L’article est dédié à Jean Radermakers qui, inlassablement, s’est fait « passeur » entre l’Ancien et le Nouveau Testament, entre l’hébreu et le grec. Dans l’évangile de Matthieu un personnage, le premier, s’est fait ainsi « passeur » : Matthieu, dont le nom met en consonance l’hébreu (l’élément mat-, de la racine nātan, « donner ») et le grec (math-, du substantif mathētēs, « disciple »). La syllabe math- crée un écho d’un bout à l’autre du récit matthéen, entre la mention de Matthan dans la généalogie et l’envoi final par le Ressuscité, « faites-disciples (mathēteusate) ». L’intrigue matthéenne est donc rythmée par le nom « bilingue » de Matthieu, comme elle l’est par celui de Jésus.
À la mémoire de Jean Radermakers (1924-2021), scribe disciple du Royaume, qui tira de son trésor du neuf et de l’ancien.
Une allitération peut-elle mettre en évidence, de manière intentionnelle, l’intrigue d’un évangile ? Les pages que voici soutiendront que tel est le cas dans l’évangile de Matthieu. Le récit matthéen, en effet, est traversé, de son premier à son dernier chapitre, par la répétition de la syllabe math-, attachée d’une part aux noms de personne d’origine hébraïque Matthan et Maththaios (Matthan et Matthieu), et d’autre part au substantif grec mathētēs (« disciple ») ainsi qu’aux verbes manthanō (« apprendre ») et mathēteuō (« faire-disciple »). L’allitération, on l’aura compris, se double d’un jeu de mot bilingue, entre le grec et l’hébreu, qui en dit long sur le caractère frontalier du premier évangile. Ainsi…