Léonce de Grandmaison (1868-1927). Un intellectuel témoin du Christ et apôtre de l'Esprit

Bernard Sesboüé s.j.
Biographies - Recenseur : Bernard Joassart s.j.
C'est avec un très grand plaisir que l'on découvrira cette biographie dont le sous-titre introduit fort bien aux grands axes de la vie du personnage. Entré dans la Compagnie de Jésus en 1886, il manifeste tôt de puissants dons intellectuels, si bien qu'au terme de ses études de théologie, il se voit confier l'enseignement de la théologie fondamentale auprès de ses jeunes confrères. Si cette tâche lui convient parfaitement, c'est toutefois d'une autre manière qu'il déploiera la pleine mesure de son intelligence : d'abord comme collaborateur puis comme directeur des Études, de 1908 à 1919 (il continuera d'y écrire jusqu'à la fin de sa vie), et aussi comme fondateur-directeur, en 1910, des Recherches de science religieuse, organe nettement plus technique. Cet apostolat d'« écrivain » fut vécu dans un climat intellectuel particulièrement difficile, celui de la crise moderniste (sans oublier d'autres problématiques comme l'Action Française et la Grande guerre). Grandmaison, certes formé à l'« ancienne », mais nourri entre autres de la pensée d'un Newman, prit à bras le corps les questions soulevées par ceux qui entendaient faire droit aux nouvelles approches du contenu de la foi chrétienne, en particulier par la critique historique positive. N'écrivait-il pas déjà durant ses études : « enseigner le dogme comme s'il n'avait pas d'histoire est une erreur grave de méthode, une lacune considérable dans l'enseignement… Un dogme, en effet, n'est pas un théorème rationnellement déduit des termes considérés en eux-mêmes. C'est un fait, enseigné par Dieu dans un langage humain, sous une forme presque toujours imagée et particulière, parfois obscure ou métaphorique » (p. 23). Il fut dès lors amené à rencontrer les travaux de bien des savants du temps, à les « critiquer », en tâchant de discerner au mieux le bon grain de l'ivraie, et cela avec un profond respect des personnes, adoptant un style net mais jamais agressif. Son discernement fut par ailleurs inspiré par un authentique attachement à la personne du Christ, caractérisé notamment par une simplicité qui émerveille encore de nos jours (combien de générations n'ont-elles pas été marquées par la prière : « Sainte Marie, Mère de Dieu, gardez-moi un coeur d'enfant… » !). À quoi il faut ajouter qu'il fut, si l'on me permet le terme, un « féministe » : avec Madeleine Daniélou, il fut à l'origine de l'École normale libre de la rue Oudinot, destinée à permettre aux jeunes filles d'accomplir des études supérieures, et de ce qui s'appelle aujourd'hui la Communauté Saint-François-Xavier.
Toute comparaison est toujours hasardeuse. Mais en lisant cette biographie, je n'ai pu m'empêcher de faire un parallèle avec le dominicain Lagrange. Tous deux n'ont-ils pas été, certes par des voies différentes, d'authentiques savants, pour qui foi et intelligence ne sont jamais incompatibles mais bien au contraire des collaboratrices dont chacune ne peut se passer de l'autre ? - B. Joassart s.j.

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