Maurice Blondel. Un réalisme spirituel
Pierre de CointetPhilosophie - Recenseur : Paul Favraux s.j.
Il ne reste aux chapitres ultérieurs qu'à expliciter le rattachement des êtres à l'Être dans une démarche «descendante-ascendante» (selon la formule de l'A. dans sa contribution à un autre ouvrage Penser l'Être de l'Action. La métaphysique du «dernier» Blondel, éd. E. Tourpe, Louvain, Peeters, 2000, «La vocation de l'esprit» à travers le problème métaphysique de l'immortalité (ch. 6), la personne humaine, être en réalisation (ch. 7), la personne et le monde (ch. 8). Un réalisme spirituel: la métaphysique blondélienne de la Trilogie renoue avec le réalisme thomiste, mais en soulignant, dans une perspective plus augustinienne, le caractère obligatoirement spirituel de ce réalisme. Spirituel tant dans son contenu (les êtres ne se réalisent que dans le rattachement consenti par l'option à l'Être), que dans sa forme ou méthode: l'ontologie est ontogénie, elle ne se poursuit que dans la mise en oeuvre, intrinsèquement morale, de l'élan spirituel.
Les blondéliens ne pourront que se réjouir de cet ouvrage, qui fait judicieusement le point sur certaines thèmes jusqu'à présent obscurs ou insuffisamment valorisés dans l'oeuvre du philosophe d'Aix: méthode d'implication, réalisme critique (on remarquera la comparaison en même temps que la distance prise par Blondel par rapport à la démarche cartésienne), ouverture indéfinie de la philosophie, à travers la fêlure irrémédiable entre la théorie et la pratique, fêlure qui requiert l'enquête ultérieure de La Philosophie et l'Esprit chrétien. L'A. rend justice (enfin) à la Trilogie, en proposant, à travers la clé de lecture de l'élan spirituel, une interprétation simple et pertinente de cette oeuvre réputée touffue - et partant délaissée. Ouvrage remarquablement clair en son tracé et son élan, et qui éclaire le structure totale de l'oeuvre blondélienne. On se réjouira, au passage, d'aperçus congruents sur la réalité et le rôle spécifiques de la matière selon Blondel, dans sa différence avec saint Thomas, comme sur la finalité de l'univers, confrontée aux acquisitions les plus récentes des sciences de la nature (physique, chimie, biologie)… Réconfort pour les blondéliens… mais aussi pour tout philosophe soucieux, conformément aux devoirs de la pensée, de reprendre à nouveaux frais l'édification de la métaphysique, par delà ses négations post-modernes. - P. Favraux, S.J.