«Hors de l'Église point de salut»: ce principe formulé aux premiers
siècles chrétiens a fait couler des flots d'encre et son
interprétation a provoqué maintes controverses et a causé de
nombreuses blessures tout au long de l'histoire. La théologie des
religions semble aujourd'hui mettre en cause
l'« ecclésiocentrisme » prétentieux de certains
théologiens dans l'Église, lequel évolue progressivement vers un
christocentrisme de meilleur aloi, notamment dans les derniers
documents de Rome.L'A. de ce livre, professeur de théologie
systématique à la Faculté de théologie de l'Italie du Nord à Milan
et au séminaire de Brescia, nous fait ici une brillante leçon
concernant l'histoire de l'adage dont l'origine remonte à saint
Justin († 165) et Clément d'Alexandrie († 218). Se pose d'abord la
question de savoir comment le Christ peut être cause de salut pour
tous les hommes, suivant l'exégèse patristique du récit de l'arche
de Noé. Puis l'A. se tourne vers les « inventeurs » de la
formule: Origène († 253) et Cyprien († 258) regardant l'Église
comme le « lieu unique » du salut. Un regard est alors
porté sur l'Écriture à propos du salut inconditionnel pour tous:
Israël comme peuple élu et le Christ comme le salut universel. À
partir d'Augustin († 430) l'interprétation devient exclusive, puis
se relativise et s'ouvre progressivement durant la période moderne,
où l'on comprend que la grâce salutaire est donnée au-delà des
frontières de l'institution ecclésiale. On en arrive à Vatican I,
puis à une nouvelle orientation de la compréhension du principe à
la lumière de Vatican II, et surtout dans le dialogue
interreligieux. L'A. termine son périple à travers l'histoire de la
tradition par un chapitre prospectif: Dieu a-t-il encore besoin de
l'Église? Le salut est-il présent ou bien seulement eschatologique?
La conclusion reprend le chemin parcouru en notant que la
seigneurie du Christ ne peut être reconnue par les hommes sans un
« lieu » particulier où l'on témoigne de lui et où l'on
pratique la vie évangélique. Par ailleurs, il faut continuer
d'affirmer la liberté souveraine de Dieu qui peut rejoindre chaque
personne par ses propres moyens.Remercions l'A. d'avoir osé
s'attaquer sereinement à cette difficile question en mettant à plat
l'évolution de l'interprétation de l'adage. Ce livre sérieux, bien
documenté rend bien compte du progrès dogmatique de la tradition
ecclésiale. Il rendra d'excellents services tant aux professeurs de
théologie qu'aux lecteurs avertis, soucieux de clarté et de
nuances. - J. Radermakers sj