur qu’il voie de ses yeux et que de ses oreilles il entende et que son cœur discerne, et qu’ainsi, il se convertisse et soit guéri” » (Is 6,9-10). Dans son article « Le motif de l’endurcissement et la lecture d’Isaïe », Jean-Pierre Sonnet s’était particulièrement intéressé à la fonction particulière que joue le syntagme « à ce peuple » (la‘am hazzeh) dans le passage que nous venons de citer et dans la suite du texte. Sonnet précisait notamment que le mot « ‘am » (peuple) pouvait être employé dans un sens « nondéterminé (au sens de “foule”, “gens”), désignant un rassemblement fortuit de personnes » ; il mentionnait à l’appui de cet usage le verset Dt 13,10 …22.

L’exemple choisi est déjà particulièrement intéressant, car il s’agit de la loi sur la lapidation dans le cas particulier du scandale idolâtrique : « Si ton frère (…) cherche à te séduire en disant : “Allons servir d’autres dieux”(…), tu devras le tuer, ta main sera sur lui en premier pour le faire mourir et la main de tout le peuple en dernier » (Dt 13,7 …10)23. Mais d’autres occurrences du syntagme « ha‘am hazzeh » confirment que c’est effectivement le terme dont la Bible se sert pour désigner « la foule » dans le rôle très particulier que lui assigne la théorie mimétique. Il s’agit en premier lieu de l’épisode de Massa et Meriba : « Moïse cria vers YHWH en disant : “Que ferai-je pour ce peuple (la ‘am hazzeh) ? Encore un peu et ils me lapideront” » (Ex 17,4).

Il y a encore l’épisode du veau d’or où le syntagme joue un rôle très particulier dans le fonctionnement du récit. Dès le premier verset, le peuple (ha ‘am) est distingué de Moïse. Celui-ci est désigné, de manière très inhabituelle, par l’expression « ce Moïse » (zeh Moshé) : « Et le peuple vit que Moïse tardait à descendre de la montagne, et le peuple s’assembla contre Aaron et lui dit : “Debout ! Fais-nous un dieu qui aille devant nous car zeh Moshé, l’homme qui nous a fait monter du pays d’Égypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé” ». Dans une perspective girardienne, ce verset est relativement transparent : tous les éléments sont là, il suffit de les remettre en ordre. Ce qui a failli se produire à Massa se réalise sous nos yeux : la foule s’attroupe, désigne zeh Moshé comme coupable (l’usage du démonstratif zeh pointe d’un doigt accusateur), le fait disparaître, puis produit une nouvelle divinité. Le processus est marqué par la méconnaissance qu’exprime la foule : « Nous ne savons pas ce qui lui est arrivé ! ». Le nouveau dieu est bien la victime elle-même puisque, désignant collectivement la statue du veau, « ils dirent : “Voici ton Dieu, Israël, celui qui t’a fait monter du pays d’Égypte” » (v. 4). YHWH insiste sur cette substitution lorsqu’il invite Moïse à descendre : « Ils lui ont offert des sacrifices et ils ont dit : “Voici ton Dieu, Israël, celui qui t’a fait monter du pays d’Égypte” ». Puis le Seigneur reprend à son compte la distinction du premier verset entre « ce peuple » (la‘am hazzeh) et Moïse, à ceci près que Moïse est innocenté — le zeh désigne maintenant le peuple coupable (v. 8-10). S’ensuit la prière de Moïse qui, en tant que victime, est le seul à pouvoir apaiser le courroux divin. Puis Moïse descend avec les tables du Témoignage écrites de la main de Dieu — quel peut être ce « témoignage » sinon celui que Dieu apporte à l’innocence de la victime ? — mais, constatant que le peuple ne peut les recevoir dans le contexte idolâtrique où il se vautre, Moïse les brise et fait boire aux fils d’Israël le veau réduit en poudre. L’examen de ce premier récit du veau d’or devrait suffire à montrer que le syntagme ha‘am hazzeh désigne bien dans ce cas (comme en Ex 17,4) la « foule » en crise mimétique24.

2 Signification de la mission d’endurcissement

La question se pose maintenant de savoir si cet usage est d’application en Is 6. Notons qu’il importe peu pour notre recherche que « ha‘am hazzeh » désigne la populace ou les autorités puisque celles-ci sont l’émanation de celle-là lorsque l’ordre se rétablit après résolution de la crise mimétique. Il semble en effet que le cœur de la vision dans le temple est la perception par le voyant de la radicale insuffisance des autorités humaines qu’indique le contraste entre la mention de « la mort du roi Ozias » et la vision du « Roi, YHWH des armées ». Pris du milieu « d’un peuple aux lèvres impures », le voyant est passé par l’épreuve du feu qui non seulement a purifié ses lèvres pour l’autoriser à parler mais le rend idoine pour la mission que le Seigneur lui confie. En quoi consiste cette mission ? Il s’agit pour le voyant de faire face à ha‘am hazzeh avec pour conséquence inévitable son auto-désignation comme victime émissaire et, comme effet induit, l’endurcissement ou « méconnaissance » que génère le processus victimaire. Le côté vaguement magique de cette mission — comme si le voyant devait jeter un sort à « ce peuple » — ne doit pas nous tromper. Ce n’est que le reflet des accusations portées contre la victime de détenir des pouvoirs maléfiques.

La théorie girardienne permet aussi d’expliquer la réponse donnée par le Seigneur quant au terme de l’endurcissement : « Jusqu’à ce que les villes soient détruites et dépeuplées, les maisons dépeuplées … ». En effet, si la « méconnaissance » constitue la fondation de l’ordre sociétal, la fin de l’endurcissement coïncide nécessairement avec la révélation de la vraie nature de cet ordre, ce qui provoque une destruction « apocalyptique ». Le dernier verset résume en une formule ramassée le cycle par lequel l’ordre sacré naît d’un meurtre fondateur : « Comme le chêne et comme le térébinthe (ces grands arbres sont connus pour leur rôle dans le culte des idoles — cf. Is 1,30 et Os 4,13) … qui renferment un tombeau, son tombeau est une semence sainte »25. Néanmoins, par-delà l’indéfini des répétitions de ce processus, un espoir est discernable car la « semence sainte » ne fait pas uniquement référence à la fausse transcendance des victimes divinisées, elle pointe aussi vers celui que les séraphins proclament trois fois saint.

3 Terreur, scandale et témoignage (Is 8)

Tout l’enjeu de la mission du voyant consiste à proposer le chemin de la vraie sainteté, celle de YHWH. C’est ainsi qu’il l’exprime au chapitre 8 : « Oui, ainsi m’a parlé YHWH quand sa main m’a saisi et qu’il m’a enjoint de ne pas suivre le chemin de ce peuple (ha‘am hazzeh) : Vous n’appellerez pas “conspiration” tout ce que ce peuple (ha‘am hazzeh) appelle “conspiration”. Vous ne craindrez pas ce qu’il craint et qui le terrorise. C’est YHWH des armées que vous sanctifierez, que ce soit lui votre crainte et votre terreur ». Les choses ne pourraient être dites plus clairement. Dans un climat de « terreur » — terreur à la fois subie et communiquée par la foule « paniquée » — le prophète est invité à prendre un autre chemin, celui de la crainte de YHWH. Et aussitôt l’injonction qui lui est faite s’élargit en une invitation plus large, formulée à la deuxième personne du pluriel. C’est, pourrait-on dire, la vocation d’un « groupe du nous » appelé à se dissocier de la foule qui se rassemble au bruit d’une « conspiration », toute prête à en désigner les auteurs comme victimes émissaires pour apaiser sa terreur26.

Dans ce paragraphe, YHWH s’offre très clairement en substitution de celui qui, prétendument, terrorise ha ‘am hazzeh. Il s’offre comme « scandale » au sens très précis que revêt ce terme dans la théorie mimétique. C’est exactement ce qui est dit au v. 14 : « Il sera un sanctuaire et une pierre d’achoppement et un rocher de scandale pour les deux maisons d’Israël ». Il ne faut pas se tromper sur cette offre « scandaleuse » car elle s’exprime dans le langage de l’ironie prophétique qui pousse à bout la logique de l’auditeur pour lui en faire découvrir l’absurdité. Cette ironie est présente, comme une sorte de maïeutique, à de nombreux endroits du livre d’Isaïe usant de toutes les ressources de la comparaison, de l’allitération et du jeu de mot — comme, par exemple, au chapitre 2 où nous retrouvons d’ailleurs une thématique très voisine : « En ce jour-là, l’humain jettera ses idoles d’argent et ses idoles d’or, qu’il avait faites pour se prosterner, aux taupes et aux chauves-souris, il entrera dans les trous des rochers, dans les fissures du roc, devant la crainte de YHWH et l’éclat de sa majesté quand il se lève pour terrifier la terre — la‘aroç ha’areç » (2,20-21). Dans ces versets, l’ironie joue sur les deux dimensions mentale et physique de la prosternation, acte par lequel l’homme exprime sa crainte en se rapprochant de la terre. Ces deux dimensions sont rassemblées dans l’assonance :’areç/‘araç (terre/terreur). Le prophète interpelle donc l’idolâtre en lui disant en substance : « vous voulez craindre, vous prosterner, Dieu va vous terrifier et vous vous enterrerez ! ». Mais il faut bien comprendre que ce langage (comme celui des paraboles) s’adresse à ceux qui ont des yeux pour ne pas voir et des oreilles pour ne point entendre, c’est à dire « Ha‘am hazzeh »27.

Le « groupe du nous » et les disciples sont invités à se dissocier de ces gens-là pour témoigner de l’innocence de celui qui s’offre ainsi en victime émissaire : « Enferme le témoignage, scelle l’instruction dans mes disciples » (Is 8,16). Le caractère surprenant, maintes fois relevé, de l’expression « dans mes disciples » s’explique par le fait que le témoignage dont il s’agit n’est pas extérieur aux disciples : témoigner de l’innocence de la victime émissaire, c’est en effet s’exposer soi-même à l’ire de la foule. Le « groupe du nous » se dissociera effectivement de « Ha‘am hazzeh » puisqu’il confessera son aveuglement dans le IVe chant du Serviteur : « nous l’estimions touché, frappé par Dieu et humilié » (53,4). Pour voir cela, il faut donc tracer un grand arc de cercle non seulement dans le « Second » Isaïe mais dans le livre d’Isaïe tout entier : la barrière présumée infranchissable entre les chapitres 39 et 40 fut l’obstacle qui scandalisa René Girard, l’amenant à donner une interprétation « scandaleuse » du fameux verset 14 : « L’Ancien Testament présente cette pierre d’achoppement comme posée par YHWH lui-même »28.

V Isaïe lit Girard ?

1 Nécessaire conversion

Avant de revenir sur l’exclusion qui frappait jusqu’il y a peu — et même chez Girard — le livre « émissaire » d’Isaïe, il faut suggérer, de manière ici nécessairement lacunaire, comment une lecture du livre dans son ensemble vient confirmer la vision girardienne. Cela concerne d’abord — nous venons de le voir — le motif de l’endurcissement dont plusieurs auteurs, à la suite de Jean-Pierre Sonnet, ont repéré l’opérativité. La thématique de la perception et de la non-perception, présente dès le premier mot du livre (« vision » !), court tout au long des soixante-six chapitres et constitue l’un des fils rouges qui en permet la lecture « comme un livre »29. L’interprétation de l’endurcissement comme « méconnaissance » selon la théorie mimétique explique le paradoxal « contrat de lecture » qui « interdit au lecteur tout accès immédiat, à partir de son savoir-lire, à l’intelligence de la révélation », de même que, dans le drame mis en scène par le livre, « la sagesse de cour tourne à vide »30. On touche à la nécessaire connivence du langage avec les structures oppressives. Le passage de l’endurcissement à la perception demande une conversion radicale dont Girard parle comme du « retournement d’un gant ».

2 Apocalypse : « Les sourds entendront les paroles du livre »

Au lecteur attentif, les derniers chapitres de la première partie du livre (24-33) s’annoncent d’entrée de jeu comme une apocalypse. En effet, le premier verset du chapitre 24 nous montre les « habitants » dispersés et la « terre » dévastée par YHWH, ce qui laisse pressentir le terme de l’endurcissement fixé par Dieu au chapitre 6 : « les villes dévastées sans habitants, les maisons sans personne, la terre dévastée et désolée » (6,11). La LXX ne s’y trompe pas. Elle traduit ce verset en suggérant que la face de la terre sera « dévoilée » (anakalupsei). Le contexte est le même que celui de la vision dans le temple au chapitre 6 où le prophète s’écrie : « malheur à moi » (24,16, cf. 6,5), tandis que YHWH Sabbaot « est roi sur la montagne de Sion à Jérusalem » (24,23, cf. 6,1-3). L’opposition de deux cités structure cette apocalypse et la destruction de la cité du néant révèle alors ses fondements : « la terre laissera paraître le sang, elle cessera de dissimuler les victimes » (26,21).

Ainsi l’endurcissement peut être compris comme une « méconnaissance » au sens girardien par rapport à ces fondements sanguinaires. Cela s’éclaire au chapitre 29 (Is 29,18.20-22) :

18 En ce jour-là, les sourds entendront les paroles du livre. Quant aux aveugles, sortant de l’obscurité et des ténèbres, leurs yeux verront.

20 Ceux qui gouvernent par la terreur (‘ariç) sont finis, les moqueurs disparaissent, et les malfaiteurs sont retranchés,

21 ceux qui font condamner quelqu’un par leur témoignage, qui faussent les débats du tribunal et entraînent le juste dans le Tohu.

22 C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur, Dieu de la maison de Jacob, lui qui a racheté Abraham : Désormais Jacob n’aura plus de honte et son visage ne pâlira plus.

La démystification consécutive à la révélation provoque la fin d’un ordre social fondé sur la terreur. On retrouve le terme technique « ‘ariç » qui caractérise la « terreur » d’origine religieuse mais appliqué ici aux gouvernants et aux juges. Ces derniers sont associés dans le même verset aux moqueurs et aux malfaiteurs : c’est donc tous les acteurs de la violence mimétique qui sont rassemblés. Ce sont eux qui « font pécher » par leur parole (mahati’ey adam bedavar) et « entraînent le juste » dans le Tohu : tout ceci décrit adéquatement le processus du scandale mimétique. L’usage du mot « Tohu » est particulièrement précis, puisque l’accusation portée contre la victime émissaire est typiquement celle d’avoir causé le retour au chaos en transgressant les règles sacrées de la construction sociale. De la destruction de l’ordre mimétique résulte logiquement la fin de la honte (v. 22), « sentiment mimétique » par excellence31.

3 Vers la fin de la violence …

Mais par-delà le motif de la « méconnaissance », c’est tout l’ordre politique et sacrificiel qui est révélé lorsque le livre d’Isaïe est lu « comme un livre », avec l’éclairage girardien. La vision inaugurale (2,1-5) fixe clairement l’objectif : une transmutation de la violence « dans l’après des jours » grâce à la parole de YHWH : « Martelant leurs épées, ils en feront des socs … ». Que le roi soit impie comme Achaz ou juste comme Ézéchias, la monarchie davidique se montre incapable de réaliser cet objectif. À cet égard, seule la prise de conscience des graves conséquences du comportement mimétique peut expliquer la sévérité de la déclaration prophétique faite à Ézéchias. En montrant aux ambassadeurs de Babylone « tout ce qu’il y a dans sa maison », Ézéchias suscite la convoitise de ses hôtes, enclenchant une rivalité mimétique dont les effets désastreux aboutiront à la ruine de Jérusalem un peu plus d’un siècle plus tard. L’analyse que fait Girard de l’institution monarchique comme résultant d’un lynchage différé32 permet en outre de comprendre pourquoi la figure du Serviteur se substitue à celle du roi dans la deuxième partie du livre : il n’y a pas d’alternative33. Le côté abrupt et, disons-le, « scandaleux » de la rupture entre les chapitres 39 et 40 pourrait aussi s’expliquer par cette absence d’alternative : le passage des « choses anciennes » aux « choses nouvelles » ne peut se faire qu’au prix d’un bouleversement total. Il y aurait dans cette ligne une nouvelle vision d’Isaïe qui mériterait une étude beaucoup plus fouillée que ces quelques notes apéritives. Pour l’heure, et en guise de conclusion, nous formulerons quelques réflexions sur la réalité du livre d’Isaïe comme « texte émissaire »34.

Conclusion : le bouquin émissaire

Parmi « les obstacles rusés que dresse [l’esprit humain] contre la révélation », Girard avait repéré sans peine que le plus subtil était de s’attaquer au texte lui-même et de l’expulser comme un « texte émissaire » : « Il reste une dernière ruse, il reste une dernière victime, et c’est le texte lui-même … »35. Le processus est clairement explicité : il s’agit des « interprétations restrictives qu’on a toujours données [du texte], et d’abord, bien sûr, des interprétations qui en limitent l’application à [ses] destinataires immédiats »36. Ainsi la révélation universelle qu’il contient est rendue inaccessible. Cependant, lorsqu’il décrit un tel phénomène, Girard ne se réfère en fait qu’au texte évangélique sans voir que cela est également valable pour ce qu’il appelle « le plus grandiose peut-être de tous les livres prophétiques ». La ruse est d’ailleurs plus subtile encore car elle sape la révélation dans ses fondements. Le livre d’Isaïe dépecé en trois parties distinctes attribuables à trois époques différentes, voilà la victime qui gisait devant ses yeux sans que sa perspicacité hors du commun ne l’ait identifiée37

Notes de bas de page

  • 1 R. Girard, Quand ces choses commenceront, Paris, Arléa, Le Seuil (diffusion), 1994, p. 223.

  • 2 E. Auerbach, critique littéraire juif allemand, explore également le concept de Mimésis, abondamment exploité par Girard (E. Auerbach, « Figura », dans Neue Dante Studien, Istanbul, 1944 ; Id, Mimesis. Dargestellte Wirklichkeit in der abendländischen Literatur, Bern, A. Francke, 1946).

  • 3 R. Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde, Paris, Grasset, 1978, p. 298.

  • 4 Ibid., p. 179.

  • 5 Id, La route antique des hommes pervers, Paris, Grasset, 1985.

  • 6 Id, Les origines de la culture, Paris, Hachette-Littératures, 2004, p. 50.

  • 7 Id, Celui par qui le scandale arrive, Paris, Hachette-Littératures, 2001, p. 86.

  • 8 Id, Les origines … (cité supra n. 6), p. 35.

  • 9 On trouve ça et là des références proprement exégétiques comme l’allusion à la théorie des sources du Pentateuque (élohiste, yahviste, …) à propos de l’histoire de Joseph (Cf. Id, Des choses … [cité supra n. 3], p. 175).

  • 10 Ibid., p. 162.

  • 11 Ibid., p. 177.

  • 12 Ibid., p. 178-179.

  • 13 Cette traduction est sujette à caution car la formulation ramassée de ce début de verset (H’ HaPheÇ DaK’o) rend son interprétation dans un sens différent de celui du contexte un peu hasardeuse … Il serait possible de traduire : « YHWH l’aime parce qu’affligé ». (cf. à l’appui de cette traduction le Ps 51,19 : « Le sacrifice (ZeBaH) voulu par Dieu, c’est un esprit brisé ; Dieu, tu ne rejettes pas un cœur brisé et broyé (NiDKéH) »).

  • 14 S’agit-il de la crise syro-ephraïmite (734-732) ? Du siège de Jérusalem par Sénnachérib (vers -701) ? De l’Exil à Babylone (587-538) ?

  • 15 R. Girard, Le Bouc émissaire, Paris, Grasset, 1982, p. 271.

  • 16 Et de fait, le 4e chant du Serviteur contient une annonce de révélation : « Qui a cru ce que nous entendions dire, et le bras de YHWH à qui a-t-il été révélé ? ».

  • 17 R. Girard, Je vois Satan tomber comme l’éclair, Paris, Grasset, 1999, p. 50-52.

  • 18 Id., Le Bouc émissaire, (cité supra n. 15), p. 271.

  • 19 Ibid., p. 160 (ici c’est nous qui mettons en italique).

  • 20 C. Orsini, « Introduction à la lecture de René Girard », dans M. Deguy et J.-P. Dupuy (éd.), René Girard et le problème du mal, Paris, Grasset, 1982, p. 13-14.

  • 21 R. Girard, Les origines … (cité supra n. 6), p. 89.

  • 22 J.-P. Sonnet, « Le motif de l’endurcissement (Is 6,9-10) et la lecture d’ “Isaïe” », dans Biblica 73 (1992) 208-239.

  • 23 On sait comment ces lois limitent en fait l’arbitraire de la violence collective en insistant notamment sur la « première pierre » : « la seule à ne pas avoir de modèle ». Cette stratégie sera reprise et menée à son terme par Jésus dans l’épisode de la femme adultère (Cf. R. Girard, Je vois Satan, [cité supra n. 17], p. 80-85).

  • 24 Il faudrait étudier le fonctionnement de ha‘am hazzeh dans la suite du récit (32,21.31 ; 33,12). Notons déjà un nouvel usage surprenant de la particule zeh (33,4) et la manière dont Moïse dans la troisième intercession prie Dieu de considérer « cette nation » (haggoy hazzeh) comme « son peuple » (‘amkha).

  • 25 Cf. « La métaphore du tombeau », dans R. Girard, Des Choses … (cité supra n. 3), p. 186.

  • 26 Sur le rôle du « groupe du nous » dans la cohérence d’ensemble du livre d’Isaïe, voir notre article « Livre et révélation : le cas d’Isaïe », dans NRT 126 (2004) 27.

  • 27 Sur l’usage de l’ironie dans le livre d’Isaïe, cf. D. Janthial, L’oracle de Nathan et l’unité du livre d’Isaïe, Berlin, New York, De Gruyter, 2004, p. 85-87.

  • 28 R. Girard, Des choses … (cité supra n. 3), p 446.

  • 29 Cf. notamment, J. Ferry, Isaïe « Comme les mots d’un livre scellé … » (Is 29,11), Lectio Divina 221, Paris, Cerf, 2008, p. 121-154.

  • 30 J.-P. Sonnet, « Le motif de l’endurcissement …, (cité supra n. 22), p. 235.

  • 31 R. Girard, Le Bouc émissaire … (cité supra n. 18), p. 220.

  • 32 Id, Des choses … (cité supra n. 3), p. 59-66.

  • 33 La dimension mimétique de la royauté : « comme toutes les nations » (1 Sm 8,5), sa fondation sur une exclusion primordiale : « Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi » (1 Sm 8,7), son lien avec le sacrifice (1 Sm 15,22-23), tout cela est déjà clairement indiqué dans l’histoire deutéronomiste.

  • 34 Il s’agit d’un projet différent de celui de Raymund Schwager (Brauchen wir einen Sündenbock ?, München, Kösel, 1978). Son étude prend en effet la Bible, et les livres prophétiques en particulier, comme un témoignage sur l’histoire d’Israël et notamment son histoire religieuse. Dans ce cadre, il relève l’existence du mécanisme mimétique dans la société israélite et du dévoilement progressif de certains de ses éléments au cours de l’histoire (innocence du vrai Dieu, inanité des idoles, etc …). À cet effet, l’auteur glane ses exemples, en fonction du thème, chez les prophètes, l’historiographie deutéronomiste ou le Deutéronome mais il ne rend pas compte de la fonction propre du livre comme révélateur du mécanisme mimétique et du drame victimaire.

  • 35 R. Girard, Des choses …, (cité supra n. 3), p. 197.

  • 36 Ibid., p. 196

  • 37 Notons que, dans le même paragraphe, Girard fait une citation sans référence du passage sur l’endurcissement : il parle de textes (ethnologiques) « déjà explicites en vérité, mais pas pour les hommes que nous sommes, qui ont des yeux pour ne pas voir et des oreilles pour ne pas entendre » (Ibid., p. 200).

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