Cet ouvrage comble à coup sûr une lacune dans notre connaissance du
sacerdoce. Certes pas du point de vue de la théologie, où les
études abondent, mais bien quant à son histoire, au vécu concret,
et tout particulièrement en ce qui concerne le «prêtre» entendu au
sens de «presbyter», distinct de l'évêque, de qui il n'est que
l'auxiliaire (et qu'il soit bien clair que le monde monastique
n'est pas ici envisagé). L'enquête, qui couvre la période allant de
la fin du 5e siècle au début du 8e, et s'étend au royaume de Clovis
et de ses successeurs, exigeait une minutie extrême, à travers une
documentation qui ne manque pas de présenter des embûches, que ce
soit les sources littéraires - en particulier les vies de saints
(l'A., bollandiste de métier, en examina 80) - ou les sources
juridiques, tant canoniques que civiles, qui bien souvent sont un
reflet déformé de la réalité, ou encore les sources diplomatiques -
peu utiles in casu - et épigraphiques. Le résultat de ces
investigations au milieu d'une forêt très dense, est
impressionnant. L'A. a essentiellement suivi le prêtre tout au long
de sa vie. Depuis sa naissance jusqu'à sa mort et son
ensevelissement, en passant par son entrée dans la cléricature, le
temps de sa formation, l'examen des conditions requises pour
recevoir l'ordination, ce qui empêche celle-ci et comment elle lui
est conférée, sa condition face au mariage, ses conditions de vie,
qui ne sont pas exactement les mêmes en milieu urbain ou en milieu
rural, sa position face à son évêque, à ses juges s'il commet
quelque délit, et bien évidemment ce qui fait le quotidien de son
activité pastorale. Tout au long de cette enquête on voit
apparaître des conclusions qui ne manquent pas d'être
intéressantes. Avant tout, l'époque connaît deux types de clergés:
l'un célibataire, bien formé, le plus souvent établi en milieu
urbain, occupe une place essentielle dans la vie du diocèse;
l'autre composé d'hommes mariés avant l'ordination, et à qui on
demande la continence pour raison de pureté rituelle, dont la
formation a été plus succincte, mais qui manifestement jouissent
d'une réelle autorité morale, et que l'on rencontre principalement
dans des régions rurales. La raison de l'existence d'un tel clergé?
Le nombre des communautés chrétiennes augmentent et le soin des
âmes exige une présence que ne peuvent assurer les autres clercs.
Autrement dit, si le sacerdoce est affaire de vocation, il est
aussi affaire des communautés à qui doivent être distribués les
secours divins. Évidemment on ne peut manquer de se demander si
notre époque, cruellement indigente de prêtres, ne pourrait tirer
des enseignements d'une telle pratique, étant bien entendu qu'une
telle question dépasse le travail de l'historien et que les
conditions actuelles sont loin de reproduire celles d'antan. Autre
conclusion particulièrement significative: l'autonomie croissante,
ou peut-être plus exactement, l'élargissement des tâches dévolues
au prêtre par rapport à son évêque, qui n'est plus le seul pasteur,
du moins dans certaines fonctions (p. ex. certaines formes de
réconciliation des pécheurs).
L'intérêt de ce livre ne s'arrête toutefois pas au texte proprement
dit. Les annexes méritent qu'on s'y attarde. Tout d'abord une
dizaine de tableaux relatifs à des situations précises (p. ex. le
5e à propos de la terminologie du sacerdoce dans les textes
hagiographiques) (N. B. la légende de chacun d'eux se trouve
énoncée dans le corps du texte là où sont présentées ces
situations); ensuite une prosopographie des prêtres de l'époque et
de l'aire retenues; enfin un index unique, onomastique et
thématique. - B. Joassart, S.J.