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L'eucharistie et l'urgence du mystère

Jean-Louis Bruguès op
Il est des pays où plusieurs diocèses ont choisi la récente exhortation post-synodale Sacramentum Caritatis comme document de référence pour leur réflexion annuelle. En France, elle tomba dans une épaisse indifférence. Pourtant, l'exhortation venait compléter l'impressionnant corpus relatif à l'Eucharistie que l'Eglise vient de se donner. L'exhortation cherche à répondre à une question d'apparence simple: comment donner le sens et le goût du mystère dans un contexte de sécularisation généralisée? Quatre clés de lecture sont ici proposées: l'émerveillement devant «le pain venu du ciel», la vérité d'un amour qui se donne aux hommes et les pousse à se donner à leur tour, le resplendissement de la beauté dans la célébration du mystère pascal, enfin, la capacité de l'Eucharistie à transformer les personnes, les choix politiques et jusqu'à la création.

En l’espace de quelques années à peine, l’Église catholique se sera dotée d’une doctrine impressionnante relative à l’Eucharistie. Le 17 avril 2003, le pape Jean-Paul II signait l’encyclique Ecclesia de Eucharistia, qui traitait du rapport de l’Eucharistie à l’Église1. Un peu plus tard, il ouvrait une année consacrée à l’Eucharistie (octobre 2004 - octobre 2005) par la lettre apostolique Mane nobiscum Domine, du 7 octobre 20042. Cette année avait débuté avec le Congrès eucharistique international de Guadalajara (Mexique) ; elle s’est terminée par la XIe Assemblée générale du Synode des évêques qui s’était tenue à Rome du 3 au 23 octobre 2005. Enfin, dans son Exhortation apostolique Sacramentum Caritatis (désignée ici sous le sigle SC), parue le 13 mars 2007, le pape Benoît XVI reprenait à son compte la quasi-totalité des propositions faites par les évêques du Synode. Trois textes de première importance en quatre ans ! Il est peu d’exemples dans l’histoire de l’Église de corpus aussi consistant élaboré en si peu de temps.

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I De longues séquences

On peut s’interroger sur les raisons d’une telle hâte. Elles sont, semble-t-il, au nombre de trois. La première tient à l’approfondissement de Vatican II. Les fruits d’un concile n’apparaissent guère dans l’immédiat. Il faut du temps pour mesurer la portée des renouvellements provoqués3. Le concile n’a pas publié de document spécifique sur l’Eucharistie, mais il en a largement traité dans sa constitution dogmatique sur l’Église, Lumen gentium, et sa constitution sur la liturgie, Sacrosanctum concilium. Une phrase, empruntée au premier de ces textes, a largement retenu l’attention des pasteurs et des fidèles, et nourri la réflexion des théologiens : « Participant au sacrifice eucharistique, source et sommet de toute vie chrétienne, (les fidèles) offrent à Dieu la victime divine et s’offrent eux-mêmes avec elle ; ainsi, tant par l’oblation que par la sainte communion, tous, non pas indifféremment, mais chacun à sa manière, prennent leur part originale dans l’action liturgique » (LG 11). Source et sommet de toute vie chrétienne : comment entendre cette expression qui a fait florès ? Elle revient dans un autre texte du concile, et ce rappel n’est pas sans importance pour notre propos : « Pour accomplir leur tâche de sanctification, les curés veilleront à ce que la célébration du sacrifice eucharistique soit le centre et le sommet de toute la vie de la communauté chrétienne »4. L’Église n’a pas fini de creuser cette mine.

Benoît XVI rapporte que « les Pères synodaux ont, en particulier, constaté et rappelé l’influence bénéfique que la réforme liturgique réalisée à partir du concile œcuménique Vatican II a eue pour la vie de l’Église » (SC 3). Il précise que les changements voulus doivent être pensés à l’intérieur du développement historique du rite qui procède par ajouts et enrichissements, et non point par ruptures. Il reprenait ainsi l’herméneutique développée, quelques mois auparavant, dans son important discours du 22 décembre 20055.

La raison évoquée à l’instant fait appel au long terme. La deuxième exige également que l’on prenne du champ pour l’apprécier : il s’agit de l’effondrement de la culture chrétienne. Celui-ci est devenu patent dans la mentalité dominante des sociétés occidentales, en voie de sécularisation rapide depuis les années 606. On ne sait plus lire l’art chrétien. On ne sait plus entendre le discours de l’Église, notamment quand elle aborde les questions de morale, ni ses rites, ni ses mœurs. On n’interprète les époques de chrétienté qu’au travers de caricatures ou de visions simplistes, véhiculées à longueur de films, de livres, d’émissions télévisées et d’articles de journaux7. La culture chrétienne s’est aussi affaissée dans la conscience des fidèles qui se réclament du Christ. La génération de mai 68 à laquelle j’appartiens a choisi de ne pas transmettre l’essentiel de ce qu’elle avait reçu ; celle qui suivit n’avait plus grand-chose à léguer ; la troisième, la génération des quelques jeunes qui fréquentent nos églises, nos écoles et nos aumôneries, sait qu’elle ne sait pas. Je répète souvent que cette jeunesse-là est une chance pour notre Église. Elle est généreuse. Elle veut apprendre : le succès des catéchèses lors des « Journées Mondiales de la Jeunesse », ou ailleurs, le montre à l’évidence8. Ignorante des préjugés qui ont souvent abîmé la conscience de ses aînés, elle cherche à comprendre. C’est une grâce, mais c’est aussi une tâche immense : tout est à bâtir.

Les Pères du Synode ont ainsi insisté sur le besoin de déployer dans les diocèses, sous la responsabilité de l’évêque qui en est le liturge par excellence (SC 39), une catéchèse large et fondamentale, afin de favoriser la participation intériorisée du peuple de Dieu au mystère eucharistique. Cette catéchèse mystagogique interprétera les rites à la lumière des événements salvifiques et donnera leur signification en lien avec les divers aspects de la vie chrétienne (SC 64). Le corpus mis à notre disposition par le Magistère de l’Église vise à lancer puissamment une œuvre de refondation. Les Églises locales sauront-elles saisir cette perche ?

II Tenir les mots

C’est que, « sur le terrain », pour utiliser un vocabulaire reçu, la situation offre des aspects contrastés. La troisième raison ayant poussé le Magistère à façonner une doctrine eucharistique nourrissante nous retiendra plus longuement. Il est des paroisses, des groupes de prière, des monastères et des communautés de fidèles, où la réforme liturgique a produit des fruits remarquables de ferveur, de splendeur et de communion. Je peux témoigner personnellement de la qualité des célébrations dans les temps forts des pèlerinages ou des grands rassemblements populaires9. Les ombres ne manquent pas toutefois.

Il y a des lieux, observait Jean-Paul II, où l’on note un abandon presque complet du culte de l’adoration. À cela s’ajoutent, dans tel ou tel contexte ecclésial, des abus qui contribuent à obscurcir la foi droite et la doctrine catholique concernant cet admirable Sacrement. Parfois se fait jour une compréhension très réductrice du Mystère eucharistique. Privé de sa valeur sacrificielle, il est vécu comme s’il n’allait pas au-delà du sens et de la valeur d’une rencontre conviviale et fraternelle. De plus, la nécessité du sacerdoce ministériel, qui s’appuie sur la succession apostolique, est parfois obscurcie, et le caractère sacramentel de l’Eucharistie réduit à la seule efficacité de l’annonce. D’où, ici ou là, des initiatives œcuméniques qui, bien que suscitées par une intention généreuse, se laissent aller à des pratiques eucharistiques contraires à la discipline dans laquelle l’Église exprime sa foi. Comment ne pas manifester une profonde souffrance devant tout cela ? L’Eucharistie est un trop grand don pour pouvoir supporter des ambiguïtés et des réductions.

(EE 10)

On objectera sans doute que le temps des grands abus, des liturgies « happening » et des innovations intempestives qui marquèrent, en de nombreux endroits, les premières applications de la réforme liturgique, est révolu. Il est vrai. Mais comment ne pas admettre que le chemin vers une compréhension et une célébration en accord avec la grandeur du mystère reste encore long à parcourir ? Trop de médiocrité musicale, trop de banalité dans les textes chantés, souvent abstraits et verbeux10, même si on peut noter une réelle amélioration au cours de ces dernières années11 ; des Gloria qui n’en sont pas, des Credo proprement incroyables12 ; un silence de recueillement réduit à la portion congrue ; des lectures bibliques choisies arbitrairement (parce que « celles qui étaient prévues ne nous parlaient pas ! »). Le minimalisme des vêtements, des ornements et du mobilier liturgique ne permet pas de saisir quelque chose de ce « ciel sur la terre » que se doivent d’incarner nos liturgies.

La bonne volonté des équipes liturgiques n’est évidemment pas en cause. Les pasteurs ne les remercieront jamais assez pour leur dévouement : c’est surtout grâce à elles que bien de nos églises ne deviennent pas des déserts spirituels. Sans qu’elles s’en rendent compte toutefois, leurs esprits se trouvent comme infiltrés par une sorte d’« horizontalisme » théologique. Donnons un seul exemple. La première lecture du seizième dimanche du temps ordinaire (année C) rapportait la fameuse rencontre du chêne de Mambré. La tradition a toujours vu dans les trois visiteurs d’Abraham une première évocation de la Trinité. Aussi, la prière d’ouverture du missel rappelle-t-elle le régime de la grâce sous lequel sont placés les fidèles du Dieu de Jésus-Christ : « Sois favorable à tes fidèles, Seigneur, et multiplie les dons de ta grâce : entretiens en eux la foi, l’espérance et la charité, pour qu’ils soient attentifs à garder tes commandements ». En quelques mots : la grâce et ses dons, les trois vertus théologales et les commandements, se trouvait résumé l’ensemble du mystère chrétien. Or, la revue Signes, reçue par de nombreuses équipes liturgiques, proposait une autre prière : « Dieu très bon, tu connais nos soucis et nos travaux. Libère le cœur de tes enfants : qu’ils te confient leurs peines et leurs joies et se mettent à l’écoute de ta Parole ». De Trinité, point ; de vertus théologales, encore moins ; le terme de commandement, sans doute malsonnant, a été supprimé ; ce n’était plus la grâce qui prenait l’initiative, mais la volonté du fidèle ; la Parole absorbe le sacrifice eucharistique, ce que confirmait la postcommunion qui nous invitait à « nous asseoir comme Marie aux pieds de … Jésus pour écouter sa Parole et à rencontrer Dieu dans la prière et dans l’accueil de nos frères ». Que restait-il de la vie théologale ?

Je sais bien que jeunes et moins jeunes se plaignent souvent : « On s’ennuie à la messe », « On ne comprend pas ce qui s’y passe », « Pourquoi le prêtre fait-il tel geste ? », « Le vocabulaire nous est inaccessible »13 … Les pasteurs entendent ces litanies de plaintes. Des « traductions » sont nécessaires, précisément parce qu’ont disparu des pans entiers de la culture chrétienne et spirituelle ; mais ce travail indispensable doit-il se faire au prix d’une réduction horizontaliste ? Les recherches catéchétiques du moment se heurtent au même obstacle. Et si les mots étaient uniques ? Ils disent le génie de l’homme et celui de l’Église. Ils ne s’usent guère, parce qu’ils racontent toujours la même expérience, la même charge de peine ou d’espoir. Les plus décisifs d’entre eux ont été lestés du poids de la grâce, quand ils ont été prononcés par le Christ ou par ses saints. Expliquer et illustrer : oui, toujours et encore ; mais non point oublier. L’oubli est ici un appauvrissement, une perte insupportable. Qu’un mot vienne à s’éteindre, et notre route se fait plus solitaire et plus froide. En liturgie, comme en morale, toute rupture est une tragédie. Certes, les mots peuvent évoluer, comme la vie humaine, mais ils ne changent guère : notre sensibilité ou notre inculture seules nous le laisseraient croire. Ils ne demandent qu’à servir, à la condition de bien nous en servir. « Mal nommer les choses ajoute au malheur du monde », écrivait Albert Camus. À ceux qui sont chargés d’enseigner et de transmettre, aux parents et aux catéchistes, on voudrait laisser ce conseil : tenez les mots, retenez-les, serrez leur sens ou le sel s’affadira et les chrétiens cesseront d’éclairer leurs semblables. S’il vous plaît, parlez « chrétien ».

Dans l’anamnèse qui suit la consécration, l’assemblée est invitée à proclamer le mystère de la foi. Mais reste-t-il du mystère dans nos liturgies, dans nos esprits et dans nos vies ? Le corpus que le Magistère vient de constituer relatif à l’Eucharistie s’explique finalement par cette urgence : l’urgence du mystère, l’urgence de redécouvrir le sens du mystère eucharistique et d’en vivre. L’intention des Pères était donc de « développer certaines lignes fondamentales d’engagement, destinées à raviver dans l’Église un nouvel élan et une nouvelle ferveur eucharistiques » (SC 5).

III Un corpus impressionnant

La tâche qui s’impose à l’Église de ce temps est à la fois spirituelle, théologique, catéchétique et liturgique. Aussi tous ces aspects se retrouvent-ils dans le corpus eucharistique examiné ici. Les trois œuvres majeures que nous considérions se complètent et se répondent l’une à l’autre (SC 6). On ne peut soutenir qu’il se soit opéré entre elles comme une répartition des domaines. Chacun des documents magistériels comporte toutefois une tonalité spécifique qu’il convient de préciser. Ecclesia de Eucharistia invite à considérer d’abord le mystère de la foi. L’encyclique place au centre de son argumentation un concept devenu trop discret ou même franchement problématique dans la conscience des chrétiens, celui de sacrifice14. Le sacrifice de la Croix qui se perpétue au long des siècles (11), est un sacrifice au sens propre, et non seulement au sens générique (13). Trois conséquences plus importantes découlent de cette affirmation. Quand les fidèles participent à l’Eucharistie, ils s’offrent eux-mêmes en sacrifice et s’engagent à transformer leur vie pour qu’elle devienne, d’une certaine façon, totalement eucharistique (20). Vatican II avait déjà expliqué que « celui qui a reçu le sacerdoce ministériel … célèbre le Sacrifice eucharistique en la personne du Christ » (Lumen gentium 10 et 28). Deuxième conséquence : la communauté chrétienne, parce qu’elle est apostolique, a absolument besoin d’un prêtre pour célébrer l’Eucharistie (30). L’Eucharistie est ainsi la raison d’être principale et centrale du sacrement du sacerdoce (31). Enfin, le banquet sacrificiel, marqué par le sang versé sur le Golgotha, est vraiment un banquet « sacré » (48). Le lieu, les rites, les moyens employés doivent donc refléter ce caractère « sacral » et la dignité du mystère célébré : « … je me sens le devoir de lancer un vigoureux appel pour que, dans la Célébration eucharistique, les normes liturgiques soient observées avec une grande fidélité. Elles sont une expression concrète du caractère ecclésial authentique de l’Eucharistie ; tel est leur sens le plus profond. La liturgie n’est jamais la propriété privée de quelqu’un, ni du célébrant, ni de la communauté dans laquelle les Mystères sont célébrés » (52).

La dernière encyclique du pape qui nous a quittés en 2005 était beaucoup moins longue que les précédentes. La lettre apostolique Mane nobiscum Domine se présente également comme un texte court. Elle ne propose rien de nouveau par rapport à l’enseignement déjà connu (3), mais fixe notre attention sur un terme (un concept ?) qui emprunte plus à l’esthétique qu’à la théologie : la lumière15. Dans la lettre apostolique Novo millennio ineunte, Jean-Paul II avait dessiné la perspective d’un engagement pastoral fondé sur la contemplation du visage du Christ. Ici, il présente l’Eucharistie comme un mystère lumineux (11)16. Le mystère de l’enfouissement total se fait lumineux en ce que la liturgie de la Parole ouvre aux fidèles les trésors de l’Écriture. Il invite à développer une conscience vive de la présence du Christ (18). Il est, en effet, une dimension de l’Eucharistie qui, plus que les autres, met notre foi à l’épreuve : le mystère de la présence « réelle ». Celle-ci est dite réelle, non par exclusion, comme si les autres formes de présence ne l’étaient pas, mais par antonomase, car le Christ tout entier se rend substantiellement présent dans la réalité de son corps et de son sang. « C’est pourquoi la foi nous demande de nous tenir devant l’Eucharistie avec la conscience que nous sommes devant le Christ lui-même » (16). La lumière de cette présence est une épiphanie de communion, à commencer par la communion fraternelle (21). Celui qui la reçoit devient un artisan de paix et de solidarité (27) ; en un mot, il devient à son tour une lumière pour une culture sécularisée17 et un monde marqué par la pauvreté.

Deux mots expriment ainsi la « substantifique moelle », comme aurait dit Rabelais, des deux premiers éléments du corpus eucharistique, sacrifice et lumière. Qu’en est-il de Sacramentum caritatis ?

IV Consensus et communion ecclésiale

Les deux écrits de Jean-Paul II présentaient une unité incontestable. Même si, à l’instar de tous les textes magistériels, ils sont passés entre les mains de multiples experts et de nombreuses commissions, une seule plume les a finalement rédigés ; une volonté unique en a constamment soutenu les lignes directrices. Il ne pouvait en aller de même pour l’Exhortation apostolique post-synodale. Les 250 évêques18 qui se retrouvèrent à Rome, le 3 octobre 2005, venaient de tous les continents. Leurs formations personnelles, leurs inclinations théologiques et leurs soucis pastoraux offraient la plus grande variété. C’est ainsi, par exemple, que le souci de la dignité des célébrations liturgiques, souhaitée par tous, n’était pas perçu exactement de la même manière selon que les participants venaient de l’Europe de l’Ouest ou de l’Europe orientale, ou encore de l’Inde. Les évêques s’exprimèrent avec la plus grande liberté, aussi bien dans les assemblées plénières que dans les commissions de travail où les assistaient quelque 32 experts. Le pape avait souhaité cette franchise. Ayant participé moi-même à cet événement, je puis témoigner qu’aucune pression d’aucune sorte ne s’est exercée sur nous, sinon celle de rechercher le bien commun de l’Église. La très grande majorité des évêques ayant été élue, on peut raisonnablement estimer qu’un concile qui aurait été convoqué à ce même moment, n’aurait pas donné des orientations différentes.

L’Esprit qui agit dans l’Église est un Esprit de communion. Cette communion s’incarne dans une pratique politique qu’il convient de bien comprendre. S’il y a de la démocratie dans l’Église, dans le jeu des élections, celle-ci ne saurait être comparée à la démocratie parlementaire. Quand un projet de loi est adopté par l’Assemblée avec soixante pour cent des suffrages exprimés, le gouvernement peut s’enorgueillir d’avoir remporté une belle victoire. Il n’en va pas de même dans un Synode. Les modérateurs nous en avaient prévenus : il fallait rechercher l’unanimité dans nos votes, ou du moins nous en approcher le plus possible. Une proposition qui n’aurait pas obtenu quatre-vingt-dix pour cent des voix n’aurait pas été retenue. Les assemblées des synodes diocésains devraient s’en souvenir. L’Église ne saurait accepter, pour reprendre l’exemple donné à l’instant, que quarante pour cent de ses fidèles demeurent sur le bord du chemin. Il est utile de rappeler que les grands textes de Vatican II ont été approuvés à la quasi-unanimité : la constitution Dei Verbum avait recueilli 2.344 votes favorables et 6 contraires ; la constitution Lumen gentium, 2.151 votes favorables et 5 contraires ; enfin, la constitution Sacrosanctum concilium, traitant de la réforme liturgique qui suscita l’application laborieuse que l’on sait, obtint 2.147 votes favorables, 4 contraires et 1 abstention.

En France du moins, plusieurs commentateurs et journalistes ont émis des jugements fort sévères sur les orientations synodales19 : rien de neuf, des redites, aucune avancée dans des domaines devenus pastoralement très sensibles, comme celui de la situation des divorcés remariés … Un Synode pour rien ?

La grande aula des assemblées donnait souvent l’impression d’un orchestre symphonique dans lequel chacun interprétait la partition fournie par son Église locale. Comment devait se comporter le chef d’orchestre, alors que les cinquante orientations finales couvraient le spectre le plus large ?

Benoît XVI prend son temps. Il écrit peu. Le « ministère de l’intelligence » qu’il exerce demande du recul et de la réflexion. Le Synode romain s’est achevé le 23 octobre 2005 ; l’Exhortation apostolique post-synodale n’a été signée que le 22 février 2007. Elle témoigne d’une fidélité impeccable à l’égard des propositions votées. Une lecture attentive montre toutefois que si, d’une certaine manière, la matière s’est imposée au pape (il a retenu quarante-neuf des cinquante propositions), l’expression, l’argumentation et les articulations internes portent bien la marque de sa pensée.

Le plan de Sacramentum caritatis ne présente pas d’originalité. Il est simple : l’Eucharistie se présente d’abord comme un mystère à croire (6-33), puis comme un mystère à célébrer (34-69), enfin comme un mystère à vivre (70-93). Un « Guide de lecture » a bien observé que ce plan reprend l’ordre des vertus théologales : croire (foi), célébrer (espérance), et vivre (charité)20. Cet ordre est aussi celui qu’avait adopté le Catéchisme de l’Église catholique (CEC) : la profession de foi, la célébration du mystère chrétien, la vie dans le Christ, tandis que la quatrième partie, intitulée « La prière chrétienne », constituait une nouveauté bienvenue21.

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Dans une seconde partie, je ne m’attacherai pas à résumer Sacramentum caritatis, ni à en faire une présentation exhaustive. Des aspects importants ne seront pas analysés ici22. Il m’a semblé suggestif de relever des mots, ou des expressions, qui fourniraient la tonalité de base du texte, jouant le rôle d’une basse continue. Cette référence musicale ne sera pas déplacée pour un pape musicien, admirateur de Mozart23 ; elle pourrait aussi nous inviter à souligner les aspects plus personnels du texte, ceux qui portent la marque de Benoît XVI, sa griffe, en somme.

Comment recouvrer le sens du mystère ? Le texte nous invite à parcourir une gamme de quatre notes.

V Émerveillement

Le terme d’émerveillement apparaît à deux reprises dès le premier paragraphe : « Quel émerveillement dut saisir le cœur des disciples face aux gestes et aux paroles du Seigneur au cours de la Cène ! Quelle merveille doit susciter aussi dans notre cœur le Mystère eucharistique ! » (SC 1). Il fait suite en quelque sorte au thème de la lumière apparu dans l’encyclique de Jean-Paul II. La lumière éblouit et attire ; elle nourrit de sa vérité l’intelligence des hommes ; elle réchauffe leur corps et leur cœur ; elle suscite en eux émerveillement et gratitude.

Pendant mon séjour d’un mois à Rome, je suis retourné admirer, une fois encore, le tableau du Caravage, appelé La vocation de Matthieu, situé dans une chapelle latérale de l’église de Saint-Louis-des-Français. Lévi est un changeur, autrement dit un voleur, selon les mœurs de l’époque. Son bureau tient du tripot. Il discute ferme avec ses clients. Le Christ ne s’est pas laissé rebuter par le caractère sordide du lieu. Il est entré dans la pièce — dans la vie du publicain — pieds nus et sans faire de bruit : les interlocuteurs du changeur se retournent à peine. Par-dessus leurs têtes, Jésus tend son bras et pointe son doigt qui projette sur le changeur une forte lumière, blafarde, qui n’est plus tout à fait la lumière du jour (nous sommes aux premiers essais de la peinture baroque) : le divin s’est mêlé à l’humain. Lévi, devenu Matthieu après ce choix, porte ses mains sur sa poitrine dans un geste qui tient de l’étonnement. On pourrait l’entendre s’exclamer : « Comment peux-tu venir jusqu’à moi, et me faire signe, alors que ma vie est profondément pécheresse et que je n’observe pas la Loi ? » ; mais son visage s’est illuminé. C’est cela l’émerveillement : l’étonnement, puis le ravissement devant l’improbable. Lorsque, par intermittences, je me surprends à m’observer moi-même dans la célébration eucharistique, ou mes frères prêtres, je me demande si nous reflétons encore l’émerveillement de Matthieu, comme si la routine avait tué, l’une après l’autre, nos capacités de ravissement. La quasi totalité des participants à la messe se lève pour aller communier, comme si ce geste était devenu un rite dont on ne saurait se dispenser, ce qui rend encore plus insupportable la situation des divorcés remariés24. Une sorte d’effroi me saisit : savent-ils ce qu’ils font ? Nous, les pasteurs, avons-nous bien expliqué la grandeur du mystère ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : entrer, grâce à l’Eucharistie, dans la familiarité de la gloire éternelle.

Ce pape réputé intellectuel cherche à toucher d’abord, avant que de convaincre. On oublie parfois qu’il est né en Bavière, terre d’élection du baroque, l’art de l’émotion par excellence25. Benoît XVI veut réveiller en nous nos facultés d’admiration. Son travail avait été préparé par la « Relatio ante disceptationem » du cardinal Angelo Scola. Le patriarche de Venise avait longuement parlé de « stupore »26 : le terme en italien évoque la stupeur, à laquelle peut se mêler un sentiment de crainte révérencielle devant l’énormité d’une révélation, mais aussi la dilatation du cœur, comme un enthousiasme ou une exaltation. Il y a de tout cela dans l’émerveillement des disciples d’Emmaüs, point de départ de la réflexion, comme dans celui de Matthieu, ou encore celui des saints qui ont mis l’accent sur la dévotion eucharistique. Comment peut-elle naître chez nous ?

Le baroque s’attache à évoquer le ciel. Le mouvement, la luxuriance des couleurs et des matériaux employés, l’éclat des ors et des lumières, la somptuosité musicale27, et la multiplicité des anges, des saints et autres contemplatifs de la gloire éternelle, montrent que le ciel n’est plus inaccessible. Il perce déjà des fenêtres de lumière dans la vie du chrétien encore attaché à la glèbe. Ces trouées sont réalisées par la vie sacramentelle (SC 17-29 passe en revue les liens unissant l’eucharistie aux autres sacrements de l’Église). Si l’Eucharistie est appelée « pain descendu du ciel » (SC 7), pour y croire et en vivre, il est nécessaire de lever la tête et de regarder ce ciel, d’y aspirer de toutes ses forces. Le passage est capital ; il aurait mérité sans doute d’être plus développé. Sans référence à l’eschatologie, l’Eucharistie deviendrait un simple banquet humain ou un acte de communion horizontale. Elle ne se trouverait pas seulement réduite aux seules dimensions d’une humanité sans espérance, elle deviendrait proprement incompréhensible. Une foi sans espérance reste vaine : « Nos épreuves du moment présent sont légères par rapport au poids extraordinaire de gloire éternelle qu’elles nous préparent. Notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, disait S. Paul, mais à ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel » (2 Co 4,17). L’homme est fait pour un bonheur véritable et éternel (SC 30). L’Eucharistie cherche à susciter son émerveillement devant un bonheur si inouï et pourtant si proche, à portée de la main en somme. « Jésus a montré qu’il voulait transférer à toute la communauté qu’il avait fondée le devoir d’être dans l’histoire, le signe du rassemblement eschatologique, inauguré par lui. En toute célébration eucharistique se réalise donc sacramentellement le rassemblement eschatologique du Peuple de Dieu » (SC 31). Aussi toute célébration fait-elle mention des anges et des saints, à commencer par la Vierge Marie (SC 33) ; elle renforce la fraternité et l’échange avec ceux qui ont déjà franchi le dur passage de la mort (SC 32).

VI Le don

L’émerveillement naît aussi du don. Le don est l’autre nom de Dieu, l’autre nom de l’être, aurait dit le philosophe Claude Bruaire. Le Père donne son Fils pour le salut du monde. Il envoie son Esprit qui n’est pas autre que l’Esprit du don. C’est lui qui a présidé à la création des vivants et des choses. Il accompagne ainsi chaque homme, cette « seule créature que Dieu a voulue pour elle-même », faite à son image (Gaudium et Spes 24 § 3) ; plus encore, il pénètre au plus intime de son cœur et de son esprit, au point de vouloir faire du corps humain sa propre demeure28. Tout est don, tout est dû. Pour s’émerveiller devant le mystère eucharistique, il faut auparavant se laisser emporter par cet enthousiasme de l’« admirable échange », cette griserie des redondances du don.

La Trinité se donne. « Si tu vois l’amour, tu vois la Trinité », écrivait S. Augustin29 (SC 8). Le Père donne la vie. Le Fils donne, non pas quelque chose de lui, mais son corps et son sang, dans un sacrifice librement consenti. Il donne la totalité de son existence (SC 7 et 9). Tout ce que touche l’Esprit est sanctifié et totalement transformé30 (SC 13). Invoqué par le célébrant sur les offrandes du pain et du vin posé sur l’autel, il réunit les fidèles en un seul corps et fait de chacun d’eux une offrande spirituelle. La nouveauté de l’Eucharistie exige donc d’être accueillie et conservée par l’Église comme un don irremplaçable. Les Pères ont répété que l’Église ne se reconnaissait aucun droit sur ce don31. Son attitude vis-à-vis de ce grand mystère peut être seulement une attitude d’adoration, de louange et d’obéissance.

L’Esprit du don ne se résigne pas au péché des hommes, il ne se console pas de leur corruption. Il leur propose de surmonter l’épreuve du mal commis en leur offrant une nouvelle forme de don, un don redoublé, le pardon. Selon les prophètes de la première alliance, Dieu était tenu de pardonner à ses enfants « à cause de son Nom » (Ex 36,22-23). Le pardon est la condition impérative pour que la création, conduite avec tant d’amour, rendît son plus beau fruit. Ce fut le point d’orgue de l’œuvre du Fils, le dernier mot que prononça Jésus sur la croix, parce qu’il résumait à lui seul la mission qui lui avait été confiée : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). La messe actualise, avec le sacrifice du Christ, le pardon offert, mais aussi de la part des fidèles, l’engagement à recevoir ce pardon (SC 20), puis à le transmettre à leurs frères. L’Exhortation rappelle donc qu’il est du devoir de l’évêque de promouvoir dans son diocèse une pédagogie du pardon née de l’Eucharistie32.

Dans le fond, l’émerveillement devant le don n’est pas autre chose que l’émerveillement devant l’amour. La première encyclique avait étonné. L’opinion générale attendait de l’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi une vigoureuse défense de la vérité. Benoît XVI y parlait d’amour, qu’il entendait, non seulement une oblation de soi-même dans la charité, mais aussi comme une quête de l’éros. « L’amour, écrivait-il, comprend la totalité de l’existence dans toutes ses dimensions, y compris celle du temps. Il ne pourrait en être autrement, puisque sa promesse vise à faire du définitif : l’amour vise à l’éternité » (Deus caritas est 6). Dans le sacrement de l’Eucharistie, Jésus révèle la vérité de l’amour, qui est l’essence même de Dieu (SC 2)33. Il convient donc de lire l’Exhortation post-synodale dans le droit fil de l’encyclique, ce que confirme l’emploi du mot charité dans les deux titres.

Quand on place l’objectif de l’appareil photographique sur l’infini, les plans s’ordonnent clairement les uns aux autres. Si nous mettons l’objectif de notre foi sur l’infini, ici l’infini de l’amour, chaque catégorie de baptisés voit avec netteté sa manière de participer à la célébration eucharistique. Le mot de participation est très usité dans nos communautés chrétiennes, ce qui est heureux. Il ne faut pas l’entendre d’abord comme une attitude extérieure, une suite de gestes à poser (SC 52) : la participation souhaitée par le concile doit être comprise comme une conscience plus aiguisée du mystère célébré, afin que la grâce reçue irradie la vie des personnes et des communautés34. Le numéro le plus développé de l’Exhortation traite précisément des conditions d’une participation intériorisée (SC 64). La beauté et l’harmonie de l’action liturgique trouvent une expression significative dans l’ordre dans lequel chacun est appelé à participer de manière active (SC 53). Le prêtre préside la célébration eucharistique tout entière, depuis le salut initial jusqu’à la bénédiction finale. Aidé par le diacre, il représente Jésus-Christ, mais aussi l’Église35. Les religieux ou des laïcs formés remplissent d’autres fonctions liturgiques, telles que l’animation des chants ou la lecture des textes bibliques. Quelques conditions d’une participation active restent valables pour tous : le silence, le recueillement, un cœur réconcilié avec Dieu, le souci de témoigner de sa foi et de se mettre au service de la mission de l’Église (SC 55)36.

VII La beauté

On parle de beauté dans Sacramentum caritatis. La remarque paraîtra banale ; il n’en est rien. De la chaire de Notre-Dame, le P. Lacordaire confessait : « La vérité s’arrête à l’intelligence, la beauté pénètre jusqu’au cœur. Elle est, dans tous les êtres doués de connaissance et de sentiments, le premier mobile qui leur donne l’impulsion ». Le philosophe Michel Serres ajoutait : « Le savoir ne peut se passer de beauté. Je recherche une science belle ». La vie tout court ne peut pas davantage se passer de beauté. C’est à ce mystère que nous devons la vie. Dans les règnes végétal et animal déjà, les rites et les ruses de la nature témoignent de cette recherche inlassable de l’identité spécifique à travers la perfection formelle. Dans quelques siècles, que restera-t-il des innovations techniques et des prouesses scientifiques dont notre époque est si justement fière ? Les hommages rendus à la beauté, eux, traversent les siècles et les millénaires.

Aussi le christianisme a-t-il cherché à abriter dans ses temples, ses icônes, ses tableaux, sa musique et ses sculptures, en un mot tout ce qui contribue à sa liturgie, les formes les plus diverses de cette quête première37. En revanche, les théologiens modernes ne se sont guère penchés sur elle, à l’exception notable de H. Urs von Balthasar. Dans le discours chrétien « officiel », les évocations de la beauté se sont faites plus rares encore. A-t-on jamais entendu un évêque parler du devoir de beauté, comme il plaiderait en faveur d’un devoir de solidarité ? Pourtant, l’un n’est pas moins indispensable que l’autre. Quant à la discrétion des textes magistériels sur ce sujet, elle était suprême. Les choses ont commencé à changer. Déjà l’encyclique Veritatis splendor, parue en 1992, se référait implicitement à Platon qui soutenait que le beau était la splendeur du vrai. Sacramentum caritatis est le premier texte du Magistère qui fait de la beauté un fil conducteur pour introduire au mystère.

La liturgie, comme du reste la Révélation chrétienne, a un lien intrinsèque avec la beauté : elle est « veritatis splendor ». En elle resplendit le Mystère pascal par lequel le Christ lui-même nous attire à lui et nous appelle à la communion (SC 35). La beauté se révèle dans l’harmonie des formes : il est donc légitime que l’Église fasse appel aux artistes et aux ressources de leur génie (SC 41). On peut se demander si la lassitude ressentie par des fidèles devant des célébrations dont ils disent ne pas comprendre la signification, ne vient pas, en réalité, d’une sorte de vacance des émotions et des sentiments. Nous avons tous fait cette sorte d’expérience : que l’on apporte du soin et de l’éclat à nos célébrations, et les participants, jeunes et anciens, en ressortent réjouis : « Vraiment, c’était une belle messe ! ».

Car toute célébration reste un art (SC 38). Comme telle, elle fait appel à des moyens matériels, des gestes et des attitudes (SC 65), précisés par les normes de l’Église, une langue parfois (SC 62) et toujours des rites, mais elle implique surtout une disposition de l’intelligence et du cœur38. Cette disposition est faite de fierté, si l’on entend bien le terme : la fierté, ou l’émerveillement qui saisit l’ensemble des participants quand ils perçoivent que la célébration ne se déploie pas seulement là où ils se sont assemblés, dans un espace « privé » ou domestique, pour eux seuls, en somme, mais qu’elle les dépasse infiniment puisque, par eux et en eux, c’est l’ensemble de l’Église qui offre le sacrifice du Christ au Père : « La simplicité des gestes et la sobriété des signes, effectués dans l’ordre et dans les moments prévus, communiquent et impliquent davantage que le caractère artificiel d’ajouts inopportuns.

L’attention et l’obéissance à la structure propre du rite, tout en exprimant la reconnaissance du caractère de don de l’Eucharistie, manifestent la volonté du ministre d’accueillir, avec une docile gratitude, ce don ineffable » (SC 40). En un mot, la beauté ne se reçoit que dans l’adoration.

Ici encore, les mots lancent un redoutable défi. Celui d’adoration s’est estompé dans le vocabulaire chrétien du moment. On oublie ce que l’on ne comprend pas. Un prêtre me disait récemment : « Si les gens ne comprennent plus ce mot d’adoration, ne vaudrait-il pas mieux le remplacer par un autre ? ». Mais lequel ? L’équivalent n’existe guère. L’effacement du terme correspond, en réalité, à la disparition d’une attitude humaine singulière. Or, c’est finalement le sens de l’adoration qui nous redonnera le goût du mystère39. Pour cette raison, les JMJ de Cologne, en 2005, avaient choisi l’intitulé « Nous sommes venus l’adorer », selon les paroles attribuées aux Mages vénérés dans la ville rhénane. L’attitude se retrouve dans toutes les grandes religions. Elle occupe même une position centrale dans la spiritualité musulmane. Pourquoi devrait-elle s’effacer chez nous ? Celui qui adore reconnaît qu’il n’est pas la source de lui-même : ce qu’il a, ce qu’il est lui viennent d’un Autre. Il reconnaît sa nudité — son néant, diraient les mystiques — ; il confesse sa dette envers un Dieu bienveillant qui lui a tout donné. Il assume sa dépendance totale envers Lui et l’en remercie40. L’adoration débouche ainsi sur la prière de louange par laquelle l’Église aime commencer chaque journée ; de manière naturelle, elle prolonge l’enchantement de chaque célébration eucharistique : « Recevoir l’Eucharistie signifie se mettre en attitude d’adoration envers Celui que nous recevons » (SC 66). À chaque période missionnaire, sa spiritualité. Pendant les dernières décennies, les pratiques de l’adoration eucharistique étaient tombées dans une quasi-désuétude chez nous ; elles suscitent aujourd’hui un regain de ferveur, en particulier auprès des plus jeunes (cf. SC 67-69). Pourquoi s’y opposer et pourquoi cultiver la suspicion à son endroit ? Certes, l’adoration eucharistique ne saurait répondre à toutes les incertitudes de la mission aujourd’hui ; mais on peut penser aussi qu’elle deviendra le point focal, si elle ne l’est pas déjà, la dévotion centrale de la “nouvelle évangélisation”.

VIII Transformation eucharistique

Les commentateurs pressés, ou ceux qui ne se préoccupent que d’action, ont surtout consulté la troisième partie de Sacramentum caritatis. Comme nous le rappelions plus haut, les déceptions se sont exprimées bruyamment : « Rien de nouveau » dans l’Église de Benoît XVI ! Est-ce si sûr ?

L’Eucharistie transfigure la vie chrétienne. Elle confère une responsabilité du témoignage (SC 85). Les illustrations en sont multiples. Le témoignage implique, par exemple, que le baptisé « vive selon le dimanche » : cela signifie vivre dans la conscience de la libération apportée par le Christ et accomplir son existence comme l’offrande de soi à Dieu, pour que sa victoire se manifeste pleinement à tous les hommes à travers une conduite intimement renouvelée (SC 72). Des pressions de toutes sortes, à commencer par les plus mercantiles, s’exercent sur les pouvoirs publics pour que le dimanche devienne un jour comme les autres, avec magasins et services publics ouverts. La mission prophétique qui incombe aux baptisés n’est rien moins qu’écologique : elle les presse d’éveiller au sens du repos — donc du travail — et de la gratuité (SC 74), de l’hygiène du corps, soucieux d’acquérir un rythme naturel, mais encore de l’entente du corps social où le dimanche conjuguerait de manière harmonieuse la famille, l’amitié et la culture.

L’Eucharistie appelle encore une cohérence de la vie personnelle et publique. La nouveauté de cette orientation a échappé à beaucoup. La distinction entre la sphère privée et la sphère publique, alors que chaque personne relève de l’une et de l’autre, qui a conduit à la fameuse opposition, établie par Max Weber, entre une « éthique de conviction » et une « éthique de responsabilité », ne s’avère-t-elle pas aujourd’hui ruineuse pour le témoignage chrétien41 ? Elle provoque nécessairement une rupture dans la conscience personnelle, comme si le sujet pouvait légitimement faire des choix moraux contraires entre eux, selon la place qu’il occuperait dans la société. Les évêques ont été nombreux à plaider pour une « cohérence eucharistique ». La seule considération de la responsabilité politique ne suffit pas. Il est, en effet, des valeurs fondamentales qui ne souffrent pas l’invocation du « moindre mal », ni ne sauraient faire l’objet d’une négociation, parce qu’elles ne reposent pas d’abord sur un consensus social, contrairement à ce que soutiennent les « éthiques procédurales ». Ce sont : le respect et la défense de la vie humaine, la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme, la liberté d’éducation des enfants et la poursuite du bien commun sous toutes ses formes (SC 83).

L’Eucharistie invite enfin à une transformation du monde. Le respect de la liberté religieuse apparaissait à Jean-Paul II comme l’un des tout premiers droits de l’homme. Il s’en était fait l’ardent défenseur dans les pays de l’Europe de l’Est, encore sous le joug communiste, ou en Amérique latine. L’Exhortation réaffirme ainsi la solidarité de l’Église avec ceux qui souffrent de l’absence de liberté de culte (SC 87). L’Église ne possède aucune recette politique ou économique. Sa « longue » culture, puisqu’elle a connu des civilisations aujourd’hui englouties, mais dont elle a conservé le meilleur, aussi bien que son « expertise en humanité » qui lui vient de l’adoration du visage de l’Homme par excellence, le Christ, lui a permis de forger une sagesse pratique connue sous le nom de « doctrine sociale » (SC 91). Le champ d’application de cette dernière est immense : service de la charité envers les frères dans le besoin (déjà analysé dans la seconde partie de l’encyclique Deus caritas est), transformation des structures injustes (SC 88), participation de tous à la responsabilité politique, réduction de l’écart entre les riches et les pauvres accentué par certains aspects de la mondialisation (SC 90), sauvegarde de la création (SC 92) … Il n’y a pas si longtemps, la doctrine sociale de l’Église était jugée vieillotte, tout juste bonne à être rangée au rayon des vieilles lunes. Elle trouve en ce moment un regain d’intérêt, non seulement chez les générations plus jeunes, avides de découvertes, mais aussi auprès de responsables politiques et économiques qui pourtant ne se réclament pas de la foi chrétienne. Le mouvement doit être encouragé ; aussi les Pères ont-ils suggéré que la doctrine sociale de l’Église figure en bonne place dans le Compendium eucharistique à venir (SC 93).

* *

*

La question abordée tout au long de cet article se prête à une formulation simple : comment donner — ou redonner — le sens et le goût du mystère eucharistique dans un contexte de sécularisation généralisée, ce que nous avons appelé l’urgence du mystère ? Sous ses aspects composites (il ne pouvait en être autrement pour un texte travaillé par un groupe de quelque trois cents personnes), l’Exhortation post-synodale Sacramentum caritatis ouvre des perspectives plus intéressantes que d’aucuns ont bien voulu le concéder. L’influence personnelle de Benoît XVI s’y montre évidente. Quatre clés sont ainsi livrées aux Églises locales comme autant de clés de leur futur : la capacité de s’émerveiller devant l’irruption de l’éternité dans le temps des hommes, l’urgence du don comme première condition de l’amour, la transcendance d’une beauté qui conduit à l’adoration, enfin l’enthousiasme eucharistique pour une transformation des hommes et du monde, à la fois morale et sociale.

Jusqu’à une date très récente, il était admis par la plupart des analystes de notre temps que les sociétés modernes étaient entrées dans le processus irréversible du « désenchantement du monde », selon la belle expression du sociologue français Marcel Gauchet qui s’inspirait lui-même de Heidegger. Le « sécularisme » a pénétré fort avant dans les esprits, jusque chez les chrétiens, au point que nous pouvons mettre l’auto-sécularisation de l’Église au premier rang des défis affrontés par la « nouvelle évangélisation ». Les retournements de l’Histoire restent largement imprévisibles. Au même moment où, de ce côté-ci de l’Atlantique, le « désenchantement » s’imposait avec la force d’un nouveau dogme, l’un des plus brillants sociologues de l’école de Chicago, Peter Berger42, soutenait, au contraire, que le monde moderne était entré dans une phase active de « ré-enchantement », et que cette caractéristique s’imposera avec plus d’évidence à mesure qu’avancera le XXIe siècle. Dans ce cas, l’Exhortation Sacramentum caritatis aura peut-être tracé les grandes lignes d’un nouveau chapitre de l’histoire de notre Église.

Notes de bas de page

  • 1 Dans Doc. Cath. 2290 (100, 2003) 368-390 (EE). Le pape avait déjà longuement parlé de l’Eucharistie en 1998, dans sa lettre apostolique Dies Domini sur la sanctification du dimanche (en particulier nos 31-54).

  • 2 Dans Doc. Cath. 2323 (101, 2004) 919-928. La Congrégation pour le culte divin avait publié l’Instruction Redemptionis Sacramentum, la même année.

  • 3 Il faut du temps … et de la patience. Les lendemains de concile ont rarement été pacifiés. Dans un entretien libre avec des prêtres du diocèse de Belluno-Feltre et de Trévise, Benoît XVI rappelle que le grand concile de Nicée, pourtant fondement de notre foi, n’a pas été suivi par un climat de réconciliation et d’unité, mais au contraire par une situation chaotique, faite de querelles les plus diverses. S. Basile comparait la situation de l’Église après ce concile à une bataille navale nocturne, où personne ne parvient à connaître les autres, et où tous sont contre tous … (cf. L’Osservatore romano en langue française, t. 58 no 32, du 7-14 août 2007).

  • 4 Décret sur la charge pastorale des évêques Christus Dominus 30 § 2.

  • 5 Ce discours est sans doute, avec celui de Ratisbonne, le 12 septembre 2006, un discours « fondateur » du pontificat actuel. Le pape y oppose une « herméneutique de la discontinuité et de la rupture », qui a rendu si problématique la réception du concile, en laissant croire que ce dernier constituait un commencement absolu, à l’« herméneutique de la réforme » et du renouveau dans la continuité de l’unique sujet-Église (dans Doc. Cath. 2350 [103, 2006] 59 s.). Il est certain que Benoît XVI a décidé de consacrer son action à faire admettre cette seconde interprétation.

  • 6 En réalité, la sécularisation débute en France au milieu du XVIIIe siècle : cf. Bruguès J.-L., Précis de théologie morale générale, Paris, Mame, 1995, p. 70-76. Elle s’est poursuivie depuis lors, mais avec une très nette accélération depuis les années 60. L’effacement des références chrétiennes dans la culture moderne a donné matière à une littérature abondante. Citons entre autres : Ferry L., L’homme-Dieu ou le Sens de la vie, Paris, Grasset, 1996 ; Debray R., Dieu, un itinéraire, Paris, O. Jacob, 2001 ; Finkielkraut A., Nous autres, modernes, Paris, Ellipses, 2005.

  • 7 Le Moyen Âge chrétien est très souvent associé à l’obscurantisme et à la violence religieuse. « Ce refus du Moyen Âge, analyse le médiéviste et philosophe Rémi Brague, traduit la volonté, au temps des Lumières, de rompre avec le christianisme ». Comme si les figures fondatrices de l’humanisme occidental, François d’Assise, Thomas d’Aquin, le roi Louis IX et le poète Dante, Bonaventure ou même Guillaume d’Occam, n’avaient pas existé ! Comme si la démocratie n’avait pas été inventée par les ordres religieux …

  • 8 C’est ainsi que les équipes du synode du diocèse d’Angers ont placé la formation au premier rang de leurs préoccupations.

  • 9 Que l’on veuille me pardonner de citer une nouvelle fois le diocèse d’Angers. La célébration de la dernière fête de Pentecôte, au cours de laquelle étaient confirmées 630 personnes, a su allier le recueillement au sens de la fête (ainsi que le recommandait SC 61) ; elle a reçu l’assentiment de toutes les sensibilités du diocèse.

  • 10 La même indigence, hélas, à la fois littéraire et théologique, se retrouve en de nombreux hymnes du bréviaire de langue française. Je dis cela avec tristesse : n’y a-t-il pas de la cruauté à imposer aux prêtres, aux diacres, aux religieux et à tous ceux qui s’associent à la prière de l’Église, des textes creux ou abscons, où la noirceur l’emporte sur l’espérance ?

  • 11 Les communautés dites nouvelles ont joué un rôle certain dans cette amélioration, comme aussi le talent de quelques liturges, tels que, entre autres, le P. André Gouzes.

  • 12 Comme celui qui nous invite à croire « en un Dieu qui croit (?) en l’homme » (Gambarelli).

  • 13 Une équipe synodale d’Angers s’étonnait même que, l’autorité diocésaine voulant tourner les regards vers l’avenir, « on ne fasse entendre à la messe que des textes anciens ». Et de proposer de les remplacer par des écrits contemporains …

  • 14 On connaît les analyses toujours suggestives, sinon révolutionnaires, de René Girard, proposées depuis La Violence et le sacré, et surtout Le Bouc émissaire. Pourtant, elles n’ont guère été reprises par les philosophes du moment ; elles n’ont pas produit en théologie les fruits espérés. Sans doute faudra-t-il encore du temps pour que ce thème inévitable, « incontournable », dirait-on, revienne au cœur de la réflexion et de la spiritualité chrétiennes.

  • 15 Le thème de la lumière occupe une grande place dans la théologie de S. Augustin. Cf. Commentaire sur la Genèse (chap. V et VI) ; Vingt-troisième discours sur le Psaume CXVIII ; Traité 34.

  • 16 On se rappelle que Jean-Paul II avait introduit une quatrième série de mystères dans la récitation du Rosaire : les mystères lumineux, parmi lesquels l’Institution de l’Eucharistie.

  • 17 Une suggestion de la lettre apostolique aurait mérité de trouver un plus grand écho chez nous : « Au cours de cette Année de l’Eucharistie, dans chaque communauté paroissiale, un engagement concret pourrait consister à étudier de manière approfondie la Présentation générale du Missel romain » (17).

  • 18 26 auditeurs laïcs et délégués des communautés non-catholiques s’étaient joints aux évêques.

  • 19 Il avait été dit et redit que les orientations votées en Assemblée devaient être remises au pape sans communication extérieure, afin de respecter sa liberté de décision. L’un d’entre nous n’a pas eu ce souci de délicatesse et, avec le courage de l’anonymat, les a transmises à la presse. Benoît XVI a joué « fair play » : il a demandé que l’ensemble des propositions fassent dès lors l’objet d’une publication officielle.

  • 20 Sacrement de l’amour. Sacramentum Caritatis. — « Guide de lecture », par A. Mattheeuws sj et A. Massie sj, Namur, Fidélité, 2007.

  • 21 Les références au CEC sont très nombreuses dans l’Exhortation post-synodale. Le familier du Catéchisme devrait donc se sentir à l’aise, aussi bien dans le plan de SC, que dans son argumentation. Mais qui est familier du CEC, du moins chez nous ? Cela reste pour moi un étonnement douloureux ; alors que le livre s’était vendu en des centaines de milliers d’exemplaires dès sa parution, en France, preuve qu’il répondait à une attente certaine, il se heurta à l’opposition sourde, mais constante, de la plupart des services de catéchèse qui, encore aujourd’hui, ne s’y réfèrent que lorsqu’ils ne peuvent agir autrement, pour la forme et comme du bout des lèvres. Bref, la grande majorité des catholiques de notre pays est tenue dans l’ignorance de cet ouvrage majeur pour la foi de notre temps, puisqu’il n’est pas autre chose que le catéchisme du concile de Vatican II. Gageons toutefois qu’il finira par s’imposer, comme l’avait fait son prédécesseur après Trente.

  • 22 C’est ainsi que, par exemple, je ne mentionnerai pas les passages relatifs à l’œcuménisme dont l’importance ne saurait échapper.

  • 23 « Là (il s’agit de la région située entre l’Inn et la Salzach où le futur pape passa son enfance), Mozart a imprégné nos âmes jusqu’au tréfonds, et il m’émeut toujours aussi intensément, parce que sa musique est si lumineuse et en même temps si profonde » (Ratzinger card. J., Le Sel de la terre. Entretiens avec P. Seewald, Paris, Flammarion/Cerf, 1997, p. 47).

  • 24 L’Exhortation parle longuement de la situation des divorcés remariés : « Il s’agit d’un problème pastoral épineux et complexe, une vraie plaie du contexte social actuel, qui touche de manière croissante les milieux catholiques eux-mêmes » (SC 29). La difficulté se situe donc sur le plan pastoral, non sur celui de la théologie.

  • 25 Né en Italie probablement, l’art baroque s’est imposé aisément en Allemagne, en Bohême et en Espagne. En France, il est toujours resté méconnu, sinon méprisé, ou vaguement suspect. « Luxe catholique dans le sens le plus sacristie et boudoir, écrivait Baudelaire. Coquetterie de la religion ». On lui reproche son exubérance, comme si l’exubérance était inconnue de l’Évangile … ou du Ciel, son goût pour les ors et les arts dispendieux, comme si la pauvreté des moyens liturgiques recherchée pour elle-même était un gage d’authenticité. Cf. le très classique Tapié V.L., Baroque et classicisme (1957), Paris, Hachette, 1980 ; Fernandez D., Le Banquet des anges, Paris, Plon, 1984 ; Maffesoli M., Au Creux des apparences, Paris, Plon, 1990.

  • 26 Le texte intégral a été publié dans l’édition française de L’Osservatore romano t. 56 (2005, no 41) 10-19. Il a fait l’objet d’une bonne analyse dans l’article-éditorial « Exhortación apostólica de Benedicto XVI », dans Humanitas 46/XII (2007) 357-360.

  • 27 Cf. Sombart E., La Musique au cœur de l’émerveillement, Paris, Lattès, 1997.

  • 28 1 Co 6,19.

  • 29 Cf. Solari Gr., « Liturgie et conversion. Présence de S. Augustin dans Sacramentum caritatis », dans Kephas no 22 (2007) 126.

  • 30 Cf. Salamolard M., « Eucharistie et transsubstantiation : du bon usage d’un concept », dans NRT 129 (2007) 388-401.

  • 31 Cf. Scola card. A., « Relatio post disceptationem » (cité supra n. 26), p. 13.

  • 32 « Je demande aux Pasteurs de veiller attentivement à la célébration du sacrement de la Réconciliation, en réservant la pratique de l’absolution générale exclusivement aux cas prévus, la forme personnelle étant la seule forme ordinaire » (SC 21).

  • 33 Cf. Thomas J., « L’exhortation apostolique Sacramentum caritatis. L’eucharistie : rien qu’un mystère d’amour ! », dans Kephas 22 (cité supra n. 29), 117-123.

  • 34 Cf. Constitution sur la sainte liturgie Sacrosanctum concilium (14-20 ; 30s. ; 48s.).

  • 35 En raison du sacerdoce commun des baptisés, les fidèles représentent aussi le Christ, mais d’une manière différente. C’est ainsi que, au moment de dire ou de chanter les oraisons prévues par la célébration eucharistique, le prêtre peut se tourner soit vers l’autel, soit vers l’assistance.

  • 36 Outre la participation du prêtre et du diacre, des autres ministères liés au service liturgique, et de l’assemblée tout entière, évoquée ici, sont mentionnées la participation des chrétiens non-catholiques, des malades, des prisonniers et des migrants, ou encore celle rendue possible par les moyens de communication, sans oublier les modèles de participation liés aux cultures locales.

  • 37 Cf. Piret P. sj, L’Art et le Christianisme, Bruxelles, Lessius, 2007.

  • 38 « Naturellement, les fêtes liturgiques nous fascinaient, avec la musique et toute cette abondance d’ornements et d’images. C’était l’un des côtés captivants. L’autre, c’était l’intérêt rationnel que m’inspirait d’emblée le message de la religion. J’ai été pour ainsi dire conduit pas à pas dans la marche de ma propre pensée » (Ratzinger card. J., Le Sel … [cité supra n. 23], p. 49-50). Cette émotion de tout l’être n’est pas sans rappeler les confidences de S. Augustin : « Combien j’étais ému … lorsque j’entendais retentir dans votre Église le chœur mélodieux des hymnes et des cantiques qu’elle élève sans cesse vers vous ! Tandis que ces célestes paroles pénétraient dans mes oreilles, votre vérité entrait par elles doucement dans mon cœur » (rapporté dans Solari Gr., « Liturgie … » [cité supra n. 29], p. 128).

  • 39 Cf. Hennaux J.-M. sj, « L’adoration eucharistique », dans NRT 123 (2001) 574-582.

  • 40 Cf. ma lettre pastorale pour la Pentecôte 2007 : « L’Esprit Saint ? J’adore ! » (numéro spécial de L’Église d’Anjou, mai 2007).

  • 41 Le théologien américain Stanley Hauerwas, chef de file des « contextualistes » ou des « communautariens », soutient que « l’Église n’existe pas pour fournir un ethos à la démocratie ou à toute autre forme d’organisation sociale, mais pour s’affirmer comme une alternative politique à chaque nation, en rendant témoignage au genre de vie sociale accessible à ceux qui ont été formés par l’histoire du Christ » (dans Hauerwas St., A Community of Character, Notre-Dame/London, Univ. of Notre Dame Press, 1981).

  • 42 Berger P., Le Ré-enchantement du monde (1999), Paris, Bayard, 2001. L’auteur prévoit que ce processus sera particulièrement marquant dans les sociétés musulmanes et chez les évangélistes chrétiens. L’Europe resterait en marge du phénomène. Cf. Poupard card. P., « Annuncio, dialogo e testimonianza di fronte alle sfide della secolarizzazione in Europa », dans Culture e fede XV/2 (2007) 121s.

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