Le loup de Gubbio. Aimer mes ennemis?, éd. M.-Gh. Pincetti

Col.
Morale et droit - Recenseur : Bruno Clarot s.j.
Un loup dévastait Gubbio et terrorisait les gens. François d'Assise vint à passer, alla trouver le loup et conclut un pacte avec lui: il cesserait d'attaquer et serait nourri par la population. Le loup fut d'accord et la région retrouva la paix… Ce récit des Fioretti ouvre la question délicate: est-il possible d'aimer nos ennemis comme Jésus le demande? Marie Pincetti, sociologue à Louvain et éditrice de ce livre, le pense et pose la question à 16 personnalités fort diverses vivant en Belgique. Elle proposait des orientations à suivre très librement: pourquoi? Quels sont ces ennemis? Par quels chemins? En vue de quoi? Les réponses théoriques ou très souvent personnelles offrent de grandes orientations qui montrent les difficultés mais aussi la possibilité d'y parvenir au terme d'un cheminement.
Pour Magda Lafon, déportée juive à Auschwitz, c'est l'amour d'une femme au sortir du camp, la lecture des évangiles et l'amour de soi-même qui ont été la voie du pardon. P. Lebeau S.J. résume l'admirable histoire d'Etty Hillesum, jeune juive hollandaise arrivée à la foi en Jésus par un ami juif et à l'amour héroïque de ses ennemis SS. Ign. Berten O.P. croit à la force de la non-violence qui suppose l'amour des ennemis. A. Guigui, rabbin bruxellois, donne des exemples de cet amour dans l'A.T. et surtout dans le Talmud. Pour M. Verhulst, amiral, l'amour des ennemis est une formule à manipuler avec prudence et exige de passer par des étapes.
Pour L. Cassiers, psychiatre, cet amour doit changer notre propre mentalité avant celle de l'ennemi. Un autre psychiatre, J.A. Serrano, ex-emprisonné et torturé, estime qu'il faut se savoir pardonné et se pardonner à soimême avant de pouvoir pardonner aux autres. Selon l'abbé Houtart, sociologue, résistance et lutte sont souvent nécessaires pour créer plus de justice en vue d'un climat de paix et de réconciliation. R. Petrella, économiste, va à peu près dans le même sens à propos des rapports économiques. Pour F. Goedghebeur, bouddhiste, toute «vérité» est intolérante, et la paix dans le monde suppose la paix entre les religions. Lama-Karta, bouddhiste, voit en tout ennemi un «cadeau» pour apprendre la patience et arriver à la paix. Pour Fr. Humblet, la haine détruit celui qui hait, car seul l'amour fait vivre. Ce résumé très sommaire donne une idée de la richesse de ces témoignages dont certains sont émouvants. On regrette d'autant plus l'agressivité religieuse assez peu pertinente à partir d'un texte attribué à Jésus, alors que le texte provient de 2 Th 1,6-8 et contient deux extraits de l'A.T. (p. 66). Cette animosité semble due au fait que la phrase «tu haïras tes ennemis» ne se trouve pas explicitement dans l'A.T. - B. Clarot, S.J.

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