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« Aimer jusqu'à  mourir d'Amour ». Approche du mystère pascal chez Thérèse de Lisieux

Approche du mystère pascal chez Thérèse de Lisieux

Jean Clapier ocd
La vie de Thérèse de Lisieux est épiphanie de la mission du Christ, spécialement de son dénouement pascal. Elle tire son rayonnement du dynamisme évangélique de sa petite voie, par laquelle fructifie, dans la vie humaine présente, l'Amour miséricordieux de Dieu donné aux hommes dans la manifestation kénotique du Christ. En cela, le désir de Thérèse d'aimer jusqu'à mourir d'amour, à l'exemple et à la suite du Christ, s'inscrit dans l'axe de la vocation baptismale. Par la confiance filiale en Dieu et la pauvreté en esprit, l'homme marche dans l'Esprit jusqu'à reproduire, en sa vie, le mystère du Crucifié ressuscité.

Aborder Thérèse de Lisieux dans la lumière de Pâques peut paraître surprenant1. En effet, comment parler ainsi de Thérèse, elle, sainte de l’enfance spirituelle et fille d’un XIXe siècle qui laisse une piètre place liturgique au mystère pascal ? Cet abord est pourtant une voie privilégiée pour saisir le fond de son message évangélique. La vie de Thérèse est une épiphanie de la mission du Christ, spécialement de son dénouement pascal. Son expérience de Jésus Christ, exprimée dans sa « petite voie », « est comme une traduction de l’idéal évangélique providentiellement offerte au monde moderne »2. L’idéal évangélique, ici évoqué et traduit dans la « petite voie » thérésienne, n’est autre que l’Amour sans limite, l’Amour absolu, l’Amour de Dieu donné aux hommes en Jésus Christ, manifesté « en les aimant jusqu’au bout, jusqu’à la fin », aux confins de la condition humaine (Jn 13,1). « Le Christ est mon amour, il est toute ma vie » (PN 26,1)3, écrit Thérèse, en janvier 1896, au terme d’une période marquée par son offrande à l’amour et peu avant de la consommer dans la nuit spirituelle de ses dix-huit derniers mois. Face à sa trajectoire spirituelle, Edith Stein écrivait : « Je me trouvais là devant une vie humaine uniquement et totalement traversée jusqu’au bout par l’amour de Dieu. Je ne connais rien de plus grand et c’est un peu de cela que je voudrais, autant que possible, transporter dans ma vie et dans la vie de ceux qui m’entourent »4. Il n’y a « rien de plus grand », en effet, que « d’aimer jusqu’à mourir d’amour » (C (G) 7 v?), à l’exemple et à la suite du Christ.

Si l’expression « mystère pascal » n’apparaît pas chez Thérèse5 — comme non plus chez ses contemporains —, la réalité de ce mystère est au cœur de son expérience théologale. L’élan sponsal qu’elle ne cesse de nourrir envers Jésus Christ, procède d’une élévation en Dieu, par la confiance filiale, dans et vers l’amour extrême, « l’Amour Miséricordieux » du Père. Cet élan est volonté d’aimer jusqu’au don total de soi à l’amour de Dieu et de participer, en vertu de cette offrande, à la mort rédemptrice du Christ : « aimer jusqu’à mourir d’amour ». Par conséquent, nous sommes ici, avec Thérèse, au cœur de la vocation baptismale dont le fondement est la Pâque du Christ (Rm 6,3-4). La question, à laquelle nous allons essayer de répondre, est la suivante : quelle est la physionomie pascale de la pensée de Thérèse, de façon à laisser Thérèse guider l’homme, aujourd’hui, vers le Crucifié ressuscité.

Je le ferai en trois temps. D’abord, en éclairant le fond doctrinal d’un des textes majeurs du message pascal de Thérèse, où est relatée une expérience contemplative du Vivant crucifié. Puis, en rattachant la Pâque du Christ, le mouvement spirituel qu’elle a insufflé dans la vie de Thérèse, au mot-phare de sa pensée évangélique : confiance, indissociable d’un autre mot-clé, pauvreté. Nous verrons, avec Thérèse, que le point de bascule, de passage de l’être humain en Jésus Christ, réside dans la vérité que contiennent ces deux mots : confiance et pauvreté. Nous évoquerons, enfin, l’épreuve de la foi de Thérèse, épreuve pascale par excellence ; l’heure où Thérèse passe tout entière en Jésus Christ, en aimant véritablement jusque dans les angoisses de la mort.

I À la clarté du Vivant Crucifié : la mort d’amour de Jésus

Une question ne cessa de tarauder Thérèse : une vie d’amour, dans l’Amour même, le « pur amour » (B (M) 4 v°), est-elle possible dès maintenant, dans le présent fugitif de la vie humaine ? Son offrande à l’Amour du 9 juin 1895 n’avait pas d’autre visée : « Afin de vivre dans un acte de parfait Amour… » (Pri 6). La réponse à cette interrogation d’ordre mystique lui fut substantiellement donnée un dimanche de juillet 1887, dans la contemplation de Jésus crucifié, au cours d’une eucharistie à la Cathédrale de Lisieux. Écoutons Thérèse nous rapporter l’événement.

Un Dimanche en regardant une photographie de Notre Seigneur en Croix, je fus frappée par le sang qui tombait d’une de ses mains Divines6, j’éprouvai une grande peine en pensant que ce sang tombait à terre sans que personne ne s’empresse de le recueillir, et je résolus de me tenir en esprit au pied de la Croix pour recevoir la Divine rosée qui en découlait, comprenant qu’il me faudrait ensuite la répandre sur les âmes… Le cri de Jésus sur la Croix retentissait aussi continuellement dans mon cœur : « J’ai soif ! ». Ces paroles allumaient en moi une ardeur inconnue et très vive… Je voulais donner à boire à mon Bien-Aimé et je me sentais moi-même dévorée de la soif des âmes

(A 45 r°)

Thérèse apparaît ici toute vibrante du mystère du Christ dans son passage vers le Père, à l’heure où il donne sa vie pour la vie de tous. En fait, la lumière dont Thérèse est ici gratifiée, est d’ordre dogmatique : elle éclaire définitivement Thérèse sur la justesse et la vérité du salut en acte ; et, par suite, sur l’enjeu d’un salut continuellement à recevoir en Église pour vivre, aujourd’hui, dans l’acte sauveur du Christ pascal. Saisie, Thérèse se positionne alors dans une posture éminemment ecclésiale : « je résolus de me tenir en esprit au pied de la Croix ». Avec détermination, elle s’engage à demeurer existentiellement en accord avec ce qui a été vu, contemplé du Christ sauveur.

En continuité avec la grâce de Noël 1886, qui délivre Thérèse d’une inhibition maladive, la contemplation du Crucifié l’élance irréversiblement dans la voie de sa vocation missionnaire. Thérèse y est introduite par son niveau primordial : le drame de la Croix. Elle comprend qu’il n’existe nulle autre porte d’entrée que la croix de Jésus pour rendre féconde l’association de l’homme au salut de Dieu. C’est là un des enseignements constants de Thérèse : impossible de fournir un tribut efficace à l’extension historique du salut opéré par l’unique rédempteur, s’il n’y a une communion personnelle à son oblation pascale. En effet, nul ne peut bénéficier de la résurrection du Christ et en répandre les semences de vie, s’il se comporte en « ennemi de sa croix » (Ph 3,18), s’il n’est pas en empathie avec les souffrances de sa passion (Ph 3,10-11), s’il ne communie effectivement à l’extrême de son amour et s’il n’y trouve sa joie (B (M) 4 v° ; C (G) 7 r°).

« La résurrection à la vie éternelle » et son effusion dans notre vie présente « se trouvent déjà, par anticipation, dans la positivité de la mort de Jésus »7. Les deux moments du mystère pascal ne sont pas extrinsèques mais intérieurs l’un à l’autre. « La résurrection est l’envers lumineux de la plénitude de vie atteinte dans l’obscurité »8 de la croix. Ainsi, dans le Crucifié, Thérèse ne reconnaît pas le seul versant douloureux de Pâques ; mais aussi, et avant tout, dans l’amour de Dieu donnant son Fils et celui de Jésus se livrant pour la vie de l’homme, Thérèse reconnaît la toute-puissance de la Rédemption en acte. Pour Thérèse, en cohérence avec la vision néotestamentaire — tant johannique que paulinienne —, le glorifié, c’est le Crucifié. Jésus en croix, c’est le Christ, « l’Ami Divin », le Seigneur et Fils de Dieu que la mort ne peut retenir et dont le sang, telle une « Divine rosée », ne peut s’écouler sans engendrer vie et résurrection. D’où l’attraction des mystiques, de Thérèse en particulier, vers la Pâque du Christ en tant qu’elle s’accomplit dans l’ecclesia de l’humanité présente.

Disons-le autrement. En raison de l’unité des deux faces du mystère pascal, l’efficience de la résurrection du Christ ne peut être reçue et ne peut vivifier l’homme croyant sans une communion spirituelle et existentielle à la première étape de la glorification pascale du Christ : son élévation sur la croix9.

En discernant, avec Thérèse, le nœud pascal qui conjugue mort et résurrection du Christ, nous touchons à la logique interne de l’amour divin, la charité. Son expression temporelle atteint le comble et le terme de son inscription humaine dans l’obscurité du Vendredi saint ; tandis que la diffusion de sa fécondité universelle s’origine dans la lumière trans-temporelle du dimanche de Pâques. De sorte qu’aux yeux de la foi, la croix de Jésus — ou la Sainte Face vénérée par Thérèse — ne peut être que glorieuse, destructrice du péché et de la mort, porteuse de la vie. « La Croix, pour le chrétien, écrivait Louis Bouyer, est déjà illuminée par la résurrection. La Croix elle-même — lorsqu’elle est vue de l’intérieur, comme la réalisation ici-bas de ce que le Christ y apportait : l’amour de Dieu — est déjà glorieuse. La Croix du chrétien, comme celle du Christ, c’est la victoire, cachée encore à la vue, mais présente déjà à la foi »10. Dès lors, si « le fait de la Croix s’épanouit dans le fait de la résurrection »11, c’est d’abord parce que le fait de la résurrection germe dans celui de la Croix. Il en procède vitalement. La résurrection est le fruit et l’universalisation de ce qui est obscurément semé, amorcé par la Croix12. Certes, c’est parce qu’il est déjà « ressuscité avec le Christ » (Col 3,1) que le chrétien peut souffrir et « mourir avec lui » (2 Tm 2,11), « se regarder comme mort au péché et vivant pour Dieu » (Rm 6,11)13. Il n’en demeure pas moins que c’est dans sa foi, par son adhésion personnelle au Crucifié ressuscité, que le même chrétien reçoit l’énergie spirituelle et la force existentielle de la résurrection. Telle est la lumière théologale qui illumine Thérèse, l’été 1887.

En vue de recueillir la fécondité rédemptrice du sang du Crucifié ressuscité et de la reverser universellement, Thérèse, humainement libérée, davantage unie au Christ depuis Noël 1886, se détermine « à se tenir en esprit au pied de la Croix ». Elle discerne le ressort secret de la diffusion du salut dans la réponse de confiance et de foi que Dieu, en son geste sauveur, attend des hommes. Elle contemple ce secret à travers le drame de l’Amour livré : « j’éprouvai une grande peine en pensant que ce sang tombait à terre sans que personne ne s’empresse de le recueillir ». Thérèse entend l’urgence d’être greffée sur l’arbre de la Croix et d’en devenir un rameau où coule une même sève. Elle sait que le salut offert par la mort de Jésus et son élargissement universel seraient rendus vains sans la foi de l’homme et son engagement dans le mystère pascal : recevoir la Divine rosée — le sang du Christ — qui s’écoule de la Croix et le répandre sur les âmes, par la prière et le sacrifice, dirait Thérèse, le don de soi par la charité en acte. Dans la vie présente, le chrétien ne vit du Christ ressuscité et n’essaime son salut que par la communion à sa croix, sa mort dans l’amour, sur la croix.

Je ne m’attarderai pas sur le processus par lequel Thérèse a été assimilée au mystère pascal14. À travers ses écrits, je laisserai plutôt Thérèse parler du dynamisme pascal qui l’a progressivement établie en Jésus Christ, qui l’a tenue et maintenue en Lui jusqu’au bout, dans l’amour.

II À la plénitude de l’Amour par la confiance du pauvre

Sans nul doute, l’audimat universel de Thérèse est relatif à la pureté évangélique de son appel à la confiance. En effet, dans la condition humaine présente, c’est la confiance qui est réalisatrice du mouvement pascal d’une vie en Christ. C’est elle qui fait passer l’homme en Jésus Christ, qui le garde dans la permanence de sa Parole, la stabilité de son Amour. « C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour » (LT 197) ; car la confiance seule peut y conduire. La confiance selon Thérèse, c’est la foi vive en l’amour de Dieu, celle qui décentre de soi et engage, livre à son amour ; amour miséricordieux que Thérèse découvre, émerveillée, s’abaissant jusqu’à la petitesse humaine, s’abaissant jusqu’à elle, faible et petite.

Car Thérèse, ceci est un point capital, se sait être une « petite âme » infiniment aimée de Dieu. Nous touchons ici à un trait de personnalité qu’il ne faut jamais perdre de vue lorsqu’on approche Thérèse, surtout sous l’angle du mystère pascal : « Je suis une très petite âme qui ne peut offrir au Bon Dieu que de très petites choses » (C (G) 31 r°). Loin d’être une creuse figure de style, pieuse exagération ou emphase rhétorique feignant l’humilité, ces paroles sont à prendre au sérieux. Thérèse est une pauvre, véritablement ; quelqu’un qui assume son statut d’être humain caractérisé par le manque, la finitude, une finitude blessée. Avec profonde justesse, Jean Vanier dit qu’il « voit Thérèse comme une pauvre, à la fois très belle et très fragile, angoissée. Dans toute sa faiblesse a jailli la confiance. C’est là pour moi le mystère et la beauté de Thérèse. Je l’aime comme un pauvre et j’ai besoin d’elle comme une pauvre »15.

On ne peut comprendre le message pascal de Thérèse si on ne reconnaît Thérèse pour ce qu’elle est réellement, telle qu’elle ne cesse de se reconnaître elle-même : une pauvre, une petite âme, en laquelle Dieu a, en quelque sorte, renouvelé le signe de la Pâque de son Fils, justement parce que Thérèse a reconnu sa pauvreté, son manque foncier, sa petitesse ou sa faiblesse, dit-elle, en Dieu même.

Âgée de 15 ans, Thérèse, postulante carmélite, écrit ces mots déjà prégnants de son message : « C’est sa faiblesse qui fait toute sa confiance » (LT 55). Comment comprendre cette affirmation surprenante de Thérèse, qui nous livre pourtant la clé de sa vie pascale ? Thérèse se tourne vers Dieu, peut se fier, se confier à lui non pas à cause mais grâce à sa faiblesse, c’est-à-dire à l’incapacité de s’auto-sécuriser, de s’appuyer sur elle-même avec complaisance. C’est là le fondement négatif de la confiance. Le fondement positif réside dans la perception de Dieu. Avec un sens spirituel extraordinaire pour son époque marquée par la vision d’un Dieu sévère et redouté, Thérèse sait que l’attribut fondamental de Dieu est la miséricorde. Comment le sait-elle ? Thérèse est bénéficiaire des enseignements de François de Sales par la médiation de sa mère et de sa tante visitandine. François de Sales insistait déjà sur la confiance en ce « Dieu d’amour amoureux de notre amour »16. Thérèse est aussi influencée par le romantisme catholique que lui transmet son père à travers Chateaubriand, Lamartine, Joseph de Maistre17 ; lectures qui favorisent la méditation de l’humanité du Christ miséricordieux.

Surtout, grâce à un sens très sûr de la Révélation de Dieu au contact de l’Écriture, Thérèse sait que Dieu est « compatissant et rempli de douceur » (Ps 102,8)18. Parce qu’il est compatissant, Dieu ne peut être loin des hommes. Bien plus, comprend Thérèse, Dieu s’est fait le tout proche en s’abaissant jusqu’à eux. Lui-même, par amour, a revêtu la faiblesse humaine en venant naître parmi les hommes : mystère de la Crèche — mystère de l’Enfant-Jésus — accompli dans le mystère de la Croix — mystère de la Sainte Face, du visage pascal de Jésus ; grandeur de l’amour miséricordieux de Dieu qui épouse et la petitesse et la misère de l’homme : Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte-Face.

Les nombreux achoppements de la vie affective de Thérèse, à travers lesquels elle s’est tant bien que mal construite, lui ont donné la vive conscience de sa petitesse. Thérèse sait qu’elle est « imparfaite », « faible », « petite » ; et lorsqu’à l’automne 1894, elle lit au livre des Proverbes, « Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi » (Pr 9,4), Thérèse se sent directement, très personnellement concernée. S’opère en elle une fulgurante confirmation de ce qu’elle expérimentait depuis des années au sein de sa faiblesse, au creux de ses épreuves. Que confirme ce verset biblique ? Le handicap physique, la faiblesse psychique ou les fragilités morales, les imperfections incessantes de notre condition présente qui font de tout être humain un « petit », s’ignorant souvent ou feignant de s’ignorer ainsi, tout ce lot de petitesse ne fait pas, comme tel, obstacle à l’effusion de l’amour de Dieu dans le cœur de l’homme. Tout au contraire, puisque cette faiblesse, cette fragilité, Jésus, le « Verbe Divin » est venu la prendre sur lui, l’assumer totalement en se faisant l’un de nous. « Je ne puis craindre un Dieu qui s’est fait pour moi si petit, écrit-elle au bas d’une image de l’Enfant-Jésus figuré dans une hostie. Je l’aime, il n’est qu’amour et miséricorde » (LT 266).

Au cours de sa brève existence, Thérèse sait Dieu proche de quiconque prend conscience de sa faiblesse et de sa pauvreté. Une proximité agissante, transformante, que favorise la voie pascale de la confiance. D’où la manière forte, voire déconcertante avec laquelle Thérèse s’exprime : « ce qui plaît à Dieu — ce ne sont pas d’abord mes vertus —, c’est de me voir aimer ma petitesse et ma pauvreté, c’est l’espérance aveugle — la confiance illimitée — que j’ai en sa miséricorde… Voilà mon seul trésor » (LT 197). Ce « trésor » que Thérèse désire partager, contient et énonce pour tout homme le point de bascule en Jésus Christ dans le mystère de son passage vers le Père : Pâque, floraison de la vie baptismale.

Le génie de Thérèse a été d’exploiter les événements de sa vie à la lumière de l’Évangile, notamment les épreuves et les ombres qui l’ont fragilisée au point de menacer gravement, à certaines heures, sa santé, son équilibre psychique. L’œuvre rédemptrice de Dieu, la Pâque de son Fils, nous dit Thérèse, s’enracine, d’une manière privilégiée, dans les failles, les fragilités, les blessures de l’homme. Pourquoi cette manière de faire, si déroutante à vue humaine ? À l’exemple de l’enfant prodigue, l’homme s’ouvre plus authentiquement à autre et à plus que lui-même, du fond de ses errances, de ses ombres, de ses manques. Là, il se détourne davantage de ses illusions, de ses rêves de puissance pour se tourner, au-delà de lui-même, vers la source de son être.

Dieu a besoin d’un cœur libre, désoccupé de soi pour agir en profondeur. Ici demeure la clé d’une existence pascale, une vie humaine réussie selon Dieu. S’adressant à Sœur Geneviève au nom de la Vierge Marie, Thérèse écrit : « Si tu veux supporter en paix l’épreuve de ne pas te plaire à toi-même — de ne pas te complaire narcissiquement —, tu me donneras un doux asile, il est vrai que tu souffriras puisque tu seras à la porte de chez toi — dans l’incapacité de t’admirer —, mais ne crains pas, plus tu seras pauvre, plus Jésus t’aimera, Il ira loin, bien loin pour te chercher, si parfois tu t’égares un peu. Il aime mieux te voir heurter dans la nuit les pierres du chemin — avancer en tâtonnant, voire en chutant, mais dans la bonne direction, avec plus et autre que soi, par la confiance — que marcher en plein jour sur une route émaillée de fleurs qui pourraient retarder ta marche — progresser dans la superbe, avec vanité » (LT 211). En vue de porter le fruit pascal de l’amour — vie et résurrection —, les fondements de la confiance en Dieu ne peuvent être posés autrement que sur le terrain de la reconnaissance de la faiblesse humaine ; entendons bien : la prise de conscience de son incapacité foncière d’aller à Dieu sans Dieu ; prise de conscience que peut favoriser la souffrance à travers épreuves ou faiblesses caractérisées — physiques, psychiques, morales — qui, comme telles, n’ont évidemment rien de positif.

Si la confiance recèle en elle une énergie pascale, une puissance d’éternité, elle n’en demeure pas moins une semence fragile. Pour être féconde, elle requiert le dépérissement de l’amour-propre, de toute « feintise », dirait Thérèse, ce qui nous rive, nous fixe sur nous-mêmes. Nous lisons dans le prophète Jérémie, que Thérèse cite et commente dans une de ses lettres (LT 243) : « La voie de l’homme n’est pas en son pouvoir » (Jr 10,23) ; autrement dit, il n’est pas donné à l’homme seul de s’accomplir. La voie de l’homme accompli demeure en Dieu, dans le devenir insaisissable que trace son Esprit.

En venant au-devant de l’homme, Dieu découvre lui-même cette voie ; non pas avant tout en récompensant les vertus de l’homme et le brio de son savoir-faire. Dieu l’ouvre par la relation personnelle qu’il suscite entre lui et l’homme ; le plus souvent les uns par les autres, et vers autrui ; l’homme prenant part ainsi à l’œuvre du salut de Dieu. Nous avons là, en filigrane, le mystère de l’Église, mystère d’alliance. Cette relation entre Dieu et l’homme est scellée par la foi vive, la confiance selon Thérèse, libre correspondance de l’homme au don de la Vie reçue « à chaque instant » de la main de Dieu (LT 243).

Thérèse nous montre ainsi que le chemin pascal de la confiance en l’amour, tient pleinement compte de notre fragilité humaine, des épreuves de nos vies, des difficultés du quotidien, que cette voie est une leçon de réalisme, une école de vérité. Elle se parcourt avec sa condition humaine réelle, non pas idéale ou rêvée. Elle intègre la finitude de l’homme, ses limites, ses manques, la marque de ses blessures, les lignes sombres de ses misères psychiques ou morales, cachées ou patentes, toujours handicapantes, sans pour autant rendre impossible la voie de l’amour, du don de soi dans l’amour. Car Dieu, en se mettant à hauteur d’homme, s’est fait proche de toute misère humaine pour manifester la vérité de l’amour, la force de sa Pâque, et la faire éclore au cœur de l’homme, en tout homme épris de vérité dans l’amour. « Je ne suis qu’une enfant, impuissante et faible, cependant c’est ma faiblesse même qui me donne l’audace de m’offrir en victime à ton Amour, ô Jésus ! » — un être totalement désisté, vulnérable, disponible à l’Amour, à l’ouverture universelle inhérente à l’Amour — « je suis trop petite pour faire de grandes choses… et ma folie à moi, c’est d’espérer que ton Amour m’accepte comme victime » — qui m’accepte comme tel : être faible, sans défense, qui n’oppose nulle résistance à « ton Amour », débiteur de « ton Amour », entièrement livré à lui (B (M) 3 v° et 5 v°).

En définitive, Thérèse rappelle à l’humanité qu’effectivement la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres, à quiconque se reconnaît comme tel. Évangile de l’amour de Dieu manifesté en son Fils, la Pâque de son Fils, et qui sollicite de la part de l’homme une confiance pleine, délestée de tout faux-semblant, qui l’engage résolument, tel qu’il est, dans le don de soi, et l’inscrit au-delà de lui-même, en Dieu même, Dieu venant à lui, Dieu le portant vers autrui. Bref, la confiance selon Thérèse invite l’homme à ne plus « s’appuyer » présomptueusement sur soi ou à s’y replier craintivement, mais à s’ouvrir au mystère du jaillissement de sa création et de sa rédemption : l’amour que Dieu est ; et à se laisser façonner par Lui, car « tout ce qui vit par un autre est conformé à celui par qui il vit »19. Là est le remède aux angoisses existentielles si dévastatrices dans notre société. Le sens de la vie humaine ne peut avoir pour fin absolue les seules ressources de l’homme. Construire uniquement sur elles, avec elles, c’est vouer sa vie à de redoutables effondrements. « Je ne puis m’appuyer sur rien, sur aucune de mes œuvres pour avoir confiance. (…) On éprouve une si grande paix d’être absolument pauvre, de ne compter que sur le bon Dieu » (CJ 6.8.4).

En fait, Thérèse entraîne là où l’évangile attire : du côté du mystère dont l’homme, tout homme, est porteur, mais comme en creux, en germe, en attente d’une rencontre avec le mystère de l’Amour infini, le mystère de Dieu et de son dessein que rayonne, d’une manière définitive, indépassable, la Pâque du Christ. À la différence des vues humaines encloses sur elles-mêmes, ce mystère agit là où s’affirme le libre renoncement à toute recherche de pouvoir personnel. Loin d’être un aplatissement de soi dépréciatif de la personne, nous retrouvons ici le sens de la faiblesse humaine selon l’apôtre Paul (2 Co 12,9), par laquelle Dieu agit avec puissance et accomplit l’homme, le rend à sa joie originelle d’enfant de Dieu et de frère universel.

Apprécions, d’une manière conclusive, le point d’orgue de l’œuvre pascale vécue par Thérèse : son « épreuve de la foi », qui est aussi une épreuve de l’espérance ; « épreuve de la foi » et de l’espérance en la vie éternelle avec Dieu, la vie post-mortem avec Dieu. Sur ce point a porté l’épreuve finale de Thérèse. Rappelons-nous les faits.

III Aimer dans la nuit et essaimer la Vie du Ressuscité

« Aux jours si joyeux du temps pascal », précisément durant l’octave pascale d’avril 1896, survient l’inattendue et brutale précipitation dans la nuit. Dans un contraste saisissant et une surprenante asymétrie liturgique, le temps de Pâques sonne l’heure de l’obscurité. Alors que Thérèse jubile la journée du Vendredi saint dans « l’espoir d’aller bientôt voir Jésus », suite à sa première hémoptysie, voici que « son âme est envahie des plus épaisses ténèbres » (C (G) 5 v°). Elle « sent qu’il y a véritablement des âmes qui n’ont pas la foi ». La pensée du Ciel devient « combat et tourment ». « Cette épreuve, ajoute Thérèse, ne devait pas durer quelques jours, quelques semaines, elle devait ne s’éteindre qu’à l’heure marquée par le Bon Dieu et… cette heure n’est pas encore venue » (ibid.).

Avec une intensité variable, les ténèbres spirituelles l’accompagnent jusqu’à la fin de sa vie. Thérèse a tenté de les décrire. Rappelant d’abord sa certitude en l’existence du Ciel dès son enfance, pressentant « qu’une autre terre lui servirait un jour de demeure stable », l’épreuve provoque, sur ce point, l’impact d’un changement radical : « tout à coup les brouillards qui m’environnent deviennent plus épais, ils pénètrent dans mon âme et l’enveloppent de telle sorte qu’il ne m’est plus possible de retrouver en elle l’image si douce de ma Patrie, tout a disparu ! Lorsque je veux reposer mon cœur fatigué des ténèbres qui l’entourent par le souvenir du pays lumineux vers lequel j’aspire mon tourment redouble, il me semble que les ténèbres empruntant la voix des pécheurs me disent en se moquant de moi : “Tu rêves la lumière, une patrie embaumée des plus suaves parfums, tu rêves la possession éternelle du Créateur de toutes ces merveilles, tu crois sortir un jour des brouillards qui t’environnent, avance, avance, réjouis-toi de la mort qui te donnera non ce que tu espères, mais une nuit plus profonde encore, la nuit du néant” » (C (G) 6 v°).

Ce texte célèbre de Thérèse est capital. On en a souligné la beauté littéraire et les accents nietzschéens20. Il laisse quelque peu deviner la charge de l’oppression intérieure que Thérèse, tout à la fois, porte et subit ; et qu’à aucun instant, elle ne porte sans Dieu. Elle ne l’aurait pu. Pauvre d’elle-même, toute débitrice de Dieu, c’est avec lui, vers lui qu’elle porte, qu’elle peut supporter la pesanteur des ténèbres qui l’oppressent. C’est dans l’effusion de son amour miséricordieux, auquel elle s’est offerte, qu’elle vit et peut assumer « l’épreuve de la foi » et de l’espérance qui la tenaille. Que porte-elle exactement ? La déréliction des athées psychologiquement ou existentiellement expérimentée. Thérèse respire l’air délétère des conséquences du refus ou de l’ignorance de Dieu. Elle goûte au non-sens d’une vie sans Dieu ; nuit existentielle qui insinue le néant éternel.

Par-delà les conditionnements psychologiques, culturels, sociohistoriques qui peuvent favoriser son emprise, Thérèse révèle aussi le principe inique de l’athéisme absolu : « les ténèbres empruntant la voix des pécheurs ». Ce sont elles qui suggèrent à Thérèse — sans qu’elle n’y adhère —, un doute formel, doute qui sape sa foi en l’au-delà et son espérance du Ciel, qui mine le dynamisme essentiel de la « petite voie » : la confiance théologale, dont la note particulière est filiale.

À la suite du Christ, en union avec le Christ « passant de ce monde au Père », Thérèse réalise pleinement ce qu’elle a contemplé un dimanche de juillet 1887. Déterminée à demeurer au pied de la Croix, elle se découvre sise au rang des pécheurs, désireuse de « sauver ses frères les pécheurs » (PN 46,4). Solidaire d’eux, elle prie en leur nom, avec eux, pour eux : « Ayez pitié de nous Seigneur, car nous sommes de pauvres pécheurs !.. Oh ! Seigneur, renvoyez-nous justifiés » (C (G) 6 r°). En définitive, l’épreuve vécue par Thérèse détruit la distance qui la séparait des pécheurs, spécialement les non-croyants, rationalistes et athées de son temps. « Thérèse de la nuit »21 devient effectivement la sœur des « pécheurs » et des « impies », compagne de leur angoisse, sans partager pour autant leur désaffection à l’égard de Dieu et moins encore leur révolte contre Dieu. Thérèse est solidaire de leur humanité à sauver, non de leur défiance envers Dieu. Fondamentalement, elle demeure « Thérèse de la lumière ». Plus que jamais, Jésus l’habite. Jésus luit en elle, avec elle, dans les ténèbres. La foi de Thérèse n’est pas détruite ; elle est vrillée, radicalement interrogée par sa proximité mystique avec les sans-foi.

Marie-Michel Labourdette avait très bien perçu l’étrange paradoxe de l’épreuve thérésienne ; épreuve de compassion en laquelle s’accomplit une expérience pascale des plus fortes : Thérèse « a accepté de s’asseoir “à la table des pécheurs”, écrit-il, de devenir, sans cesser d’être habitée par une foi qui s’est faite silencieuse, la compagne de tous les prisonniers de l’incroyance ; elle les rejoint non plus comme un croisé ou comme un missionnaire au sens alors courant, qu’elle a tant employé, mais comme leur sœur. Elle avait autrefois rêvé, imaginant pour elle une alternative à la vie carmélitaine, de partager, elle pure et préservée, la vie de repenties22 dont elle ne se serait distinguée en rien. Voici qu’elle accepte, d’une manière cette fois bien réelle, quoique mystique, d’aller habiter la terre de l’incroyance pour en être le sel. Il n’est certes pas question de perdre sa foi, pas plus qu’elle n’avait pensé perdre sa pureté pour vivre chez les repenties. Mais il faut que dans ce monde aussi, atteint de la plus atroce misère, soit présent l’amour de Jésus Christ, alimenté à une foi obscure et sans soutien »23.

L’épreuve des dix-huit derniers mois de la vie de Thérèse est assumée dans une orientation foncièrement théologale. Elle est une mise en croix spirituelle vécue en union avec Jésus en sa passion. Elle est l’aboutissement d’une kénose participée amorcée depuis des années, et qui finit par toucher au cœur du mystère pascal en tant qu’il s’accomplit ici-bas. Mangeant avec les incrédules « le pain de la douleur », goûtant à la désolation d’un devenir sans au-delà, une des errances majeures de son temps, Thérèse demeura plus que jamais avec Dieu, le Dieu sauveur, le Fils de Dieu dans l’œuvre de sa Pâque. C’est ce contraste saisissant, où s’unissent nuit et lumière, qui rend Thérèse éprouvée si transparente du Messie crucifié. Avec lui, unie à lui par la foi vive d’une confiance nue, Thérèse a porté le mystère d’une vive inscription dans le drame du salut, en vue de « purifier la table souillée par les pauvres pécheurs » et de faire luire, dans la nuit du néant, « le flambeau de la foi » (C (G) 6 r°).

Finalement, l’épreuve de la foi et de l’espérance jette Thérèse dans la plus grande preuve de l’amour : aimer jusqu’à mourir pour ceux qu’on aime. Le Christ rédempteur, son mystère pascal, est effectivement devenu « toute la vie » de Thérèse. « Instruite dans le secret », elle a « recueilli ses enseignements Divins », ceux « de la science d’Amour » (B (M) 1 r°). Ils lui ont révélé l’Évangile, la voie de confiance et de pauvreté, « unique chemin qui conduit à (la) fournaise Divine » de l’Amour : « l’abandon du petit enfant qui s’endort sans crainte dans les bras de son Père » (ibid.). Ne nous méprenons pas sur la tonalité enfantine du langage de Thérèse : « les bras du Père » sont le symbole expressif de la miséricorde de Dieu, définitivement offerte à tout homme en son Fils livré sur la croix, et par lequel lui est communiqué son Esprit.

Par la nuit de la confiance et la libre détermination de l’abandon au pied de la Croix, Thérèse a effectivement « aimé jusqu’à mourir d’amour ». Elle a connu la vérité toute entière de la mort d’amour du Christ pascal, à l’heure de son passage vers le Père, l’heure de son grand désistement dans les mains du Père : In manus tuas, Domine

La vie et la pensée de Thérèse invitent l’homme de désir à entendre la confiance des pauvres que rayonne la Face du Christ pascal. Elles le pressent d’écouter l’infinie miséricorde qui s’écoule à l’intime de lui-même, à pressentir le mystère de l’enfance qui vient, l’enfance éternelle, où son humanité se reçoit sans réserve de la main d’un Autre. Christ, la Pâque du Christ fait luire, aujourd’hui, en notre monde, ce mystère de vie éternelle.

Notes de bas de page

  • 1 De fait, au vu de la bibliographie thérésienne, ce thème n’a fait l’objet que d’un seul article : Une Moniale bénédictine, « Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et le Mystère Pascal », dans Vie Thérésienne 9 (1963) 2-20. Nous renvoyons à notre récente étude « Aimer jusqu’à mourir d’amour ». Thérèse et le mystère pascal, coll. Théologies, Paris, Cerf, 2003 (compte rendu de N. Hausman, S.C.M., infra, p. 522).

  • 2 Congar Y., Jalons pour une théologie du laïcat (1953), coll. Unam Sanctam 22, Paris, Cerf, 21954, p. 588.

  • 3 Les abréviations et les sigles sont ceux adoptés par l’édition critique du Centenaire : LT (lettre) ; PN (poésie) ; Pri (prière) ; CJ (carnet jaune) ; CRM (« carnet rouge » rédigé par Sœur Marie de la Trinité, publié dans Vie thérésienne 74 et 75). Les trois principaux manuscrits de Thérèse sont habituellement siglés, depuis 1956, à la suite du P. François de Sainte Marie : A, B, C, selon un ordre chronologique. En 1999, Conrad De Meester propose une nouvelle édition critique des trois manuscrits en abandonnant l’ordonnance du P. François de Sainte-Marie (A, B, C) et en reprenant la structure primitive de l’Histoire d’une Âme (cf. Histoire d’une Âme de sainte Thérèse de Lisieux, selon la disposition originale des autographes nouvellement établie par Conrad De Meester, Moerzeke, Carmel-Edit, 1999). Le cahier A, dédié en 1895 à Mère Agnès, est suivi du cahier G, dédié en 1897 à Mère Marie de Gonzague ; puis, de la lettre adressée en 1896 à Sœur Marie du Sacré-Cœur (siglée M). L’ordre ABC devient donc AGM. Attentif à la « justification » de l’auteur (ibid., p. 11-53) faisant davantage droit à l’intention première de l’édition de l’Histoire d’une Âme et « à sa logique interne » conçue du vivant de Thérèse, qu’à son ordonnance chronologique, nous faisons apparaître l’option de C. De Meester comme suit : A, B (M), C (G).

  • 4 Lettre à Sœur Aldegonde du 17 mars 1933 ; cf. Manuscrits autobiographiques publiés par le P. François de Sainte Marie, t. I, OCL, 1956, p. 56.

  • 5 Et peu le mot Pâques (7 fois) ou pascal (2 fois). N’oublions pas, toutefois, la concordance pascale que Thérèse rédige en 1896 ou 1897, compilant, à partir des Évangiles, les faits et paroles de la vie de Jésus ressuscité (cf. La Bible avec Thérèse de Lisieux, Paris, Cerf et DDB, 1979, p. 183-185).

  • 6 L’image, représentant un Christ en croix de Müller et éditée par Shaeffer, ne fait pas apparaître le sang coulant des mains du Crucifié (cf. Manuscrits autobiographiques, éd. critique du Centenaire, Paris, 1992, note au folio 45 v°, p. 142). Thérèse le reconnaît intérieurement par appropriation symbolique et affective du drame contemplé. Notons toutefois que ce dimanche, précédant la condamnation de Henri Pranzini le mercredi 13 juillet, ne put être que le 3 ou le 10 juillet (cf. le calendrier universel). Or, en tant que premier dimanche de juillet, relevons que le 3 juillet 1887 correspondait à la fête du Précieux-Sang (cf. Diurnal de Bayeux, Bayeux, 1874, p. 557 ; missel personnel de Thérèse [Archives du Carmel de Lisieux]) et qu’en toute hypothèse, il peut correspondre au dimanche évoqué par Thérèse et révéler ainsi l’influence liturgique de l’expérience du Crucifié.

  • 7 von Balthasar H.U., Simplicité chrétienne, tr. R. Givord et V. Carraud, coll. Essai, Paris, Desclée, 1992, p. 64.

  • 8 Ibid.

  • 9 C’est pourquoi Jean l’évangéliste a pu « réunir dans un concept unique, indivisible, l’élévation sur la croix et l’élévation du Ressuscité. Croire en une résurrection sans vouloir croire en la plénitude rassemblée dans la croix de Jésus, signifierait exiger la transformation de notre existence mortelle imparfaite en une existence immortelle, sans qu’elle soit parvenue à maturité pour la vie éternelle » (von Balthasar H.U., Simplicité chrétienne [cité supra, n. 7], p. 65).

  • 10 Bouyer L., Initiation chrétienne (1958), coll. Livre de vie 52, Paris, Seuil, 1964, p. 148.

  • 11 Ibid., p. 66.

  • 12 Bouyer L., Le mystère pascal (1947), coll. Lex Orandi 4, Paris, Cerf, 1957, p. 377.

  • 13 Hennaux J.-M., Le Mystère de la vie consacrée, Passion et enfance de Dieu, coll. Vie consacrée 1, Namur, Vie consacrée, 1992, p. 36.

  • 14 À partir de 1889, l’événement de la maladie de son père et les années de « kénose intérieure » qui l’ont suivie, et par lesquelles Thérèse parvient à l’abandon théologal dans l’amour (cf. Clapier J., « Aimer jusqu’à mourir d’amour » [cite supra, n. 1], p. 188-245).

  • 15 « Thérèse ouvre la voie pour les pauvres », dans Une sainte pour le troisième millénaire, Colloque international du Centenaire, Lisieux 30 sept. - 4 oct. 1996, Venasque, éd. du Carmel, 1997, p. 214 (voir NRT 120 [1998] 654).

  • 16 François de Sales, Traité de l’Amour de Dieu, livre 2, ch. 8.

  • 17 Voir les « Fragments littéraires » de M. Louis Martin, rédigés durant l’année 1842. Il s’agit de deux cahiers intimes dans lesquels M. Martin a copié des textes spirituels et littéraires. Ils sont présentés aux pages 46-69, avec quelques extraits, dans Congregatio pro causis sanctorum officium historicum. 138, Baionen et Lexovien. Beatificationis et canonizationis servorum Dei Ludovici Martin et Mariae Azeliae Guerin coniugum († 1894,1877), Summarium documentorum ex officio concinnatum, Rome, 1987, 1251 p. Cf. aussi Gaucher G., « Louis Martin : le Roi humilié », dans Vie Thérésienne 157 (2000) 53.

  • 18 A 3 v° ; C (G) 7 v° ; LT 226.

  • 19 thomas dAquin, Commentaire sur l’évangile de saint Jean, II, éd. M.-D. Philippe, O.P., Rimont, Les amis de Saint Jean, 1982, leçon 5, n° 791, p. 323s.

  • 20 Cf. Hausman N., Frédéric Nietzsche, Thérèse de Lisieux. Deux poétiques de la modernité, Paris, Beauchesne, 1984, p. 11 ; dOrnellas P., Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Paris, Mame / Cerf, 1997, p. 97-99.

  • 21 Selon une expression de Didier Decoin.

  • 22 Anciennes prostituées vivant dans un refuge (CRM 82).

  • 23 Revue Thomiste 74 (1974) 116-117.

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