C'est avec grand plaisir que l'on voit paraître, dans l'édition
française, le cinquième et dernier volume de l'histoire du concile
Vatican II entreprise sous l'égide de l'Institut pour les sciences
religieuses de Bologne. Il couvre tout d'abord la 3e intersession
qui ne fut pas qu'un intermède, bien au contraire: ce fut le temps
des premières applications du Concile, marqué tout autant par les
enthousiasmes que par les craintes que peuvent susciter les
nouveautés. La 4e et dernière session fut particulièrement active.
Très réalistement, il ne pouvait être question d'une 5e session qui
eût éloigné par trop longtemps les évêques de leur diocèse. Mais
«en finir» ne pouvait être synonyme de «bâcler». Et, au fil du
récit, on perçoit que jusqu'au dernier jour, le travail fut
intense, marqué parfois par de solides résistances et accompagné de
temps forts, les uns liés directement avec la vie du Concile, p.
ex. la création du synode des évêques et, la veille de la clôture,
la cérémonie de la levée des anathèmes réciproques lancés plusieurs
siècles plus tôt par les Églises de Rome et de Constantinople,
d'autres ouvrant, si l'on peut dire, la vie de l'assemblée sur le
monde, telle que la visite de Paul VI à l'ONU.Soulignons la
présence de certaines parties qui, à côté du récit proprement dit,
permettent de comprendre certaines dynamiques spécifiques. Tout
d'abord le chapitre VI - «Le concile comme événement du mouvement
oecuménique» - dû à L. Vischer, qui met en évidence l'impact du
Concile sur les différentes confessions chrétiennes non
catholiques; amenées à entreprendre une réflexion sur leur propre
identité. On sera aussi sans doute intéressé par l'affaire des
messages adressés à différentes catégories de personnes lors de la
cérémonie de clôture, messages qui, bien que se présentant comme
des émanations du concile, résultaient en réalité d'une initiative
du pape lui-même. Mais tout aussi intéressante que soit la lecture
des différents chapitres relatant le déroulement de la dernière
session, le lecteur aura plus que certainement l'attention attirée
par le dernier chapitre - «Un changement d'époque?» - signé par G.
Alberigo et qui se propose de mettre en lumière ce que
j'appellerais l'«originalité» du concile. Voici les titres des
différentes parties de ce chapitre, qui aideront à mieux cerner le
propos de l'A.: «Trop tôt (ou trop) tard?», «Un concile pour
l''aggiornamento'», «Un concile pastoral», «Un concile d'union?»,
«Physionomie de l'Église et dialogue avec le monde», «Vatican II et
la tradition», «Le parallélogramme des forces:
épiscopat-pape-Curie-opinion publique», «La théologie au concile»,
«Un tournant»; «Le concile 'secret' ou 'caché'», «Concile et
société», «Les perspectives», «La signification historique». S'il
fallait dégager le fil conducteur qui relie cet ensemble de
réflexion, il me semble que le plus adéquat serait de dire que
Vatican II, au-delà de toutes les difficultés rencontrées, fut un
véritable creuset de vie chrétienne, où tous les membres de
l'Église - sans oublier les frères dits séparés - ont joué leur
rôle dans une volonté à la fois marquée dès le début mais sans
cesse approfondie au fil des années, de rencontrer le monde du
moment et de lui proposer la foi chrétienne de manière vivante,
tandis qu'au terme de cette expérience proprement spirituelle, tout
un chacun ne pouvait que sortir comme renouvelé. Ne pourrait-on pas
dire également que Vatican II fut comme le triomphe de l'intuition
qui avait été celle d'une des personnalités les plus marquantes et
des plus attachantes du catholicisme du 19e siècle, à savoir celle
de «développement du dogme» si chère à Newman?
Enfin, il ne faudrait pas passer trop rapidement sur les quelques
pages consacrées en finale par G. Alberigo à l'historicisation de
Vatican II: l'A. montre très bien que pour comprendre Vatican II
dans toute sa richesse, il convient d'en bien connaître l'histoire.
Sans cela, on risque de prendre ses textes dans une optique
intemporelle et de passer à côté de son message.
Pour un recenseur, la fin de la lecture de l'histoire d'une des
entreprises les plus importantes de l'histoire de l'Église, est
l'occasion de formuler des regrets, qu'il serait certainement plus
approprié de qualifier de souhaits. On peut se demander si la
fabrication de l'index du 5e volume n'aurait pas été une bonne
occasion de réaliser un index cumulatif de tous les tomes. Dans le
prolongement, il me semble qu'il aurait été utile de joindre à
chaque nom une brève notice biographique. Certes, au fil des pages,
on en arrive à «reconnaître» tel ou tel personnage; mais il ne
faudrait pas oublier que cet ouvrage ne s'adresse pas qu'aux
spécialistes (qui ne sont d'ailleurs pas tous contemporains du
concile) et qu'on ne peut qu'en recommander la lecture en
particulier à tous les étudiants en théologie; or, pour ces
derniers notamment, Vatican II est de l'histoire… ancienne, et
quantité de noms de personnages, même de premier plan, sont
totalement inconnus. De plus, une partie «iconographique» aurait
également été la bienvenue, non dans le seul but de sacrifier à
cette idole moderne qu'est l'«audiovisuel» décliné de nos jours sur
tous les tons, mais parce que la «visualisation» de telle ou telle
scène permettrait à mon estime de mieux percevoir la «modernité» du
concile qui, qu'on le veuille ou non, se déroula dans «un autre
monde».
On aura certes compris que le plus important n'est pas là. En
définitive, on se doit de reconnaître dans l'entreprise qui trouve
ici son achèvement un véritable chef-d'oeuvre. Merci à tous ceux
qui y ont prêté leur concours. - B. Joassart sj