Balthasar ne formule pas une nouvelle doctrine de la Trinité, comme il en a été injustement accusé par certains critiques; il en fait plutôt une herméneutique théologique, pour rendre plus intelligible la révélation de la Trinité dans l'histoire du salut. En effet, sur le plan de l'intellectus fidei, on ne peut parvenir à une stricte correspondance, comme le soutenait Karl Rahner, entre la Trinité économique et la Trinité immanente. Car si cette réciprocité est absolue dans l'ordre de la nature (la consubstantialité), elle se présente autrement dans l'ordre des missions ad extra. L'inversion trinitaire de Balthasar, en tant qu'herméneutique de la Trinité à travers la mission du Christ, vient nuancer cette réciprocité entre ce qu'est le mystère de Dieu en lui-même et Dieu se révélant dans l'économie, à travers la médiation unique du Fils. Il s'agit donc, pour ainsi dire, d'un argument de convenance qui explicite, à sa manière, l'implication de la Trinité dans la dramatique du salut. On peut comprendre cet argument au sens où l'entendait saint Thomas, à savoir que «le mystère de l'Incarnation ne s'est pas accompli du fait que Dieu aurait changé de quelque manière l'état dans lequel il existe de toute éternité, mais du fait qu'il s'est uni à la créature, ou plutôt qu'il se l'est unie, de façon nouvelle» (S. Th. IIIa 1, 1, ad 1m).