L'A., professeur à l'université de Naples, a été ami de Paul
Ricoeur, son traducteur et l'un de ses commentateurs les plus
appréciés en Italie et ailleurs. L'ouvrage présenté ici s'inscrit
dans une recherche qui pourrait bien se situer au coeur de la
réflexion du philosophe français. En fait, et cela est évident à
partir de 1960 environ, Ricoeur s'est intéressé au langage d'une
manière privilégiée, et non seulement parce que le structuralisme
était à la mode à l'époque. Sa recherche linguistique participait
en fait à des interrogations sur les médiations les plus radicales
et originaires de la liberté. La liberté réelle de chacun n'est
conçue droitement qu'en lien avec d'autres dans la société. De là
l'intérêt affiché pour le phénomène de la traduction, métaphore ou
modèle de toute communication humaine, un phénomène auquel Ricoeur
dédia plusieurs conférences vers la fin du vingtième siècle.
L'ouvrage de D.J. n'entend cependant pas introduire à la pensée de
Ricoeur, bien qu'il en soit pétri de part en part.La traduction
constitue un lieu névralgique pour la réflexion parce que
symbolique de toute compréhension intersubjective, de toute
conversation, de tout savoir, et donc, note le premier chapitre, de
toute herméneutique. Le deuxième chapitre brosse les grandes lignes
des traités qui s'y sont intéressés dans la tradition occidentale.
La troisième chapitre, s'inspirant de François Marty, souligne que
Babel a été une bénédiction plus qu'une malédiction; la
multiplication des langues garantit en effet le respect mutuel en
créant des différences, des distances entre les hommes;
l'unilinguisme à l'assaut des cieux favorise par contre des
situations extrêmement dangereuses, mortifères pour l'humanité,
sources de violences sans freins. L'A. tire de sa médiation la
conclusion (sans doute fort optimiste) que le don des langues
(quand toutefois on accepte de passer par l'effort de traduction et
de compréhension de l'autre) fonde et assure la communauté humaine
dans la non-violence. L'ouvrage se termine en republiant divers
textes anciens de l'A. sur Ricoeur, ainsi que sur l'herméneutique
de Croce. - P. Gilbert sj