Fallait-il réagir au livre de Frédéric Lenoir: Comment Jésus
est devenu Dieu? Ne s'agit-il pas de conviction personnelle
que chacun peut librement proposer? Tant que les choses restent sur
le plan du dialogue de controverse, on pourrait l'admettre. Mais
ici, F.L. entend bien affirmer que c'est l'Église constantinienne
qui aurait fait de Jésus un Dieu alors qu'il n'en était pas
question aux premiers siècles du christianisme, le titre de «fils
de Dieu» n'ayant pas une signification absolue et n'étant pas
réservée à une personne singulière, ici Jésus de Nazareth.S'il est
vrai que la perception de la divinité du Christ s'est approfondie
au cours des générations chrétiennes jusqu'à s'exprimer en termes
dogmatiques lors des grands conciles christologiques, l'identité
divine de Jésus fut saisie dès les premières communautés. En
témoignent les écrits de Paul et les récits évangéliques dans leurs
premières confessions de foi. C'est ce que démontre le P. Sesboüé
dans ce petit essai où il prend le point de vue de l'historien basé
sur des données rédactionnelles objectives datables et fiables.
L'entreprise de F.L. apparaît ainsi réductionniste en évacuant
complètement la réalité du mystère que seule la foi peut découvrir.
Il fallait le noter parce que certains lecteurs du livre de F.L.
ont compris que l'Église officielle, pour s'établir et assurer sa
suprématie, avait imposé la divinité du Christ comme thèse
primordiale et «dogme». La foi chrétienne serait alors fondée sur
une supercherie.B. Sesboüé manifeste qu'il n'en est rien, et il le
fait en tant qu'historien et croyant. Son introduction montre que
la thèse de F.L. signale une question vraie à prendre au sérieux:
les premiers chrétiens ont-ils confessé la divinité de Jésus? Il
mène une enquête précise et argumentée dans le NT: autoproclamation
de Jésus, réaction des disciples face à sa mort et sa résurrection,
tant dans les évangiles que dans les lettres de Paul. Il prolonge
sa recherche dans les écrits des trois premiers siècles: Jésus
confessé comme Fils de Dieu au sens fort. Il en vient alors aux
conciles, de Nicée à Chalcédoine (iv-ve siècles) et en dégage que
la foi des premiers chrétiens n'a pas changé depuis les débuts,
tout en remarquant que la question est demeurée objet de débats. La
conclusion souligne avec vigueur le fait que la divinité du Christ,
et dès lors la communion trinitaire, sont à la racine de la foi
chrétienne.Un livre à lire par tous les lecteurs de Fr. Lenoir. -
J. Radermakers sj