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Qui est, dans le Deutéronome, le successeur de Moïse?

Jean-Louis Ska s.j.
Quel statut accorder au dernier livre du Pentateuque? L'A. rappelle les essais de définition d'un texte consacré tout entier aux dernières paroles de Moïse. Il rapproche ce «testament» du traité de vassalité du roi assyrien Esarhaddon destiné à assurer sa succession. Il répond alors à la question que pose la lecture du Deutéronome: qui est le successeur de Moïse?

Il n’est sans doute pas inutile de préciser la question à laquelle nous voudrions répondre dans cet article1. La question est de savoir comment définir l’ensemble des trente-quatre chapitres qui concluent le Pentateuque, tels qu’ils ont été transmis par la synagogue et les premières communautés chrétiennes. Il est certain que le Deutéronome est devenu ce qu’il est aujourd’hui dans le canon des Écritures juives et chrétiennes. De très nombreux travaux, récents et moins récents, nous convainquent, si besoin en était, que le texte actuel n’est pas d’une seule venue2. Il est le fruit de nombreuses interventions successives qui invitent à voir dans cet ensemble un monument auquel ont travaillé plusieurs architectes, constructeurs et décorateurs. Ce travail s’est étendu sur un laps de temps assez long. Ce n’est pas le but de cet article de retracer cette histoire qui est de toute manière assez complexe et qui continue à nous échapper en partie. La question concerne plutôt l’œuvre dans son état actuel. Quelle est l’idée générale qui permet de comprendre à quoi peut servir cette construction ? S’il y a des ajouts tardifs sans grande importance, ils ont pu modifier l’aspect général ou la décoration de certaines parties, mais ils n’ont pas modifié la fonction de l’ouvrage. En d’autres termes, nous allons chercher à savoir quelle est l’idée générale qui a pu présider à la structuration de ce que nous appelons aujourd’hui le Deutéronome. Dans un premier temps, nous allons résumer les essais récents dans ce domaine. Ensuite, nous allons proposer une idée plus personnelle.

I Essais de définition du Deutéronome3

Le Deutéronome se présente tout d’abord comme la conclusion d’un long récit qui commence avec la création du monde, en Gn 1,1 et se termine avec la mort de Moïse en Dt 34. Ce récit, qui constitue le Pentateuque, a pour objet l’origine de l’univers (Gn 1-11), puis celle du peuple d’Israël. Cette seconde partie peut aisément être subdivisée en deux sections. La première traite des ancêtres d’Israël, les patriarches (Gn 12-50) et la seconde, de la naissance d’Israël comme peuple (Exode - Deutéronome). Le personnage principal de cette seconde section est bien sûr Moïse. Le récit se termine par les discours que Moïse adresse au peuple d’Israël le dernier jour de son existence (Dt 1,1-3 ; 31,1-2.14.16 ; 32,48-52 ; 34,1-12). Une première définition, très simple et très formelle, serait donc de dire que le Deutéronome contient le récit du dernier jour de la vie de Moïse4. C’est par ailleurs de loin « le jour le plus long » de tout le Pentateuque. En termes techniques, nous avons trente-quatre chapitres de temps racontant pour une douzaine d’heures environ de temps raconté 5. La question qui surgit immédiatement est bien entendu de savoir pourquoi ce jour est aussi important. Définir le Deutéronome comme le récit du dernier jour de Moïse n’est certes pas faux, mais c’est également peu satisfaisant.

Une deuxième possibilité serait de dire que le Deutéronome contient les actes de cette dernière journée de Moïse. Nous aurions donc une sorte d’archives qui rassemblent les faits et les dires de Moïse. Moïse prononce, au cours de cette journée, trois longs discours (1,1-4,43 ; 4,44-28,68 ; 28,69-32,52) et une bénédiction (33,1-29)6. Ces discours sont d’inégale longueur, le second étant de loin le plus étendu (4,44-28,68). Le troisième (28,69-32,52) est entrecoupé de brefs discours divins (31,14a.16-18 ; 32,48-52), de courts passages narratifs (31,9.14b-15 ; 32,44), et il n’est guère unifié. Le cantique de Moïse, par exemple (31,30-31,44), est une œuvre poétique qui surprend quelque peu dans un ouvrage très prosaïque. Par ailleurs, il existe plus d’une différence entre le texte grec de la Septante (lxx) et le texte massorétique. Il semble bien que la conclusion des discours se trouvait à l’origine en Dt 31,1 s’il faut en croire le texte grec (lxx), confirmé par un texte de Qumrân, qui dit ceci : « Moïse acheva de dire ces paroles à tous les Israélites »7. Une phrase très semblable se retrouve en Dt 32,45, cette fois dans le texte hébreu et dans la lxx. La meilleure explication est aussi la plus simple : ces chapitres ont été retravaillés et quelques sections ont été ajoutées en finale en plusieurs étapes successives.

Tout ceci pour arriver à une conclusion assez simple : la définition d’archives reste trop vague puisqu’elle ne dit rien du contenu exact de cette collection de discours, de poèmes, et de brefs passages narratifs. Peut-on aller plus loin ?

Nous en arrivons ainsi à la définition la plus répandue et la plus obvie aussi : le Deutéronome contient les discours d’adieu de Moïse et les passages narratifs ont pour premier but de renseigner sur les circonstances de ces discours. Il existe plusieurs exemples de discours d’adieu dans l’Ancien Testament. Les plus cités sont ceux de Jacob (Gn 49), de Josué (Jos 23), de Samuel (1 S 12), et de David (2 S 23,1-7 ; cf. 1 R 2,1-9) ; dans le Nouveau Testament, tout le monde connaît les discours d’adieu de Jésus dans l’évangile de Jean (Jn 13-17) ou celui de Paul aux anciens d’Éphèse à Milet (Ac 20,17-38)8. Si le genre littéraire est bien attesté, il n’en reste pas moins problématique. Personne, jusqu’à présent, n’a réussi à trouver une forme ou une structure commune à ces différents textes. Par ailleurs, il est une autre question qui ne peut manquer de se poser : pourquoi avons-nous des discours d’adieu de certains personnages et pas d’autres ? Quelle est concrètement la raison pour laquelle un livre entier est consacré aux dernières paroles de Moïse ?

Pour répondre à cette question, de nombreux exégètes ont suggéré d’analyser le contenu du Deutéronome. Ils ont noté entre autres la présence d’un important code de lois (Dt 12-26) et plusieurs allusions à l’alliance (Dt 4,13.23 ; 5,2-3 ; 7,9.12 ; 8,18 ; 9,9.11.15 ; 10,8 ; 17,2 ; 28,69 ; 29,11.13.20.24 ; 31,9.16.20.25.26 ; 33,9 ; cf. 4,31 ; 7,2). Les discours de Moïse ont par conséquent une portée juridique indéniable9. Ils ont pour but d’engager le peuple dans un contrat, une « alliance » (berît) qui le lie à son Dieu et Seigneur10.

Sans entrer dans tous les détails de cette proposition, il conviendrait donc de définir les discours d’adieu de Moïse comme un testament qui engage publiquement le peuple à rester fidèle à son Dieu, en particulier à la loi de son Dieu et à l’alliance avec son Dieu. À ce propos, il est essentiel de noter quelques similitudes avec d’autres discours d’adieu.

Les textes les plus proches du Deutéronome sont sans aucun doute les testaments de Josué et de Samuel11. En effet, ces deux responsables veulent conjurer l’avenir alors qu’ils doivent passer la main. Ils veulent engager le peuple à rester fidèle à leur « politique », au sens propre du terme, c’est-à-dire à leur idée de la « polis », à leur projet de société. Sur ce point, le testament de Josué contient deux termes-clés. Le premier est celui de fidélité « à ce qui est écrit dans le livre de la Loi de Moïse » (Jos 23,6 ; cf. 1,7-8). L’autre terme apparaît dans la conclusion : « l’alliance que Yhwh votre Dieu vous a prescrite » (Jos 23,16). Ces deux termes, le livre de la Loi et l’alliance, sont bien sûr présents dans le Deutéronome. Cela ne surprendra personne puisque le chapitre 23 de Josué est l’un des textes qui est depuis longtemps attribué aux auteurs de l’école deutéronomiste12.

Samuel emploie un autre vocabulaire, mais lui aussi cherche à conjurer l’avenir et à s’assurer que le peuple restera fidèle à son Dieu, au Dieu de l’exode. Le passage le plus important, à notre avis, est le suivant (1 S 12,14-15)13 :

Si vous craignez Yhwh, si vous le servez, si vous écoutez sa voix sans vous révolter contre les ordres de Yhwh, alors vous-mêmes et le roi qui règne sur vous, vous continuerez à suivre Yhwh, votre Dieu. Mais, si vous n’écoutez pas la voix de Yhwh, si vous vous révoltez contre les ordres de Yhwh, la main de Yhwh vous atteindra ainsi que vos pères.

Pour Josué tout comme pour Samuel, l’avenir du peuple dépend de sa fidélité à son Dieu et à sa volonté. C’est aussi ce que dira David à Salomon (1 R 2,1-4) :

1 David approchait du moment de sa mort, et il donna ses ordres à Salomon, son fils, en disant : 2 Je m’en vais par le chemin de toute la terre. Fortifie-toi, et sois un homme ! 3 Observe les commandements de Yhwh, ton Dieu, en marchant dans ses voies, et en gardant ses lois, ses ordonnances, ses jugements et ses préceptes, selon ce qui est écrit dans la loi de Moïse, afin que tu réussisses dans tout ce que tu feras et partout où tu te tourneras, 4 et afin que Yhwh accomplisse cette parole qu’il a prononcée sur moi : Si tes fils prennent garde à leur voie, en marchant avec fidélité devant moi, de tout leur cœur, et de toute leur âme, tu ne manqueras jamais d’un successeur sur le trône d’Israël.

La parenté avec le texte de Josué est évidente. Nous avons une autre allusion très claire à la loi de Moïse de laquelle dépend le succès de toutes les entreprises du futur roi14. Les personnages que nous venons de citer sont par ailleurs liés à des événements importants de l’histoire d’Israël. Moïse est bien sûr un personnage central du passé d’Israël, le plus important même. Josué est celui qui fait entrer le peuple dans la terre promise et il est son premier dirigeant dans cette terre. Samuel est à la charnière entre l’époque des Juges et celle de la royauté. David est le fondateur de la plus importante dynastie de l’histoire biblique. Il ne fait pas de doute que le Deutéronome tout entier est à situer dans ce même cadre, celui d’un temps crucial pour l’histoire du peuple d’Israël : il est face au Jourdain et face à un avenir tout entier à construire dans une terre tout entière à conquérir15. La conclusion de ces brèves réflexions est assez claire. Le Deutéronome se présente bien comme un testament. De plus il s’agit du testament d’un responsable du peuple, d’un dirigeant, et non pas n’importe lequel puisque Moïse est le fondateur d’Israël. Redisons que le concept de testament est plus précis que celui de discours d’adieu en raison de son caractère juridique. Les héritiers sont tenus à respecter les clauses d’un testament et c’est bien l’intention du Deutéronome.

II Le Deutéronome et le Traité de Vassalité d’Esarhaddon (672 av. J.-C.)16

La question qui reste à poser est simple. D’où vient l’idée de faire du Deutéronome un testament ? Existe-t-il un parallèle à ce document qui engage tout un peuple de façon publique et solennelle ? Il est un texte découvert il y a un peu plus de soixante ans qui a attiré l’attention des exégètes du Deutéronome et qui va se révéler très utile à notre propos. Il s’agit d’un traité de vassalité conclu par le roi assyrien Esarhaddon avec un certain nombre de ses vassaux à propos de sa succession. Esarhaddon est le fils du roi Sennachérib, bien connu de la Bible, et il est père du célèbre Assurbanipal17.

Dès sa publication en 1958, ce texte a attiré l’attention des exégètes qui ont noté les nombreuses similitudes entre certaines de ses formulations et celles du Deutéronome. Le Traité reprend un formulaire connu à l’époque néo-assyrienne, mais il l’applique à un cas assez particulier, celui de la succession au trône. Le roi Esarhaddon cherche en effet à éviter les troubles qui accompagnent généralement la fin d’un règne. Il conclut par conséquent une alliance avec un certain nombre de ses vassaux en leur faisant promettre fidélité à celui de ses fils qu’il a choisi pour lui succéder sur le trône d’Assyrie, Assurbanipal. Deux éléments dans ce Traité sont essentiels pour la compréhension du Deutéronome. 1) Il s’agit d’un traité entre un suzerain et ses vassaux, et donc d’un traité de vassalité. 2) Le second élément, qui nous intéressera de plus près, est le problème de la succession, puisque c’est aussi le problème du Deutéronome.

Pour renforcer notre argument, il n’est pas inutile de rappeler que, désormais, la plupart des exégètes admettent que le Traité de Vassalité d’Esarhaddon est bien une des sources du Deutéronome18. Les similitudes sont trop évidentes pour être simplement fortuites ou pour être attribuées seulement à une culture commune. Cela vaut en particulier pour trois textes ou séries de textes. La première se trouve dans la liste des malédictions de Dt 28 où non seulement les formulations, mais aussi la séquence des malédictions sont identiques ou presque à ce que l’on trouve dans une partie du Traité de Vassalité d’Esarhaddon19.

La deuxième série de parallèles se trouve dans le chapitre 13 du Deutéronome, une série de lois qui demandent de dénoncer les apostats. Ces lois ont leurs parallèles dans les prescriptions qui exigent des vassaux qu’ils dénoncent les traitres à l’alliance20. Récemment, Bernard M. Levinson a montré que la formule du canon a elle aussi un parallèle dans le Traité d’Esarhaddon : « Toutes les paroles des commandements que je vous donne, vous veillerez à les pratiquer ; tu n’y ajouteras rien et tu n’y enlèveras rien » (Dt 13,1)21.

Enfin, c’est la célèbre formulation de Dt 6,5 — « Tu aimeras Yhwh ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force » — qui a son parallèle dans une stipulation du Traité d’Esarhaddon : « Si vous n’aimez pas le prince désigné Assurbanipal, fils de votre souverain Esarhaddon, roi d’Assyrie, comme vous aimez votre propre vie (comme vous-même) (…) » (l. 266-268)22.

Que les auteurs du Deutéronome aient été au courant de ce Traité de Vassalité ne doit pas étonner outre mesure. À l’époque où ce Traité a été conclu entre Esarhaddon et ses vassaux, le roi de Juda, Manassé (687-642) était un vassal de l’Assyrie23. Nous avons deux preuves indéniables de ce fait. Manassé, roi de Juda, est en effet mentionné dans une liste de vassaux d’Esarhaddon (vers 674 av. J.-C.) et sur le Prisme C d’Assurbanipal qui a régné de 668 à 627 av. J.-C.24. La première liste est certes la plus importante. Il est donc probable — même si nous n’en avons pas de preuve tangible — qu’une copie du Traité ait été envoyée à Jérusalem. La destruction de la ville en 587/586 av. J.-C. explique la disparition de bien des documents. Il est de toute manière indéniable que le Traité de Vassalité d’Esarhaddon a laissé des traces visibles dans la rédaction du Deutéronome.

À notre avis, il est toutefois un point qui mériterait davantage d’être souligné : c’est l’intention même du Traité qui est d’assurer la succession du souverain. Esarhaddon veut que son règne reste stable après sa mort. Il s’agit donc bien d’un testament et d’un acte juridique qui cherche à régler un problème de succession. Les points communs avec le Deutéronome sont assez clairs. Les principaux sont les suivants :

Traité de Vassalité d’Esarhaddon

Deutéronome

Esarhaddon conclut un traité avec ses vassaux

Dieu conclut un traité avec son peuple Israël

Les vassaux s’engagent à accepter Assurbanipal comme héritier du trône

Israël s’engage à observer la Loi (torah) de son Dieu

Le Deutéronome opère donc une double réinterprétation du Traité de Vassalité d’Esarhaddon. Tout d’abord, et c’est ce qu’ont souligné de nombreux exégètes, le vrai suzerain d’Israël n’est pas le roi d’Assyrie, c’est Yhwh, son unique Dieu et Seigneur25. La seconde relecture du Traité est tout aussi importante : assurer la succession de Moïse. C’est ce que je vais essayer de montrer dans les paragraphes suivants.

1 Le problème de la succession

On a pu dire que l’originalité du Traité d’Esarhaddon réside dans le fait qu’il n’a pratiquement qu’un seul but : assurer la succession du roi26. Une phrase revient à plusieurs reprises dans ce texte et donne le ton à l’ensemble : « Lorsque le roi Esarhaddon aura quitté ce monde »27. C’est bien sûr l’éventualité du décès d’Esarhaddon qui donne au Traité sa solennité toute particulière.

Le Deutéronome, dans son état actuel, relève du même genre littéraire. Les circonstances littéraires du livre sont bien connues : Moïse prononce quatre discours le dernier jour de sa vie. La chose n’est pas dite explicitement dès le début, mais le lecteur averti devine assez rapidement que le premier jour du onzième mois de la quarantième année du séjour au désert est bien le dernier jour de la vie de Moïse. Il ne restera aucun doute à ce sujet après avoir lu 31,1-3 et 32,48-52. Auparavant, d’autres textes auront déjà fait référence à la mort imminente de l’homme de Dieu. Ils répètent que Moïse ne pourra pas entrer dans la terre promise en raison d’une faute qui n’est pas toujours facile à identifier (2,37-38 ; 3,2328 ; 4,21-22). Moïse fait appel de cette sentence devant Dieu, mais en vain (3,23-28). Il est par ailleurs très clair qu’Israël s’apprête à traverser le Jourdain pour entrer dans la terre qu’il aperçoit de loin (Dt 1,1.5).

À d’autres endroits, Moïse parle lui-même de ce qui se passera après sa mort (31,27.29). L’homme de Dieu envisage les tentations qui guetteront le peuple, le plus grand péril étant celui de l’infidélité. C’est pour cette raison que le Deutéronome parle si souvent du danger d’oublier l’alliance ou l’expérience du désert28 et qu’il est parsemé d’appels à se souvenir 29.

Il est donc légitime de penser que les auteurs du Deutéronome aient repris un autre élément important du Traité d’Esarhaddon, en l’occurrence la problématique de « l’après », l’après Esarhaddon pour le Traité de Vassalité du grand roi assyrien et l’après Moïse pour le Deutéronome.

Un second élément permet de corroborer cette vue. C’est l’attention commune, dans le traité de vassalité d’Esarhaddon et le Deutéronome, aux générations futures. Le Deutéronome est très clair à ce sujet, par exemple Dt 5,3 : « Ce n’est pas avec nos pères que Yhwh a conclu cette alliance, c’est avec nous, nous qui sommes là aujourd’hui, tous vivants ». Dans le cadre du Deutéronome, il est important de montrer la valeur permanente de l’alliance conclue à l’Horeb. Il ne s’agit pas d’un souvenir du passé, il s’agit d’une exigence pour le présent. L’événement de l’Horeb n’a pas une portée limitée à la première génération de l’Exode, guidée par Moïse, il a une portée actuelle, pour la génération qui s’apprête à traverser le Jourdain et à entrer dans la terre promise sous la conduite de Josué.

Le second texte est encore plus explicite parce qu’il parle des générations futures. Lorsque l’alliance est conclue en Dt 29,9-14, il est spécifié que cette alliance engage également les descendants de la génération actuelle : « Cette alliance proclamée avec imprécations, je ne la conclus pas seulement avec vous, mais avec celui qui se tient là avec nous aujourd’hui devant Yhwh notre Dieu aussi bien qu’avec celui qui n’est pas là avec nous aujourd’hui » (29,13-14). Cette attention aux générations futures parcourt tout le livre30.

Ces textes se comprennent mieux s’ils sont rapprochés des allusions très claires aux générations futures présentes dans le Traité d’Esarhaddon. Là, il est plus souvent question des « fils et petits-fils », mais l’insistance est la même. Le roi veut créer une situation stable qui dure plus qu’une seule génération. En d’autres termes, il veut conjurer tous les dangers qui pourraient menacer la stabilité de sa dynastie après son décès. Le thème apparaît dès le prologue du Traité qui est conclu non seulement avec les vassaux, mais avec « leurs enfants et leurs petits-enfants » (Traité, 1). De même, il est demandé aux vassaux de donner ordre que le Traité soit observé par leurs enfants et leurs petits-enfants (Traité, 25, 34, 57).

Il est un troisième élément qui nous fait dire que le Deutéronome a repris et utilisé des éléments essentiels du Traité de Vassalité d’Esarhaddon. Il s’agit du problème de la possible rébellion des vassaux. Le Traité cherche par tous les moyens à conjurer une telle éventualité. D’où l’obligation de s’engager par serment devant les dieux et la longue liste des malédictions qui vont s’abattre sur ceux qui oseraient remettre en question leur promesse d’accepter les conditions de la succession (Traité, 37-106).

Le Deutéronome est lui aussi très attentif à cette possibilité et il utilise à cet effet une longue série de moyens. D’un côté, il utilise les procédés connus de l’époque et présents dans le Traité d’Esarhaddon : les promesses et les menaces. Yhwh promet de soutenir son peuple, de l’accompagner et de le faire prospérer dans la terre s’il est fidèle à ses engagements. Il est inutile d’insister sur cet élément qui est récurrent dans tout le livre. Citons seulement ces quelques mots situés à la fin des discours d’exhortations, juste avant le code deutéronomique, en Dt 11,26-2831 :

26 Vois : je mets aujourd’hui devant vous bénédiction et malédiction : 27 la bénédiction si vous écoutez les commandements de Yhwh votre Dieu, que je vous donne aujourd’hui, 28 la malédiction si vous n’écoutez pas les commandements de Yhwh votre Dieu, et si vous vous écartez du chemin que je vous prescris aujourd’hui pour suivre d’autres dieux que vous ne connaissez pas.

Par ailleurs, le Deutéronome innove par rapport au Traité d’Esarhaddon puisqu’il parle non seulement du futur, mais il s’appuie également sur le passé. Certes, de nombreux traités comportent un « prologue historique » qui énumère les bienfaits accordés par le suzerain à son vassal ou ses vassaux. Le Deutéronome, toutefois, va plus loin puisqu’il consacre une longue page à décrire une première rébellion d’Israël contre son Dieu, l’épisode du veau d’or (Dt 9,7-10,11)32. L’introduction mérite d’être citée intégralement : « Souviens-toi, n’oublie pas que tu as irrité Yhwh ton Dieu dans le désert. Depuis le jour où tu es sorti du pays d’Égypte jusqu’à votre arrivée ici, vous avez été en révolte contre Yhwh ». Israël s’est déjà rebellé contre son Dieu et il a pu en mesurer les conséquences. Il n’a pu échapper au châtiment que grâce à l’intercession de Moïse. Que cela lui serve de leçon.

Il y a plus encore. Le Deutéronome ne se fait aucune illusion sur la fidélité d’Israël et prédit les rébellions futures. Le thème est présent surtout dans les derniers chapitres du livre lorsqu’approche le moment de dire adieu à Moïse. Dt 29,21-28 décrit à l’avance les fléaux qui s’abattront sur le pays en raison de l’infidélité du peuple. Il parle en particulier de la perspective de l’exil (29,27). Dt 30,1-14 continue sur la même lancée et prévoit la conversion et le retour d’exil qui suit cette conversion. L’obéissance renouvelée à la Loi sera garantie d’une nouvelle ère de prospérité. Dt 31,14-18 contient l’un des rares discours divins dans le Deutéronome, ce qui lui donne une importance toute spéciale. Or, dans ce discours, Dieu lui-même prédit que le peuple lui sera infidèle et qu’il rompra l’alliance (31,16). Dieu sera donc obligé de le châtier comme prévu par les clauses de l’alliance (31,17-18). Le cantique de Moïse aura pour but de témoigner contre le peuple lorsqu’il sera infidèle. Il témoignera surtout d’une chose : Dieu et Moïse ne s’étaient pas trompés lorsqu’ils avaient émis des doutes sur la persévérance de son peuple (31,19-21). Enfin, Moïse lui-même prédit qu’après sa mort le peuple qui s’est rebellé dans le désert continuera à se rebeller une fois entré dans la terre promise (31,27.29).

Quant aux bienfaits de Dieu, Israël a aussi pu en faire l’expérience. Les textes sont nombreux, mais le plus explicite est le long discours du chapitre 8, un chapitre sans doute assez récent. Le chapitre tout entier est construit sur un jeu de contrastes entre la mémoire des bienfaits du passé et les dangers du futur. Deux impératifs peuvent résumer le message du chapitre : « Souviens-toi » (Dt 8,2) et « Garde-toi d’oublier » (8,11). Souviens-toi des épreuves du désert et garde-toi d’oublier Yhwh ton Dieu lorsque tu seras entré dans le pays. Les leçons du passé devraient convaincre Israël de rester fidèle à son Dieu dans le futur. En d’autres termes, le futur d’Israël dépend de sa fidélité à son passé. Le suzerain Yhwh a déjà fait la preuve de sa puissance et de sa bienveillance. Il n’y a donc pas de raison de changer de Dieu. Cette rhétorique a bien sûr pour but de persuader Israël de rester à jamais fidèle à son Dieu.

En conclusion, il semble assez clair que le Deutéronome est influencé par les traités de vassalité, en particulier par le Traité d’Esarhaddon. Il insiste sur l’imminence de la disparition de Moïse, sur les devoirs qui incombent à Israël après la disparition de son chef charismatique et sur les conséquences d’une éventuelle infidélité à l’héritage de Moïse. Mais il reste une question à résoudre. Le successeur désigné d’Esarhaddon est son fils Assurbanipal en ce qui concerne le trône d’Assyrie et son frère en ce qui concerne le trône de Babylone. Mais qui est le successeur de Moïse ?

2 Le problème du successeur

Une première réponse est de voir en Josué le successeur de Moïse. Il en est question dès Dt 3,21.28 et son nom réapparaît à la fin du livre, en Dt 31,3.7.14.23. Il est clair toutefois que Josué n’a qu’une seule mission : faire entrer le peuple dans la terre, c’est-à-dire terminer ce que Moïse n’a pu lui-même achever. Il guidera le peuple, tout comme Moïse, il prendra toutes les décisions qu’il incombe à un chef de prendre chaque fois que cela sera nécessaire33.

Par contre, le peuple n’est jamais appelé à jurer sa loyauté à Josué, il ne doit pas lui promettre fidélité jusqu’à la troisième génération, il n’est pas obligé de dénoncer qui serait tenté de le trahir, et ce n’est pas lui que le peuple doit « aimer de toutes ses forces », mais bien Yhwh, le Dieu d’Israël. Enfin, Josué lui-même n’a pas de vrai successeur.

Une autre possibilité est offerte par « le prophète semblable à Moïse » que Dieu lui-même suscitera et que le peuple devra écouter (Dt 18,15.18)34. Ce personnage mystérieux peut être un individu ou représenter la longue lignée des futurs prophètes35. Il est sans doute permis de penser que les prophètes bibliques sont, jusqu’à un certain point, les successeurs de Moïse. Le Siracide, par exemple, dira que Josué est le successeur de Moïse « dans la fonction prophétique » (Si 46,1). Cette possibilité n’est certainement pas à exclure.

Toutefois, il faut ajouter deux choses. Tout d’abord l’allusion reste assez vague et isolée. Il n’est plus rien dit à son propos en dehors de Dt 18,15.18. Ce personnage est loin d’avoir la place occupée par Assurbanipal dans le Traité d’Esarhaddon. En second lieu, la Bible insiste à plusieurs reprises sur la « fin de la prophétie » (Lm 2,9 ; Ez 7,26 ; Dn 3,38 [lxx] ; Mi 3,6 ; Ps 74,9). Moïse serait-il donc condamné à rester sans successeur ? Sans exclure complètement cette seconde possibilité, il n’est pas interdit de chercher plus loin.

L’idée est la suivante : là où le Traité de Vassalité d’Esarhaddon parle du successeur, en l’occurrence d’Assurbanipal, le Deutéronome parle de la Loi (Torah) de Moïse. La chose n’est pas simple parce que la succession de Moïse et celle d’Esarhaddon sont très différentes sur plus d’un aspect. La Loi ne peut pas simplement prendre la place du fils du roi. Il ne s’agit pas non plus d’une succession dynastique. Enfin, la Loi joue un double rôle dans la perspective que j’essaie de développer. D’une part, elle contient les stipulations de l’alliance entre Yhwh et son peuple. De l’autre, elle devient l’objet du Traité lui-même puisque c’est elle qui devient signe de la présence du suzerain Yhwh au milieu du peuple d’Israël.

Sur un point essentiel, toutefois, il est permis de tracer un parallèle entre le successeur d’Esarhaddon et la Torah dans le Deutéronome. Le Traité de Vassalité d’Esarhaddon a un but unique : s’assurer que les vassaux de l’Assyrie seront fidèles au successeur du Grand Roi après la disparition de celui-ci. Le Deutéronome a lui aussi un but principal : s’assurer que le peuple restera fidèle à l’alliance avec son Dieu, concrètement à la Torah de son Dieu, après la disparition de Moïse.

Le parallélisme est moins basé sur des emprunts directs que sur un transfert de compétence, s’il est permis de s’exprimer ainsi. Je vais donc comparer certaines formulations du Traité d’Esarhaddon avec d’autres qui proviennent du Deutéronome pour montrer que, là où le Traité d’Esarhaddon parle du successeur du roi, le Deutéronome parle de la Loi. C’est surtout dans les chapitres finaux du Deutéronome que cette similitude apparaît avec plus de force. Ces textes sont plus récents et il ne faut pas s’étonner que la Loi prenne plus d’importance ici comme ailleurs36.

Un premier texte se trouve en finale du chapitre 32, juste à la fin du Cantique de Moïse. Il parle toutefois de la Loi et non du Cantique (Dt 32,46-47) :

46 [Moïse] leur dit : « Prenez à cœur toutes les paroles par lesquelles je témoigne aujourd’hui contre vous, et ordonnez à vos fils de veiller à mettre en pratique toutes les paroles de cette Loi. 47 Car il ne s’agit pas d’une parole sans importance pour vous ; cette parole, c’est votre vie, et c’est par elle que vous prolongerez vos jours sur la terre dont vous allez prendre possession en passant le Jourdain ».

Le point commun entre cette injonction à observer la Loi et le Traité d’Esarhaddon est la mention des fils auxquels il faut ordonner d’obéir à la même Loi. De cette obéissance dépend la vie du peuple. Or, le Traité d’Esarhaddon est conclu non seulement avec les vassaux, mais aussi avec leurs fils et leurs petits-fils, comme nous l’avons vu : « Ceci est le Traité que Esarhaddon, roi de la terre, roi d’Assyrie (…) avec Ramatya, gouverneur de la ville de Urakazabanu, avec ses fils et ses petits-fils (…) » (Traité, 1). Plus loin, il est clairement dit que les vassaux doivent donner ordre à leurs fils et petits-fils de rester fidèles à ce Traité en faveur d’Assurbanipal (Traité, 25) tout comme les Israélites sont priés d’ordonner à leurs fils et petits-fils de mettre en pratique la Loi (Dt 32,46). En d’autres termes, les devoirs envers le successeur d’Esarhaddon deviennent, dans le Deutéronome, des devoirs envers la Loi : il faut donner ordre aux futures générations de lui être fidèles.

Un autre texte important est celui de Dt 28,58 :

Si tu ne veilles pas à mettre en pratique toutes les paroles de cette Loi, celles qui sont écrites dans ce livre, en craignant ce nom glorieux et redoutable, Yhwh ton Dieu, [alors tu seras frappé par toutes ces malédictions]…

Le texte est doublement important. D’abord parce qu’il fait partie du chapitre 28 du Deutéronome qui est, comme chacun sait, très proche du Traité d’Esarhaddon au point que peu doutent aujourd’hui qu’il n’ait pas été influencé directement par le texte assyrien. En second lieu, nous retrouvons une équivalence assez claire entre ce que dit le Traité d’Esarhaddon sur les conséquences qui menacent ceux qui trahiront Assurbanipal, héritier du trône et ceux qui ne mettront pas en pratique la Loi. Le texte du Traité le plus explicite à ce sujet est le §5 : « Si vous ne servez pas le prince héritier désigné Assurbanipal que Esarhaddon, roi d’Assyrie, vous a présenté et vous a ordonné de servir [voici toutes les malédictions qui vont vous frapper] ». Pour le Traité, c’est le service loyal envers le prince héritier qui est requis tandis que dans le Deutéronome, c’est la mise en pratique de la Loi. La non-observation de ces conditions déclenche, dans les deux cas, une longue série de malheurs contenus dans les malédictions.

Le troisième élément qui me fait dire que l’authentique « successeur » de Moïse est bien la Torah (loi, enseignement, instruction) vient de la structure même du Deutéronome. L’introduction du livre met immédiatement en évidence le lien qui unit Moïse à la Torah qui lui a été transmise par Dieu lui-même. Le livre contient les paroles de Moïse qui « interprète », « commente », « explique » la Torah (Dt 1,5). Le Deutéronome se présente donc comme le premier commentaire de toute la Torah et ce commentaire est dû à son interprète le plus autorisé et le plus célèbre, Moïse en personne37.

La Torah occupe toute l’attention du lecteur, du début à la fin du livre. Les longs discours de Dt 1-11 exhortent à la fidélité à Dieu, ce qui signifie concrètement fidélité à la Torah. Plus encore, toute la partie centrale du Deutéronome, le code deutéronomique (Dt 12-26), est occupé par les détails de cette Torah.

Ensuite, à la fin du Deutéronome, le lecteur retrouve la Torah mise par écrit par Moïse lui-même et confiée aux lévites (Dt 31,9). Ces derniers sont chargés de la lire tous les sept ans, de génération en génération (31,10-13). Ensuite, Moïse leur demande de placer cette Torah à côté de l’arche d’alliance pour qu’elle serve de témoin contre le peuple rebelle (31,24-27).

Il n’échappera à personne que Moïse cherche ici par tous les moyens à léguer à Israël ce qui lui est le plus cher : la Torah. Pour qu’Israël soit fidèle à son Dieu, il doit être fidèle à la Torah38. C’est elle qui est la pierre de touche de la loyauté du peuple. Moïse n’a pas fondé de dynastie. Aucun de ses enfants ne prendra sa place. Aucun membre d’Israël, fût-ce Josué ou le prophète anonyme de Dt 18,15.18 n’occupera la fonction unique occupée par l’homme de Dieu durant plus de quarante ans. Le vrai successeur de Moïse est un écrit, un livre, la Torah. C’est elle qu’il confie aux lévites, qu’il laisse en héritage au peuple et qu’il demande de conserver à jamais comme témoin de ce à quoi il tient le plus. C’est donc bien la Torah qui occupe dans le Deutéronome l’espace qui est réservé au fils d’Esarhaddon, Assurbanipal, dans le Traité qui porte le nom du grand roi d’Assyrie. Le centre d’intérêt de tout le Deutéronome est la pérennité de la Torah et la fidélité d’Israël à cette Torah après la mort de Moïse tout comme la grande, l’unique préoccupation du Traité de Vassalité d’Esarhaddon est la continuité de la dynastie et la loyauté des vassaux envers le ou les successeurs choisis par le Grand Roi d’Assyrie.

Conclusion

Pour le redire en quelques mots, le Deutéronome se présente donc bien comme un texte juridique, un testament. Le problème qui se pose est celui de l’après Moïse. Qui donc remplacera l’homme de Dieu auprès du peuple ? Quel héritage laisse-t-il à Israël ? À partir d’une comparaison avec le Traité de Vassalité d’Esarhaddon, il nous a semblé qu’une idée s’imposait clairement : le vrai héritage de Moïse et le vrai successeur de Moïse est la Torah. Là où le Traité de Vassalité d’Esarhaddon parle du successeur du roi, le Deutéronome parle de la Torah. En quelques mots, et pour répondre à la question initiale, le Deutéronome est le testament de Moïse qui, avant sa disparition, demande instamment au peuple d’Israël de rester fidèle à la Torah qui sera son seul vrai héritier et successeur.

Notes de bas de page

  • 1 Cet article a été publié dans Gustavo Baena, S.J. Una vida consagrada a la Palabra, éd. J. A. Noratto, Teologia Hoy 74, Bogotà, Facultad de Teología, Pontificia Universidad Javeriana, 2012, p. 127-151. La Nouvelle revue théologique remercie les éditeurs d’avoir permis d’en publier une version légèrement remaniée et est heureuse de présenter à ses lecteurs cette recherche qui complète celle que l’auteur leur a déjà partagée sur le Pentateuque (cf. « Le livre de l’Exode. Questions fondamentales et questions ouvertes », NRT 133 [2011], p. 353-373).

  • 2 Pour plus de détails, voir entre autres, H.-D. Preuss, Deuteronomium, Erträge der Forschung 164, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1982 ; R.F. Person, The Deuteronomic School. History, Social Setting, and Literature, Studies in Biblical Literature, Atlanta, Society of Biblical Literature, 2002 ; A. Rofé, Deuteronomy. Issues and Interpretation, Old Testament Studies, Edinburgh, T&T Clark, 2002. Pour la recherche plus ancienne, voir S. Loersch, Das Deuteronomium und seine Deutungen, SBS 22, Stuttgart Katholische Bibelwerk, 1967.

  • 3 Pour un excellent résumé, voir G. Braulik, Deuteronomium 1-16,17, Neue Echter Bibel, Würzburg, Echter Verlag, 1986, p. 5-8 ; Id., « Das Buch Deuteronomium », Einleitung in das Alte Testament, éd. E. Zenger, Stuttgart, Kohlhammer, 20045, p. 136-155 (137-140).

  • 4 C’est surtout N. Lohfink qui insiste sur ce point. Voir N. Lohfink, « Bund als Vertrag im Deuteronomium », ZAW 107 (1995), p. 215-239 (218-221) = Studien zum Deuteronomium und zur deuteronomistischen Literatur IV, SBAB 31, Stuttgart, Katholisches Bibelwerk, 2000, p. 285-309 (288-291).

  • 5 Pour cette terminologie et son origine, voir J.-L. Ska, « Our Fathers Have Told Us ». Introduction to the Analysis of Hebrew Narratives, SubBib 13, Rome, PIB Press, 1990, p. 7-8 = Nos pères nous ont raconté : introduction à l’analyse des récits de l’Ancien Testament, CEv 155, Cerf, 2011, p. 12-13.

  • 6 Cette structuration, basée sur les quatre titres (1,1 ; 4,44 ; 28,69 ; 32,1), remonte à P. Kleinert, Das Deuteronomium und der Deuteronomiker. Untersuchungen zur alttestamentlichen Rechts- und Literaturgeschichte, Bielefeld - Leipzig, Velhagen - Klasing, 1872, p. 167. N. Lohfink, G. Braulik, J.-P. Sonnet sont parmi ceux qui ont beaucoup utilisé cette intuition. Voir p. ex. J.-P. Sonnet, The Book within the Book. Writing in Deuteronomy, Biblical Interpretation Series 14, Leiden, Brill, 1997, p. 17-18.

  • 7 Sur ce problème, voir J.-L. Ska, « Le début et la fin du Deutéronome », TextCriticism and Beyond, In Memoriam of Isaac Leo Seligmann, éd. A. Rofé, M. Segal, Sh. Talmon, Z. Talschir, Textus 23 (2007), p. 81-96. Le texte massorétique dit ceci : « Moïse alla parler à tous les Israélites ». Il semble bien que le texte hébreu ait été modifié pour permettre l’introduction des ajouts contenus à présent dans les chapitres 31 et 32. Il suffit en effet d’intervertir deux lettres du verbe wayyekal (il finit) pour qu’il devienne wayyelek (il alla). Ce déplacement de Moïse surprend, par ailleurs, parce qu’il n’a aucune raison d’être. Moïse se trouve depuis le début du Deutéronome face au peuple.

  • 8 Sur ce point, voir entre autres B.S. Childs, Introduction to the Old Testament as Scripture, Philadelphia, Fortress Press, 1979, p. 211. Nombreux sont les auteurs qui vont dans ce sens.

  • 9 Cf. entre autres, J.-P. Sonnet, The Book within the Book (cité supra n. 6), p. 47-48. Le code deutéronomique se présente comme une reformulation des lois proclamées à l’Horeb à l’usage de la nouvelle génération qui va entrer dans la terre.

  • 10 Ceci est très bien dit par D.J. Mccarthy, Treaty and Covenant. A Study in Form in the Ancient Oriental Documents and in the Old Testament, AnBib 24A, Roma, Biblical Institute Press, 19792, p. 187 : « It is thus that the covenantal formulation becomes a speech, a farewell address or, better, a testamentary discourse, for in it the ideal leader is represented as leaving the people its heritage, a defined and committed relation to its God » (la formulation de l’alliance devient ainsi un discours, un discours d’adieu ou, mieux encore, un testament, parce que le chef idéal y lègue au peuple son héritage, une relation précise et loyale avec son Dieu).

  • 11 Ces deux textes font partie des discours que M. Noth attribuait à son Deutéronomiste. Nul n’en sera surpris. Voir M. Noth, Überlieferungsgeschichtliche Studien. Die sammelnden und bearbeitenden Geschichtswerke im Alten Testament, SKGG 18, 2, Halle, Niemeyer, 1943 (Tübingen, Niemeyer, 1957), p. 1-110, surtout p. 5 ; trad. anglaise : The Deuteronomistic History, JSOTSS 15, Sheffield, Academic Press, 1981, 19912.

  • 12 Voir le travail fondamental de M. Noth cité dans la note précédente. Aujourd’hui cette thèse est contestée, mais le caractère deutéronomiste de Jos 23 ne fait aucun doute.

  • 13 Autre texte dont le style est incontestablement deutéronomiste. Voir M. Noth, Überlieferungsgeschichtliche Studien (cité supra n. 11), p. 66 ; Th. Römer, The So-called Deuteronomistic History : A Sociological, Historical and Literary Introduction, London, T&T Clark, 2006, p. 147 = La première histoire d’Israël. L’École deutéronomiste à l’œuvre, Le monde de la Bible 56, Genève, Labor et Fides, 2007, p. 127-128.

  • 14 Sur l’origine tardive et deutéronomiste de ce texte, voir déjà J.A. Montgomery, A Critical and Exegetical Commentary on the Books of Kings, Edinburgh, T&T Clark, 1951, 19602, p. 87-88.

  • 15 C’est le programme du livre de Josué, admirablement résumé par ce titre de G. Auzou, Le don d’une conquête, Connaissance de la Bible 4, Paris, L’Orante, 1964.

  • 16 Le texte a été découvert en 1955. La première édition est celle de D.J. Wiseman, « The Vassal Treaty of Esarhaddon », Iraq 20 (1958) p. 1-99, Pl. 1-53, I-XII = The Vassal Treaties of Esarhaddon, London, The British School of Archaeology in Iraq, 1958. Pour une traduction plus récente, voir S. Parpola, K. Watanabe (éd.), Neo-Assyrian Treaties and Loyalty Oaths, State Archives of Assyria 2, Helsinki, University Press, 1988, p. 28-58. — Les études fondamentales sur ce traité sont celles de R. Borger, « Zu den Asarhaddon-Verträgen aus Nimrud », ZA 54 (1961), p. 173-196 ; Id., « Zu den Asarhaddon-Verträgen aus Nimrud. Nachtrag », ZA 57 (1964), p. 261 ; R. Frankena, « The Vassal Treaties of Esarhaddon and the Dating of Deuteronomy », Festschrift for P.A.H. De Boer 1940-1965, éd. J. Hoftijzer e.a., OTS 14, Leiden, Brill, 1965, p. 122-154 ; D.J. Mccarthy, Treaty and Covenant (cité supra n. 10), p. 114-119.

  • 17 Sur Sennachérib, voir 2 R 18-19 ; Is 36-37 ; cf. 2 Ch 32.

  • 18 Voir Th. Römer, The So-called Deuteronomistic History (cité supra n. 13), p. 74-78 = La première histoire d’Israël, p. 80-84.

  • 19 Voir H.U. Steymans, Deuteronomium 28 und die adê zur Thronfolgeregelung Asarhaddons. Segen und Fluch im Alten Orient und in Israel, OBO 145, Göttingen, Vandenhoeck - Ruprecht, 1995.

  • 20 Voir P.E. Dion, « The Suppression of Alien Religious Propaganda in Israel during the Late Monarchical Era », Law and Ideology in Monarchical Israel, éd. B. Halpern, D.W. Hobson, JSOTSS 124, Sheffield, Academic Press, 1991, p. 147-216 ; E. Otto, Das Deuteronomium. Politische Theologie und Rechts reform in Juda und Assyrien, BZAW 284, Berlin - New York, De Gruyter, 1999, p. 14-90.

  • 21 Voir J. Berman, « CTH 133 and the Hittite Origin of Deuteronomy 13 », Journal of Biblical Literature 130 (2011), p. 25-44 ; B.M. Levinson, « The NeoAssyrian Origin of the Canon Formula in Deuteronomy 13 :1 », Scriptural Exegesis : The Shapes of Culture and the Religious Imagination. Festschrift Michael Fishbane, éd. D.A. Green, L.S. Lieber, Oxford - New York, Oxford University Press, 2009, p. 25-45. J. Berman insiste sur l’origine hittite du motif. Mais les liens avec le Traité d’Esarhaddon sont trop clairs pour nier un lien plus direct. De toute manière, le Traité d’Esarhaddon est plus proche dans le temps.

  • 22 Voir E. Otto, Das Deuteronomium (cité supra n. 20), p. 362-363. Sur le thème de l’amour pour le suzerain, voir l’article fondamental de W.L. Moran, « The Ancient Near Eastern Background of the Love of God in Deuteronomy », Catholic Biblical Quaterly 25 (1963), p. 77-87.

  • 23 Sur ce roi très décrié dans la Bible, voir F. Stavrakopoulou, King Manasseh and Child Sacrifice. Biblical Distortions of Historical Realities, BZAW 338, Berlin - New York, De Gruyter, 2004 ; I. Himbaza, Le roi Manassé. Héritage et conflit du pardon, Essais bibliques 40, Genève, Labor et Fides, 2006.

  • 24 Sur ces textes, voir J.B. Pritchard (éd.), Ancient Near Eastern Texts Relating to the Old Testament, Princeton, NJ, Princeton University Press, 19693, p. 291 (Prisme B d’Esarhaddon) et p. 294 (Prisme C d’Assurbanipal), p. 534-541 (Traité d’Esarhaddon).

  • 25 N. Lohfink, « Culture Shock and Theology : A Discussion of Theology as Cultural and Sociological Phenomenon Based on the Example of the Deuteronomic Law », Biblical Theology Bulletin 7 (1977), p. 12-22 ; E. Otto, Das Deuteronomium (cité supra n. 20), p. 32 : « Das « Urdeuteronomium » — ein Treueid für JHWH » (Le « Deutéronome primitif » — un serment de fidélité à Yhwh).

  • 26 D.J. Mccarthy, Treaty and Covenant (cité supra n. 10), p. 115 : « The Esarhaddon treaty is unique in being almost exclusively concerned with this matter [the dynastic succession] » (Le Traité de Esarhaddon est unique parce qu’il s’occupe presque exclusivement du problème de la succession).

  • 27 Voir Traité, 4, 7, 17, 22, 31.

  • 28 Voir Dt 4,9 (oublier l’expérience de l’Horeb) ; 4,23 (oublier l’alliance) ; 6,12 (oublier Yhwh) ; 8,10-18 (oublier Yhwh et sa Loi) ; 8,19 (oublier Yhwh) ; 9,7 (ne pas oublier l’épisode du veau d’or). Cf. 31,21 (la postérité du peuple d’Israël n’aura pas oublié le cantique de Moïse).

  • 29 Dt 8,2 (se souvenir des quarante ans du séjour au désert) ; 8,18 (se souvenir de Yhwh et de sa force qui a permis à Israël de conquérir le pays) ; 9,7 (se souvenir de l’épisode du veau d’or) ; 32,7 (se souvenir de l’élection d’Israël de la part de Yhwh).

  • 30 Dt 4,25 (le danger de l’idolâtrie guette les enfants et petits-enfants) ; 6,2021 (devoir d’enseigner au « fils » les commandements de Yhwh) ; 11,2 (les fils qui n’ont pas encore eu l’expérience de l’œuvre de Dieu) ; 11,19 (devoir d’enseigner aux fils les paroles de Yhwh) ; 31,13 (les fils entendront la Loi qui sera lue tous les sept ans) ; 32,46 (les fils sont invités à mettre la Loi en pratique).

  • 31 Voir le parallèle plus connu de Dt 30,15-20.

  • 32 Texte assez complexe et souvent étudié. Voir à ce propos, K. Schmid, « Israel am Sinai. Etappen der Forschungsgeschichte zu Ex 32-34 in seinen Kontexten », Gottesvolk am Sinai. Untersuchungen zu Ex 32-34 und Dtn 9-10, éd. M. Köckert, E. Blum, VWGT 18, Gütersloh, Kaiser - Gütersloher Verlagshaus, 2001, p. 9-40.

  • 33 Voir N. Lohfink, « Moses Tod, die Tora und die alttestamentliche Sonntagslesung », Theologie und Philosophie 71 (1996), p. 481-494.

  • 34 Le passage est appliqué à Jésus-Christ dans la prédication de Pierre (Ac 3,22-26) et d’Étienne (Ac 7,37).

  • 35 Cf. l’avis autorisé de S.R. Driver, A Critical and Exegetical Commentary on Deuteronomy, ICC, Edinburgh, T&T Clark, 1895, 19023, p. 229 : « (…) the reference is not to an individual prophet, but to a prophetical order » (le texte ne fait pas référence à un individu, mais à l’institution prophétique).

  • 36 Sur ces chapitres, voir entre autres D.J. Mccarthy, Treaty and Covenant (cité supra n. 10), p. 199-205 ; G. Papola, L’alleanza di Moab. Studio esegeticoteologico di Dt 28,69-30,20, AnBib 174, Roma, Pontificio Istituto Biblico, 2008 ; E. Ehrenreich, Wähle das Leben ! Deuteronomium 30 als hermeneutischer Schlüssel zur Tora, BZAR 14, Wiesbaden, Harrassowitz, 2010. Le mot tôrah apparaît d’ailleurs surtout dans les chapitres initiaux et finaux du Deutéronome : Dt 1,5 ; 4,8.44 ; 27,3.8.26 ; 28,58.61 ; 29,20.28 ; 30,10 ; 31,9.11.12.24.26 ; 32,46. Les seules exceptions sont trois textes qui font partie des lois sur la monarchie : Dt 17,11.18.19. Voir G. Braulik, « Die Ausdrücke für “Gesetz” im Buch Deuteronomium », Biblica 51 (1970), p. 39-66 (64) = Studien zur Theologie des Deuteronomiums, SBAB 2, Stuttgart, Katholisches Bibelwerk, 1988, p. 11-38 (36).

  • 37 Voir surtout E. Otto, « Mose, der erste Schriftgelehrte. Deuteronomium 1,5 in der Fabel des Pentateuch », L’Écrit et l’Esprit. Études d’histoire du texte et de théologie biblique en hommage à Adrian Schenker, OBO 214, Fribourg (Ch) - Göttingen, Academic Press - Vandenhoeck - Ruprecht, 2005, p. 273-284. Voir aussi supra n. 6.

  • 38 Pour plus de détails sur ce point, voir l’ouvrage récent de D. Markel, Gottes Volk im Deuteronomium, BZAR 18, Wiesbaden, Harrassowitz, 2012. Voir aussi B.M. Levinson, J. Stackert, « Between the Covenant Code and Esahaddon’s Succession Treaty », Journal of Ancient Judaism 3 (2012), p. 123-140. Les auteurs affirment que le code deutéronomique (Dt 12-26) prend la succession du code de l’alliance (Ex 20-23).

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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