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Fisica quantica e Cantico al Creatore

Jean Radermakers s.j.
Incipit. - Due ricercatori belgi, un nerlandofono e un francofono, hanno scritto recentemente due libri che non possono passare inosservati. Entrambi toccano la questione scienza e fede. Tutti e due hanno acquisito una vera competenza in ambedue i campi, cosa rara fra gli intellettuali contemporanei. (…)

A. Thayse, Science, foi, religions. Irréductible antagonisme ou rationalités différentes ?, préf. J. Neirynck, Louvain-la-Neuve, Academia - L’Harmattan, 2016, 14×21, 162 p., 16,50 €. ISBN 978-2-8061-0304-8

Deux chercheurs belges, un néerlandophone et un francophone, ont écrit récemment deux livres qui ne peuvent passer inaperçus. Ils touchent la question science et foi. Or tous deux ont acquis, ce qui est rare parmi les intellectuels contemporains, une réelle compétence dans les deux domaines. Leur optique est cependant différente. Le premier, paru en anglais peu après le décès de l’auteur, est l’œuvre du jésuite Georges De Schrijver, ancien professeur de théologie fondamentale à l’Université de Leuven, puis aux États-Unis et en Extrême-Orient, principalement aux Philippines. Il raconte l’histoire de la conception que se sont faite les hommes concernant « Dieu Créateur de l’Univers », compte tenu des dernières découvertes scientifiques dans le domaine de l’astrophysique1.

Le second retiendra notre attention. Il est publié par le professeur émérite de logique et d’intelligence artificielle à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, André Thayse. Celui-ci s’illustra aussi par de remarquables travaux sur les évangiles « revisités » et sur les premiers livres de l’Ancien Testament ; la NRT les a recensés. Nous nous attacherons à ce dernier parce qu’il pose la problématique au plan de l’épistémologie en s’interrogeant en particulier sur les manières dont le scientifique d’une part, et le théologien de l’autre, abordent la question du cosmos et de la création de l’univers. Y a-t-il antagonisme entre les deux approches de la réalité ou peut-on les concilier ?

I Connaître Dieu ?

En fait, ces deux études passionnantes se rencontrent et se complètent. Rappelons notre compte-rendu d’une autre étude du professeur A. Thayse, où il se demandait comment nous atteignons Dieu dans le savoir scientifique et par la connaissance de foi2. Trois parties composaient cet ouvrage : la tradition judéo-chrétienne ; la tradition scientifique ; science et spiritualité. La problématique y était développée de façon systématique.

L’auteur y revient dans le présent essai en utilisant le langage courant, plus proche du témoignage personnel et sans doute davantage adressé aux chrétiens. La préface de Jacques Neirynck, ce fidèle compagnon de recherche, situe d’emblée le propos de ce scientifique croyant soucieux d’éclairer les théologiens sur le sens et la portée de sa quête. A. Thayse, écrit-il, parle de sa propre expérience :

Il n’existe pas de relation conflictuelle entre, d’une part, la spiritualité qui fonde l’être humain dans son existence, et d’autre part le patient déchiffrement du cosmos par le chercheur. (…) Le débat s’inscrit plutôt entre les résultats de la science et des visions archaïques de religions, qui prétendent révéler la foi jusque dans le détail. La tentation commune de toutes les confessions est de sacraliser le pouvoir religieux et politique en maintenant les mœurs dans un carcan rigide et les esprits dans une vision simpliste de l’Univers.

(p. 5-6)

L’introduction est de la plume de l’auteur. Il précise :

Dans le contexte culturel dans lequel je me place, par foi, j’entends la foi du chrétien telle qu’elle peut résulter, par exemple, d’une lecture attentive des Évangiles. Étant entendu que c’est par ces Évangiles qu’on peut le mieux découvrir ce qui fait l’humanité profonde de Jésus de Nazareth, fils de l’homme, comme lui-même aimait se qualifier. (…) Tandis que par religion, j’entendrai le développement de la tradition chrétienne telle que les Églises l’ont conçue.

(p. 13)

Deux parties divisent l’ouvrage : la première s’applique à démêler les concepts de science et de foi. La seconde, plus brève, s’essaie à faire percevoir la manière dont le professeur distingue, tout en les rapprochant, Évangile et religion et il nous confie à ce sujet son sentiment de profonde tristesse pour l’incompréhension de l’Église institutionnelle.

II Les origines du monde

En première partie de son étude, A. Thayse nous rappelle brièvement les étapes de la réflexion humaine concernant les origines du monde, d’abord dans une perspective sacrale comme les textes de la Genèse puis dans la recherche scientifique. Il dégage ainsi deux rationalités différentes, deux modes de connaissance, autonomes mais complémentaires, de la science et de la foi. Le tout est de préciser en quoi elles se distinguent et comment elles s’articulent. Un peu d’histoire nous fait ainsi redécouvrir les progrès de la pensée scientifique depuis « le mythe de la caverne » de Platon qui nous rappelait que nous ne connaissons que les ombres du réel, dont la face cachée nous échappe. Il récapitule en bref la manière dont les hommes de la science, de l’Antiquité grecque au Moyen Âge, se sont représenté la constitution de l’Univers, pour en arriver à Copernic, Galilée et Newton. Il en vient aux savants contemporains avec la théorie de la relativité d’Einstein, celle des quanta de Max Planck3, celle du big bang de Georges Lemaître, en passant par la tentative généreuse de Pierre Teilhard de Chardin de réconcilier préhistoire et théologie dans le point Oméga. Et l’auteur de citer la réponse d’Einstein à un interlocuteur : « Je crois au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l’harmonie des lois de ce qui est, et non à un Dieu qui s’occupe des destins et des actions des hommes » (p. 29).

Passant à Max Planck, il s’attache à marquer les avancées de la physique quantique et son rapport avec la « réalité » observable, le réel empirique, et sa face cachée, le réel voilé, impénétrable au chercheur. En fait, cette théorie rend caduc l’argument de la cause première sommairement identifiée à Dieu dans la théologie classique, car le processus de création s’avère parfaitement autonome. N’a-t-on pas trop facilement confondu le Dieu des religions avec le phénomène du big bang, et une lecture fondamentaliste des Écritures ne se découvre-t-elle pas dès lors irrémédiablement obsolète ?

Arrivé à ce point, A. Thayse, qui s’est résolu jusqu’ici à séparer la démarche scientifique et les conceptions induites par les catéchismes, se met à nous faire réfléchir non seulement à la manière dont ces deux quêtes sont compossibles, mais aussi sur le fait qu’elles réclament une évolution des mentalités pour trouver leur vrai sens. Quelques brefs chapitres sont alors offerts à notre réflexion : d’abord un approfondissement à propos de la manière dont la physique quantique nous permet d’évaluer notre rapport avec la réalité et de prendre conscience des limites de notre savoir ; ensuite, un effort nous est proposé pour penser la matière « au-delà de la physique » suivant le constat de Bernard d’Espagnat : « aujourd’hui, il semble bien que la physique frappe d’elle-même à la porte de la métaphysique » (p. 48).

III Interpréter l’Écriture

Mais notre lecture de l’Écriture a-t-elle été suffisamment attentive aux nuances du texte ou bien l’avons-nous lue en la réduisant à notre propre compréhension ou à notre imaginaire, c’est-à-dire de façon fondamentaliste ? L’auteur dégage ici quatre points : le vrai Dieu transcende l’espace-temps (‘olâm en hébreu) ; il excède les capacités humaines de notre compréhension ; la science est limitée et ne nous signale que des traces du divin ; il se rallie à la thèse intéressante du théologien Adolphe Gesché dans sa réflexion sur le cosmos : « Dieu ne fait pas les choses, mais, selon une causalité élargie, il préside à la manière dont elles se font » (p. 57). Et l’auteur de tracer un parallèle entre la démarche scientifique et la lecture évangélique dans le champ de la sensibilité intérieure. Nous touchons ici le fait que la faculté de reconnaître les traces du divin est aussi immanente au lecteur de la Bible qu’au chercheur scientifique. La découverte de cette connivence entre les connaissances est importante, car la recherche de la science, comme la lecture de l’Évangile peuvent vraiment toucher notre cœur ; le même homme ou la même femme sont susceptibles d’« expérimenter » les deux modes de connaissance. Les traces de Dieu (« on ne peut me voir que de dos », dit Dieu à Moïse ; Ex 33,23) sont à la fois accessibles objectivement à la quête scientifique et subjectivement perçues par le croyant. Celui-ci dira que le medium par lequel ces deux perceptions communiquent est l’Esprit saint, présence dynamique de Dieu dans l’homme. Ici nous pourrions évoquer le fameux discours de Paul à l’Aréopage des Athéniens, dans les Actes des apôtres (Act 17,24-31). Paul y affirme que la présence divine peut être saisie même par des païens s’ils consultent leurs poètes et leur propre quête de savoir, compte tenu de l’analogie4. Dieu vient à la rencontre de leur recherche grâce au témoin qui leur parle dans le dynamisme de l’Esprit Saint.

Entre parenthèses, on tirerait profit de la manière dont Luc, dans les Actes des apôtres, montre comment s’est propagé l’Évangile par le témoignage (enseignement et vie) des apôtres et disciples de Jésus, fils de l’homme et Fils de Dieu. L’inouï de ce discours est que ce petit juif Paul vient annoncer aux grands philosophes d’Athènes que ce n’est pas leur langage abstrait et intemporel qui leur donnera connaissance du réel caché de Dieu en lui-même, mais le fait contingent de son apparition dans l’histoire humaine par l’intermédiaire d’un homme particulier ayant vécu dans le temps et l’espace, et dont il ne prononce d’ailleurs même pas le nom. Effectivement, A. Thayse expose ici une brève étude sur le temps tel que perçu comme un quantum par le scientifique et appréhendé par le lecteur de l’Évangile dans l’histoire d’autrefois en rapport avec celle d’aujourd’hui.

IV Témoignage personnel

La deuxième partie du livre est plus délicate à pondérer parce qu’elle touche davantage à l’expérience personnelle de l’auteur, chez qui l’on sent percer une déception à l’égard de l’institution ecclésiale catholique et de la sévérité d’un magistère souvent figé sur des conceptions dépassées et peu enclin à s’ouvrir au monde concret ou à en intégrer les progrès. Son chapitre intitulé « transition » montre bien le clivage qu’il a senti entre un langage d’amour et de liberté recommandé par les sources chrétiennes, notamment l’Évangile, et les directives formelles et moralisantes adressées aux croyants par un clergé souvent borné. Il s’en prend dès lors à « la religion » vidée de sa foi première. Toute religion, en effet, relève du même schéma emprunté par l’anthropologue Julien Ries à Mircea Eliade : une expérience vraie du divin (Symbole) qui se raconte dans une tradition (Mythe) et se vit au quotidien moyennant un culte (Rite) destiné à raviver et entretenir l’expérience initiale ; malheureusement, le culte répété finit par se vider de son contenu véritable et s’étiole lui-même.

Une réflexion sérieuse d’A. Thayse sur sa foi chrétienne lui a permis de revisiter avec un groupe de croyants attentifs les quatre évangiles, source majeure de la religion chrétienne, et d’en tirer une interprétation cohérente et solide de l’existence humaine proposée par Jésus et inspirée par l’Esprit saint. Ainsi peut-il retracer en quelques pages bien enlevées les bienfaits qu’il y a recueillis (p. 114-121). En réfléchissant ensuite sur la religion juive telle que pratiquée au ier siècle, il a dû constater que Jésus lui-même a démasqué la sclérose de l’enseignement des scribes et pharisiens de son temps et s’y est vivement opposé. Il semble à présent nécessaire de prendre au sérieux cette critique de Jésus (cf. Mt 23). Pour ce faire, il reprend à Dostoïevski la légende du « Grand Inquisiteur » (p. 140-147) racontée dans Les frères Karamazov. L’effet est saisissant et prend dans le contexte un caractère poignant. Pourtant notre auteur ne fait qu’appliquer les paroles de Jésus à ce que nous vivons aujourd’hui. Jésus lui-même ne s’était-il pas déjà posé la question : « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-il la foi sur la terre ? » (Lc 18,8) ?

V Incriminer la religion ?

Mais faut-il en faire grief à « la religion » qui, culturellement déterminée par nature, évolue toujours dans la sphère du contingent ? Un chapitre final vient préciser le regret de l’auteur.

Après cet examen de conscience sans concession, dans lequel nous pouvons, ou non, nous sentir interpellés, André Thayse nous laisse deviner un avenir plein d’espérance, témoignage d’humilité et de confiance dans la Vie. Avec les poètes, il fait l’éloge du Beau dans lequel nous percevons quelque chose de la Beauté infinie, à côté de la Vérité dont la rectitude toujours nous dépasse, et de la Bonté que nos actes de bienfaisance annoncent sans pouvoir l’enfermer entre nos mains ou en notre cœur. Ce qui me frappe, c’est que la quête personnelle dont nous parle un chercheur rejoint celle que Dieu fait de nous depuis que notre univers existe. Notre recherche parfois haletante, parfois exaltante d’un Absolu est sans doute le chemin le plus sûr, puisqu’il est déjà tracé par Celui, Dieu personnel ou Réalité ultime – dans deux « mythologies » différentes – qui vient à notre rencontre dans notre désir de le reconnaître. Et nous retrouvons ici la réalité et la pertinence de l’analogie.

VI Le Cantique au Créateur

Au début de la Lettre aux Hébreux (chap. 2), un écrit du NT difficilement datable et localisable, l’auteur anonyme parle de la révélation d’un grand prêtre miséricordieux et compatissant – les deux adjectifs qualifiant Allah dès la première sourate du Coran ! Cet auteur l’identifie à Jésus-Christ en personne. À l’appui de son interprétation, nous y trouvons une citation du Psaume 8, qu’on pourrait intituler « le Cantique au Créateur ». En s’interrogeant sur la nature du Fils incarné, il cite : « [Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand ton Nom par toute la terre] Qu’est-ce qu’un mortel pour que tu t’en souviennes, un fils d’homme pour que tu le visites ? Tu l’as fait un peu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur ! Tu as mis toute chose à ses pieds (…) ». Ce grand prêtre qu’est l’homme, c’est Jésus vivant dans la création et dans chaque créature… à la fois un homme de l’histoire et intime à tout humain. Ceci n’est pas un « dogme » tiré du cerveau de théologiens. C’est un « modèle », semblable à celui des sciences, c’est-à-dire un « symbole » qui exprime la totalité du Réel dont nous ne connaissons qu’une infime partie.

Ainsi, la contingence de l’histoire humaine peut permettre la rencontre d’une approche de la présence du Transcendant et de son immanence. Dit autrement en termes poétiques : Dieu nous touche, comme par un baiser, dans la conscience que nous avons de lui par notre recherche elle-même. Il nous trouve dans la quête que nous entreprenons de lui, par grâce, et par le travail de notre esprit et de notre cœur.

Recherche conjuguée des hommes et des femmes, des scientifiques et des mystiques baignant dans la même inspiration analogiquement perçue comme la musique des galaxies, et l’amour vécu par nous dès le sein maternel.

Une suggestion pour terminer. Prenons un temps de prière silencieuse pour redire paisiblement le Psaume 8. Ou encore, découvrons les albums de Brunor. Que nous connaissions ou non Bruno Rabourdin, son crayon alerte et son humour nous mèneront aux Indices pensables, dont le sixième tome, Le secret de l’Adam inachevé5, traite précisément de la possibilité de connaître Dieu à travers la création. Merci à André Thayse de nous rendre attentifs à une problématique actuelle ; forts de notre dogmatique, nous risquerions de l’ignorer.

Notes de bas de page

  • 1 G. De Schrijver, Imagining the Creator God. From Antiquity to Astrophysics, Eugene (Or.), Wipf & Stock, 2016, recension dans NRT 139 (2017), p. 500.

  • 2 Il s’agit de A. Thayse, Dieu personnel et ultime réalité. Je serai qui je serai (Exode 3,14), Paris, L’Harmattan, 2013 (cf. NRT 136, 2014, p. 346).

  • 3 La physique quantique initiée par Max Planck est appelée ainsi parce qu’elle se base sur la théorie physique qui tente de modéliser le comportement de l’énergie à très petite échelle à l’aide des quanta, quantités discontinues. Son introduction a bousculé plusieurs idées reçues en physique de l’époque, au début du xxe siècle (définition Wikipédia).

  • 4 L’analogie, rappelons-le, « désigne l’écart entre la connaissance que l’homme a de Dieu et Dieu lui-même. Elle exprime deux exigences : respecter l’absolue transcendance de Dieu, ineffable et inconnaissable, et garder au discours de la foi une pertinence intelligible minimale » (J.-Y. Lacoste, Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, 1998, p. 40).

  • 5 Brunor éditions, 2015. Tous les tomes d’ailleurs suscitent le même intérêt.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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