Signes et sacrements dans le quatrième évangile

Yves-Marie Blanchard
Écriture Sainte - Recenseur : Gonzague de Longcamp c.s.j.

Le titre du présent ouvrage n’est pas sans rappeler celui d’Oscar Cullmann. Pourtant, s’il est aisé de reconnaître dans la notion de signe une clé de la théologie johannique, on ne saurait en dire autant des sacrements dont le mot même n’apparaît pas dans l’évangile. À moins, reconnaît l’A., qu’on leur donne la signification ancienne de mystères comme dévoilement de signification de l’AT dans le nouveau.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans ce livre : partir à la recherche de la richesse de signification du signe johannique. L’A. s’appuie pour cela tant sur le fondement biblique que sur l’apport de la linguistique de Saussure et la distinction entre signifiant et signifié qui sera opérante tout au long de l’étude.

Les trois 1ers chap. sont dévolus à circonscrire la notion johannique de signe en la comparant avec les miracles au sens synoptique, les symboles, puis les œuvres. Le chap. 2 permettra à l’A. de mettre en place le concept particulièrement important qu’est celui de l’« arbitraire des signes ». En effet, le lien entre le signifiant et le signifié ne s’impose jamais. Raison pour laquelle il peut y avoir malentendu ou rejet du signe. L’interprétation juste du signe demande l’adhésion à un pacte de lecture. Celui-ci implique certes le recours fréquent à l’AT, mais surtout la lecture du signe à la lumière de la résurrection, comme on le voit dans la péricope des vendeurs chassés du temple. Plus encore, l’interprétation du signe demandera l’adhésion confiante à celui qui parle, le Christ, comme on le voit dans la guérison du fils du fonctionnaire royal ou celle de l’aveugle-né.

Cette centralité du Christ est particulièrement mise en lumière dans le chap. 4 intitulé « signes et rencontres ». L’A. s’y attache à montrer comment les différentes rencontres (Nicodème, la Samaraitaine) sont structurées comme le sont les récits de signes et montrent l’importance de l’adhésion à la personne du Christ dans la compréhension des symbolismes. La place du mystère pascal dans le pacte d’interprétation du signe est éclairée, quant à elle, dans le chap. dédié aux prolepses, qui permet à l’A. d’aborder le sujet central de la temporalité johannique.

Ayant ainsi posé les bases johanniques et linguistiques de l’interprétation des signes, l’A. va pouvoir aborder de biais, pourrait-on dire, la notion de sacrements. Certes, il va reprendre les textes principaux qui ont été interprétés par la tradition catholique comme des catéchèses sacramentelles comme le dialogue avec Nicodème ou le discours sur le pain de vie. Mais il s’agit surtout de dégager une « sacramentalité » au sens large, dans le sens de l’articulation constante dans le 4e évangile entre le signe et la parole interprétative ; l’interprétation sotériologique et les conséquences éthiques du lavement des pieds ; l’élément sensible (signifiant) et la réalité spirituelle (signifié).

Au fond, l’interprétation des signes implique de parler avec le Christ et l’évangéliste une « langue commune » dont la matrice sera l’AT et la clé l’adhésion de foi au Fils envoyé qui permettront de lire dans les signes johanniques, le signe en creux de la croix.

Yves-Marie Blanchard nous offre ici un ouvrage de sagesse venant couronner des années de recherche et de scrutation de l’Écriture. Nul langage compliqué, nulle scientificité inutile (vous ne trouverez presque aucune note de bas de page), mais une lecture contemplative du 4e évangile. Derrière une structure thématique très claire, se dégage une pensée circulaire qui creuse de plus en plus profondément le pacte de lecture, pacte de foi, du 4e évangile. — G. de Longcamp, c.s.j.

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