Arrivant à la fin du Moyen Âge, Denys le Chartreux (1402-1471) a
été surnommé «le dernier des scolastiques ». Alors qu'il fut
pendant deux siècles l'un des best sellers, son oeuvre est
actuellement fort méconnue. Né au diocèse de Liège, près de
Saint-Trond, il fit ses études secondaires à Zwolle aux Pays-Bas,
chez les Frères de la Vie commune qui l'initièrent à la «devotio
moderna». À 18 ans, il voulut entrer chez les chartreux de Roermond
(NL); mais frappé par son intelligence, le prieur l'envoya étudier
d'abord la théologie à l'Université de Cologne. Devenu chartreux,
Denys se mit très tôt à écrire pendant ses temps libres les fruits
de sa prière et fut gratifié de grâces d'oraison et d'extase tout
en menant une vie humble. Il devint procureur de son abbaye, en
1434, pour accueillir plus facilement ses nombreux visiteurs; il
accompagna en 1451 le légat pontifical, Nicolas de Cues, chargé de
réformer les pays de Meuse et du Rhin. En 1466, envoyé fonder une
abbaye, il échoua et rentra définitivement à Roermond où il mourut
bientôt. En 47 ans, il a rédigé plus de 20.000 pages d'une oeuvre
encyclopédique: commentaires de toute la Bible, philosophie,
théologie, droit canon, polémique, liturgie, conseils de réforme,
ascétisme, cette dernière catégorie étant la plus populaire de ses
oeuvres. Denys souhaitait réconcilier théologie et mystique, à la
façon des Pères de l'Église, et appelait à une réforme profonde de
l'Église en même temps qu'à une réforme intérieure des chrétiens.
Ses ouvrages commencèrent à être imprimés dès les débuts de
l'imprimerie en 1471 et, en 1530, les chartreux de Cologne
éditèrent toute son oeuvre pour faire barrage au protestantisme.
Denys a beaucoup lu et reflète toutes les tendances qui l'ont
précédé, mais principalement le pseudo-Denys l'Aréopagite. Son
ouvrage le plus connu fut L'étroit chemin du salut. Ses OEuvres
complètes se virent rééditées entre 1896 et 1914, mais en latin, ce
qui en limitait l'audience. Si ses écrits sont lentement tombés
dans l'oubli, c'est en bonne partie dû à leur manque de soin et de
structure, car Denys écrivait au fil de la plume, sans guère se
corriger. En fait, il n'a pas réussi à créer un courant spirituel.
En 1530, un chartreux de Paris traduisit en français une douzaine
de ses ouvrages ascétiques. Les éditeurs du présent recueil ont
puisé dans ces traductions, en les retouchant légèrement, des
extraits qu'ils regroupent en un itinéraire spirituel: la
conversion, l'unique nécessaire, l'éloignement du monde,
l'humilité, la garde du coeur, la primauté de l'amour, la prière,
la méditation, la contemplation. Dans la plupart de ces extraits,
Denys parle à Dieu ou au lecteur, à la seconde personne. On
trouvera ici un bon spécimen de la valeur de ses ouvrages
ascétiques. - B. Clarot, S.J.