« Depuis de nombreuses années, mon engagement dans le renforcement des relations entre les Églises au sein de la Fédération et au-delà, est ma priorité et ceux qui me connaissent ne peuvent en douter. Vous savez combien j’agis dans ce sens dans une période où les sujets parfois clivants nous placent dans des situations difficiles. » Voilà ce que déclarait François Calvairoly dans un interview en mars 2019. Bousculé par des réactions à la suite de nombreux événements récents, celui qui est pasteur de l’Église protestante unie de France et président de la Fédération protestante de France depuis 2013, a éprouvé le besoin d’éclairer ses convictions chrétiennes profondes en ayant soin de déceler en quoi elles peuvent être partagées, mieux être universalisables pour les hommes de bonne volonté. Le livre s’ouvre sur le souvenir tragique des attentats de 2015, qui a constitué comme une fracture dans le tissu de la société française mais aussi une occasion douloureuse pour les religions, particulièrement chrétiennes, de resserrer leurs liens, de ressaisir leurs racines judaïques et de proclamer leur commune espérance.

Le titre intrigue volontairement : « Après Dieu » désigne la situation de sécularisation que nous vivons dans notre postmodernité, où nous subissons à la fois l’effacement du religieux chrétien et du politique (p. 87), mais peut aussi être interprété de manière plus subtilement théologique. Au moment où se célèbrent les 500 ans de la Réforme, l’A. nous entraîne en effet dans un voyage spirituel sans nostalgie, dans l’archipel des textes fondateurs, en relisant aussi bien Calvin que Ricœur (plus encore peut-être) il évoque le sort des réfugiés, le défi écologique aussi, faisant apparaître peu à peu le visage d’un « Dieu désarmé », et non plus d’un « Dieu des armées » (p. 17). Un Dieu vulnérable attentif à ceux qui sont les plus pauvres et les plus fragiles. Il va même jusqu’à dessiner (trop ?) rapidement une théologie de l’exil (p. 105) qui le pousse à faire de l’émigré un des symboles de l’universel (p. 107). S’il est vrai que la Bible, ce sont comme le disait Calvin, ces « lunettes pour lire le monde » (p. 125) !

Pointant sans complaisance les pathologies du politique puis surtout du religieux, passant de Ricœur à Tillich, l’A. rappelle que la foi, c’est ce « consentement » à être aimé, accepté, (p. 135) une confiance, que nous avons oubliée, parfois même perdue.

Il s’agit donc bien d’un livre sur la présence au monde du christianisme dans sa spécificité protestante, où diversité et liberté composent un chemin de vie pour aujourd’hui. L’enjeu est ici de quitter une posture qui suppose un pouvoir de contraindre pour adopter enfin une attitude d’humilité qui ne cesse de reconnaître l’autre, qui est, à lui seul, chemin pour chacun.

Au demeurant, l’esprit critique qui a nourri la République et l’esprit des Lumières est jumeau de l’herméneutique permanente à laquelle les protestants sont attachés. En un sursaut optimiste pour l’avenir, l’A. ne cesse de rappeler en quoi la promesse républicaine accompagne une laïcité bien comprise et permet aux protestants (mais pas seulement eux !) d’être d’authentiques « vigies de la République » (p. 88). — M.-J. Coutagne

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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